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Le 1er février dernier, lors de son discours à la Conférence des Evêques de France suite à la remise de la déclaration de l’Eglise Catholique « Lutter ensemble contre l'antisémitisme et l'antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle " le Grand Rabbin de France Haïm Korsia avait dans les mains le livre très récent de Mireille Hadas-Lebel, « Les pharisiens ».
Si en 1973 l’Eglise de France déclarait « Il faut affirmer que la doctrine des pharisiens n’est pas l’opposé du christianisme » il n’en demeure pas moins que précisément les références fréquentes aux pharisiens dans la liturgie chrétienne restent particulièrement négatives et les catégorisent dans les ennemis de Jésus. Et il y a une réelle complexité à porter encore aujourd’hui cette critique dans un face à face avec les successeurs des pharisiens qui ne sont autres que…les Juifs. « Doit-on diaboliser les pharisiens pour réaffirmer la grandeur de Jésus ? Je ne pense pas » commentait le 1er février dernier le chef spirituel des Juifs de France. C’est pourquoi ce livre sur les pharisiens est important et nécessaire, parce que ce nom de pharisien « est familier à tout chrétien ».
La démarche de l’auteure, historienne de renom spécialiste de l’histoire du judaïsme dans le monde antique s’appuie sur une « perspective universitaire ni polémique ni apologétique » et vise à « replacer le discours des évangiles sur les pharisiens dans son cadre historique et civilisationnel.».
Vice –présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, elle précise aussi que si son livre n’a pas « été dicté par son engagement (…) il en a été influencé». Pour cette vaste étude à la précision extrême elle s’est appuyée sur deux sources principales : Flavius Josèphe et les évangiles.
Divisé en deux larges partie, la première consacrée aux pharisiens dans l’Histoire, l’autre aux pharisiens dans les évangiles, l’étude érudite de Mireille Hadas-Lebel laisse apparaître qu’en définitive c’est des pharisiens dont Jésus était le plus proche. Ce groupe de Juifs exigeants, scrupuleux d’une observance stricte de la Torah n’était pas hypocrite ni mu par une fausse dévotion et Jésus n’a pas toujours ni systématiquement entretenu avec eux des rapports conflictuels. Il s’avère que « son monde familier, celui où il évolue est le cercle des pharisiens ». Les contestations qui émanent de Jésus à leur encontre porteraient plus sur l’application de préceptes halakhiques que sur des questions théologiques profondes comme celle de la résurrection. En ce sens Jésus était certainement plus proches des pharisiens que des sadducéens et probablement des esséniens. L’auteure pose tout de même cette question essentielle : « Si Jésus est si proche des pharisiens sur le plan de la doctrine, comment expliquer l’hostilité qu’il semble leur témoigner au point d’enfreindre, quand il s’agit d’eux, l’amour du prochain qu’il prône, un amour qui devrait aller jusqu’à son ennemi ? » Puis elle rappelle qu’« on ne soulignera jamais assez que les invectives sont propres au seul évangile de Matthieu, ce qui peut faire peser un doute sur l’authenticité de son témoignage ».
Voici une étude riche et savante, à la frontière et l’histoire et de l’exégèse qui lève un peu de cet épais mystère qui entoure la figure de Jésus et fouille par le menu les rapports qu’il entretenait avec ses coreligionnaires.
Un livre qu’on ne saurait que recommander et dont on espère que les conclusions toucheront les esprits et qui sait peut-être aideront à prolonger la révolution que l’Eglise a opéré voici déjà 56 ans.
Stéphanie Dassa
* Les Pharisiens dans les Evangiles et dans l’Histoire, Mireille Hadas-Lebel (Albin Michel, Février 2021, Édition brochée) 19.90 €