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Le Crif dénonce et condamne avec la plus grande sévérité ces attaques antisémites à l'encontre d'un jeune garçon dont le but n'a été que de diffuser un message positif contre le racisme. Ironie bien malheureuse, il a lui-même été la cible de la haine de l'autre.
L'antisémitisme du quotidien, c'est précisemment cela : une haine banalisée qui ne se cache plus et qui utilise tous les moyens pour sévir. Les coups dans la rue, les intimidations à l'école, les cambriolages, les insultes sur les réseaux sociaux : il faut que cela cesse. Et pour que cela cesse, il faut éduquer.
A l'occasion du 33ème Dîner du Crif, le Président Emmanuel Macron l'a clairement dit, "l'antisémitisme est le déshonneur de la France". Il a assuré que l'Etat mettait tout en oeuvre pour éradiquer cet antisémitisme qui n'a, et n'aura jamais, sa place dans l'espace de la République.
Publié le 4 février dans 20 Minutes
« Tout a commencé en mars 2018, pendant les vacances de février, quand j’ai réalisé, en collaboration avec Penseur sauvage, une vidéo YouTube consacrée au racisme. J’abordais la thématique du racisme en soi, je parlais du racialisme et de théories racialistes. Je jetais le discrédit sur la notion de race. On a vraiment fait un grand travail de recherche. On abordait de nombreux sujets différents et on a fait une vidéo complémentaire sur la chaîne de Penseur sauvage, un peu moins médiatisée. Après la publication de cette vidéo, je me suis confronté très vite à un type de commentaires que je n’avais pas vus avant. Une vague de commentaires antisémites est arrivée, j’en ai reçu cinquante, je voyais des commentaires absolument immondes avec une quantité astronomique de pouces vers le haut [likes]. C’était du genre : « Quand tu te mouches, tu n’as pas l’impression de serrer la main à un pote ? » ; « sale juif » ; « ta place est dans une chambre à gaz petit youpin ». Je me suis demandé : mais qu’est-ce qui se passe ? Je savais que ma vidéo allait faire réagir, mais je ne m’attendais pas à recevoir des commentaires à ce point antisémites.
J’ai songé que j’avais été « raid », attaqué par un groupe. J’ai pensé aux 18-25 de jeuxvideo.com au début, même si cela m’étonnait car ils ne sont pas antisémites à ce point. Un antisémite que j’avais attaqué dans une vidéo auparavant, m’a envoyé un message pour me dire : « Regarde, tu t’es fait raid par… » et, il m’a envoyé le lien vers un site. Sur le site en question, l’article était particulièrement monstrueux, ils m’avaient mis une étoile jaune.
Je m’étais déjà fait harceler plusieurs fois avant. Parfois, c’est très blessant, surtout quand on s’en prend à ma famille. Les attaques sur le physique aussi, ça fait toujours plaisir… Ça mine le moral. Au bout de la 50e fois qu’on m’insulte, qu’on insulte mes parents [Aurélien Enthoven est le fils de Carla Bruni et Raphaël Enthoven], qu’on me menace, qu’on me traite de sale juif… J’en ai marre. Les commentaires qui m’énervaient le plus, c’était les commentaires antisémites qui le cachaient, ceux qui disaient : « Mais pourquoi tu ne nous parles pas d’Israël ? », « Pourquoi tu ne parles pas de tes amis sionistes ? ». Je n’en ai pas des amis sionistes. Et puis, quel est le rapport avec la vidéo ? Mais le harcèlement ne s’est pas arrêté aux antisémites.
Quand je suis passé sur Quotidien [l’émission présentée par Yann Barthès sur TMC], des personnes se sont mises à m’attaquer pour certains de mes propos qu’elles jugeaient racistes. Elles relativisaient le harcèlement que je subissais par les antisémites, et attisaient des communautés entières contre moi sur Twitter. Le harcèlement des antisémites, ce n’est que la première partie de mon cyber-harcèlement. Ce n’est que la surface. Ce sont deux harcèlements différents mais les deux sont liés.
Sur Twitter, c’est allé très loin. Quelqu’un a essayé de supprimer mon compte. Il a été fermé pendant environ 24h pour des raisons qui n’avaient aucun sens. Un élu municipal s’est attaqué à moi. Il me reprochait d’avoir dit que le voile est un vêtement sexiste. J’avais dit : il y a incompatibilité idéologique à porter le voile et à se dire féministe car j’estimais que ce voile représentait une réification de la femme et un symbole sexiste. Je ne disais pas qu’il y avait impossibilité mais incohérence. Paraît-il que c’était absolument monstrueux, que j’étais un raciste et que mes propos étaient ignobles. Selon lui, oui, j’étais victime de cyberharcèlement, mais mes propos étaient ignobles. Et tout cela, sans me mentionner sur Twitter, donc les gens se défoulaient sur moi sans que je sois au courant. J’ai été obligé d’écrire un thread assez long [un fil de discussion sur Twitter] pour m’expliquer.
J’étais vraiment énervé par ceux que j’aime appeler « les collabos ». Ceux qui relativisaient la violence que je subissais en pointant du doigt certains de mes propos parce qu’ils me détestaient par principe, en raison de ma filiation. J’ai trouvé cette façon de faire vraiment méprisable. Et il y a eu des répercussions. Certaines personnes allaient voir les commentaires YouTube et me disaient : « Oui mais tu es raciste toi aussi. »
Je dois admettre que j’ai eu le moral miné pendant quelques jours. J’étais fatigué, j’avais un petit peu peur. Je me disais : « Ces gens-là sont très nombreux, peut-être qu’ils pourraient s’en prendre à moi. » Mon établissement m’a dit d’éviter de prendre les transports en commun. La première semaine, il y avait des moments où j’étais un peu stressé. Finalement, c’est vite passé grâce aux soutiens que j’ai reçus. J’avais déjà été harcelé auparavant, j’avais le cœur solide. J’avais déjà reçu un raid antisémite à une époque, mais sans commune mesure avec ce que j’ai reçu là. Je ne sais pas si vous connaissez le roi Mithridate, qui prenait des petites doses d’arsenic de manière régulière pour ne jamais être empoisonné. C’est un petit peu pareil, j’étais immunisé par des petites doses de harcèlement qui m’ont aidé à encaisser.
On a réussi à faire fermer le site par lequel tout a commencé, on ne voulait pas laisser ces gens agir dans l’impunité. Nous avons porté plainte. Mais les gens sont cachés derrière un pseudo. Certains ont supprimé leurs commentaires, d’autres ont signalé les commentaires antisémites pour me protéger. De nombreux commentaires ont été supprimés, mais j’avais pris les captures d’écran. Je les avais d’ailleurs publiés sur Facebook et mon compte a été suspendu pendant une journée. Facebook est incapable de distinguer les propos que je tiens des propos que j’expose.
Aujourd’hui encore, il m’arrive de recevoir, une fois par semaine ou une fois toutes les deux semaines, une petite attaque personnelle. Ça s’est beaucoup calmé. Je fais beaucoup moins de vidéos aussi… parce que j’ai moins de temps. »