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Publié le 18 juillet sur France Bleu
"Ma mère m'a réveillée. Nous habitions une pièce, avec un coin cuisine. Elle m'habille, et me dit de ne pas faire de bruit. On va se réfugier dans le coin cuisine. Et peu après, on entend des coups à la porte", raconte la dame de 83 ans aujourd'hui, dans sa salle à manger. Elle en avait cinq, presque six, à l'époque : "Ma mère ne répond pas, et la porte s'ouvre. La police française, la police de Vichy, entre et demande à ma mère de rassembler quelques affaires et de les suivre. Ils nous avaient vu dans le reflet de la glace par le trou de la serrure".
13.000 personnes entassées en deux jours au Vel d'Hiv
Ce dimanche 18 juillet, c'est la journée officielle commémorant les persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de de l’Etat français. Une journée instaurée par François Mitterrand en 1993, en mémoire notamment de la rafle du Vel d'Hiv, le 16 juillet 1942 à Paris et en région parisienne. 13.152 juifs, dont 4.115 enfants ont été arrêtés par la police française du régime de Vichy et livrés aux Nazis. Moins d'une centaine reviendront de déportation.
La foule, il faisait chaud, le brouhaha, des gémissements, les mauvaises odeurs. Il y avait une promiscuité très importante : 13.000 personnes ont été entassées pendant deux jours dans ce Vel d'Hiv
Du Vel d'Hiv, Irène Sapir se souvient de "la foule, il faisait chaud, le brouhaha, des gémissements, les mauvaises odeurs. Il y avait une promiscuité très importante : 13.000 personnes ont été entassées pendant deux jours dans ce Vel d'Hiv". Irène et sa mère seront libérées au bout de 48 heures, parce que sa mère a pris le soin d'emporter avec elle "des lettres de mon père. Mon père était engagé volontaire dans l'armée. Et ma mère a entendu dire que les femmes de prisonniers ne devaient pas être arrêtées."
Sa mère, déportée, reviendra d'Auschwitz
Le danger se faisant de plus en plus pressant, la mère d'Irène Sapir confie sa fille à une famille catholique de Nanterre. Quelques temps plus tard, elle est arrêtée et déportée à Auschwitz, le camp de concentration nazi en Pologne : "Elle en est revenue miraculeusement." Sur 1.000 personnes parties dans le convoi, seulement six reviendront, dont deux femmes, et sa mère est l'une d'entre elles. Elle retrouve sa fille en 1945 après la libération du camp, en étant passée par Odessa et un bateau jusqu'à Marseille. Le père d'Irène Sapir est revenu vivant lui aussi, seulement deux jours plus tôt.
Irène Sapir deviendra institutrice dans le Bergeracois, où elle rencontrera son mari, résistant pendant son adolescence. Elle va depuis chaque année témoigner dans les collèges auprès des élèves : "Et tant que je peux, je témoigne, contre l'antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes."