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Published on 21 October 2021

L'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine

Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem, distingue trois nouveaux Français pour avoir sauvé des juifs pendant la guerre.

Cet article avait été publié dans le newsletter du 21 octobre 2021. Il est l'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine.

France - Deux religieux et un diplomate français reconnus "Justes parmi les nations"

Publié le 21 octobre dans Le Point

Un des principaux prélats de la curie, le recteur de l’église de Saint-Louis-des-Français et un diplomate : ces trois Français viennent d’être reconnus « Juste parmi les nations ». Un titre décerné par Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem, aux femmes et aux hommes non juifs qui, au péril de leur vie, ont, durant la Seconde Guerre mondiale, sauvé des juifs.

Unité de lieu et de temps : c’est du Vatican que le cardinal Eugène Tisserant, monseigneur André Bouquin et François de Vial ont ensemble pris des risques pour sauver le jeune Miron Lerner. Un héroïsme dont on ne saura rien jusqu’en 1998. C’est à ce moment-là que Miron Lerner révèle les circonstances de son sauvetage, lui qui, né à Paris, s’était retrouvé en 1943 à Rome. D’hôtels en couvents, il rencontre le père Marie-Benoît, un capucin, qui aide les juifs à survivre. (Il sera un des premiers prélats à se voir décerner, en 1966, par l’État d’Israël le titre de Juste parmi les nations. Entre 1940 et 1944, dans le sud de la France, puis à Rome, il a sauvé près de 4 500 juifs.)

Miron Lerner et le père Marie-Benoît vont travailler ensemble. Prévenus à temps d’une dénonciation, ils ne seront pas arrêtés. Mais Lerner ne peut pas retourner chez lui. Désemparé, il se rend chez un prêtre qui lui donne une lettre de recommandation pour le cardinal Tisserant. Ce dernier le reçoit immédiatement, l’écoute et prend les choses en main. Au nez et à la barbe des Allemands qui gardent la frontière entre le Saint-Siège et la ville de Rome, il le fait entrer au Vatican couché à ses pieds dans sa voiture. Le jeune Miron est d’abord caché dans un petit couvent, à l’intérieur du Vatican. Puis la situation devenant de plus en plus dangereuse, il est transféré au couvent de l’église de Saint-Louis-des-Français, dont le recteur n’est autre que monseigneur André Bouquin. Le troisième homme impliqué dans l’opération, c’est François de Vial. Alors attaché à la représentation française auprès du Saint-Siège, le diplomate va, durant une ou deux nuits, héberger le jeune Miron chez lui.

On le sait aujourd’hui, l’action héroïque de ce trio français ne s’arrête pas à ce seul sauvetage. Personnellement, le cardinal Tisserant prendra de nouveau les mêmes risques afin de sauver un Italien juif qu’il avait connu avant-guerre, Cesare Verona. Comme pour Lerner, il le fait entrer clandestinement au Vatican, allant jusqu’à le cacher dans ses propres appartements. « Une action très courageuse. Un geste tout à fait extraordinaire de la part de la plus haute autorité de l’Église catholique après le pape. N’oublions pas que nous sommes sous le règne du très controversé Pie XII », confie une source proche de la commission des Justes. Dans son témoignage en faveur de son sauveur, Miron Lerner déclare : « Ce que je peux vous affirmer, c’est qu’il y avait dans les couvents de Rome pas mal de juifs cachés par le cardinal Tisserant. »

Parmi les couvents mentionnés dans le témoignage de Lerner se trouve celui qui jouxte l’église Saint-Louis-des-Français dirigé alors par Mgr André Bouquin qui, jusqu’à la libération de Rome, y cachera bon nombre de juifs. Enfin, François de Vial fait partie du Mouvement de Résistance interallié. Créé en 1942 et regroupant des Anglais, des Suisses, des Français, des membres du Vatican et des religieux français, italiens, son but est de sauver de la Gestapo et de la police fasciste des prisonniers évadés ainsi que des pilotes américains et anglais abattus lors des combats au-dessus de l’Italie.

Est-ce à dire que la reconnaissance officielle par Israël de l’action du cardinal Tisserant et de monseigneur Bouquin en faveur des juifs revient à confirmer la thèse selon laquelle l’Église aurait sauvé des juifs ? Non, répondent des spécialistes proches de la commission des Justes, qui ajoutent : « Il ne faut pas s’y tromper. En ce qui concerne l’Église catholique italienne, le sauvetage de juifs est toujours le fait d’initiatives individuelles, que ce soit celle d’un prêtre, d’un évêque ou d’un cardinal. Cela ne vient pas d’une directive centrale, claire et sans équivoque émise par Pie XII. Ce n’est pas l’Église qui a sauvé les juifs, mais des gens, des individus, très courageux. »