Actualités
|
Publié le 9 Novembre 2009

Ariel Goldmann : «La lutte contre l’antisémitisme doit être reprise et intensifiée»

Le vice-président du CRIF analyse, dans un entretien publié dans l’édition du 5 novembre 2009 d’Actualité Juive, l’augmentation des actes antisémites constatée durant le premier semestre 2009.




Actualité Juive : 631 actes antisémites recensés au cours des six premiers mois de cette année contre 474 pour l’ensemble de l’année 2008. Que vous inspirent ces chiffres ?



Ariel Goldmann : Trois remarques. D’abord, le fait qu’il s’agit d’une augmentation incontestable avec une flambée sur le seul mois de janvier, mois qui correspond à celui du démarrage de l’Opération Plomb durci à Gaza et à toutes les manifestations anti-israéliennes et pro-Hamas qui ont donné lieu à de très larges débordements. Ensuite, le fait que même si le nombre d’actes antisémites augmente, on reste loin des chiffres vertigineux que l’on a pu connaître durant certaines années précédentes. Enfin, le fait que les menaces (c'est-à-dire les graffitis, tracts et injures antisémites) représentent le plus gros de cette augmentation. Dans cette catégorie, 518 actes ont été répertoriés au cours des six premiers mois de l’année (contre 152 pour la même période de l’année précédente). En ce qui concerne les actions de vandalisme et de violences physiques, elles ont certes augmenté, mais de façon plus mesurée, passant de 77 au premier semestre 2008 à 113 au premier semestre 2009. Quoi qu’il en soit, on ne peut bien évidemment pas se satisfaire de ces chiffres. Ils doivent être compris comme un signal indiquant que la lutte contre l’antisémitisme qui est au coeur des efforts gouvernementaux doit être reprise et intensifiée. Il faut également que l’on continue à amplifier le travail déjà entrepris, notamment en matière de prévention, d’éducation et aussi de sanctions.



La hausse du nombre d’actes antisémites s’est poursuivie au-delà du mois de janvier, soit après l’opération à Gaza. Comment l’expliquez-vous ?



Parce que cette opération a entraînée une libération de la parole antisémite et antisioniste, libération dont les effets se sont prolongés au cours des mois qui ont suivi. Cela a provoqué une sorte de dynamique négative, une traînée de poudre qui fait que les actes d’hostilité ont continué bien après. Et les chiffres du mois de septembre que nous avons déjà recensés confirment cette tendance négative. Mais-au-delà des chiffres, ce sont les drames humains qui sont préoccupants. A Marseille par exemple, un enfant a été grièvement blessé (60 jours d’ITT) alors qu’il ne faisait que chanter devant une synagogue…



Tout le monde salue les efforts des pouvoirs publics pour lutter contre l’antisémitisme, efforts qui ne sont pourtant pas parvenus à éradiquer le fléau. Doit-on en conclure que la portée des moyens de lutte ne peut être que limitée ?



Il y a effectivement un seuil d’actes antisémites en-dessous duquel on n’arrive apparemment pas à descendre. Cela me paraît être, année après année, un constat évident. En outre, on peut effectivement craindre qu’à chaque fois qu’il se produit quelque chose au Proche-Orient, la parole antisioniste et antisémite, galvanisée par certains, se libère et donne lieu à des débordements comme ceux que l’on a connus en janvier 2009. Ce point s’avère être le plus préoccupant.



Comment devrait évoluer la situation sur le terrain ?
Cela reste difficile à apprécier. Aucun marqueur ne permet de prédire si la situation va aller en s’améliorant ou en s’aggravant. Ce qui m’inquiète néanmoins, c’est la radicalisation du discours anti-israélien, tant dans les actions que dans les méthodes, ainsi qu’une répercussion quasi-systématique de ce discours et un passage à l’acte sur les membres de la communauté juive. Un phénomène d’autant plus inquiétant que la situation du Proche-Orient ne semble pas près de s’améliorer rapidement. La communauté risque donc très certainement de devoir subir les répercussions du conflit encore longtemps.



Propos recueillis par Laëtitia Enriquez



Photo : D.R.