Jean-Pierre Allali
Le chant des Remparts : Voyage à travers la légende d’un prince, Le conte d’un atelier d’enfants du ghetto de Lodz, par Myriam Maman*
Professeur d’anglais, Myriam Maman a abordé en 2011 et 2012 le thème douloureux de la Shoah avec ses élèves de classe de première. C’est dans ce cadre qu’elle leur a proposé d’étudier un document exceptionnel, miraculeusement conservé dans le ghetto de Lodz, « La légende d’un prince ». Un conte qui nous replonge dans l’univers dramatique de l’occupation de la Pologne par les nazis et de sa répercussion tragique sur la belle communauté juive qui y vivait alors et qui sera, hélas, presque complètement anéantie.
S’il fut difficile aux Juifs de résister physiquement à l’envahisseur allemand, aussi puissant militairement que fourbe quant à ses intentions génocidaire-les cas de Mordekhaï Anilewicz à Varsovie et d’Abba Kovner à Vilno demeurent des exceptions- une résistance passive put néanmoins s’organiser. Emmanuel Ringelblum, par exemple, parvint à enfouir des documents de première importance qui furent ainsi sauvés de la destruction. Il fut suivi, à travers toute la Pologne par bien des émules. Pour leur part, les illustrations et le récit du conte ont été retrouvés par un survivant, Abraham Jasni, dans les décombres d’une usine du ghetto de Lodz après la Guerre et remis par sa veuve, Chana Jasni à Yad Vachem en 1971.
C’est la vie à Lodz pendant l’occupation allemande qui en fera Litzmannstadt, que reconstitue Myriam Maman. À travers l’examen d’un texte où fourmillent les sous-entendus et les allégories et l’analyse de dix-sept illustrations aussi belles que mystérieuses, l’auteure reconstitue la vie du ghetto, où, sous l’impulsion de Léon Glazer, directeur d’un immense atelier de confection et promoteur d’activités culturelles diverses, dont un théâtre et un club de littérature et poésie, des enfants et des adolescents, purent trouver des moments de bonheur, une parenthèse de paix dans un univers terrifiant. Comme le dit Franklin Rausky dans sa préface, ce fut « la résistance de l’esprit face à la barbarie ».
L’ouvrage est abondamment illustré et comporte des annexes très utiles. Une partie historique permet de traverser l’histoire de la Pologne et de ses Juifs. On découvre une kéhila millénaire et très active et, au temps de l’occupation, la figure de Mordechaï Haïm Rumkovski, président controversé du Judenrat, qui périra en 1944 à Auschwitz.
Le « Chant des Remparts », c’est, tout compte fait, le Chant de la Résistance ».
Un très bel ouvrage. À découvrir !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Lichma. Message d’Élie Wiesel. Préface de Franklin Rausky. Janvier 2019. 394 pages. 32 €.