Jean-Pierre Allali
Il n’est pas courant qu’un grand écrivain français contemporain reprenne, pour l’un de ses ouvrages, le titre d’un livre paru il y a plusieurs siècles. Encore moins s’il s’agit d’un académicien et si l’auteur imité est un Juif célèbre du Moyen Âge. C’est pourtant ce que vient de faire Jean d’Ormesson pour notre plus grand plaisir en reprenant le titre fameux de Maïmonide : « Le Guide des égarés ».
Écrit vers 1190 en arabe, le « Moré Névoukhim » que d’aucuns préfèrent traduire par « Guide des perplexes », se fixait, comme objectif en son temps, d’expliquer de manière « philosophique », la Thora, se proposant d’être, en somme, une « science de la Loi ».
Jean d’Ormesson, dont le propos, bien que fortement teinté d’une foi catholique fervente, est d’une autre nature, reconnaît volontiers son emprunt : « Le titre de ce manuel de savoir-vivre à l’usage de ceux qui s’interrogent sur les mystère du monde, je l’ai emprunté à Maïmonide, philosophe et médecin juif né à Cordoue, alors musulmane, au temps de Philippe Auguste, de saint François d’Assise, de l’empereur Frédéric II et de Saladin, il y a un peu moins de mille ans. »
En petits chapitres d’une luminosité exemplaire, l’auteur nous parle de la matière et de l’espace, de l’air et de l’eau, de la lumière et du temps, de la vie et de la mort, de la vérité et de l’amour et, pour finir, de Dieu. Avec, comme propos central, une tentative de répondre à cette question : Que faisons-nous, là, en ce bas-monde, nous les humains ?
« Je suis là. J’existe. Vous êtes là. Vous existez. Nous sommes là. Nous existons. Ne chipotons pas. C’est un étonnement. »
« Nous sommes libres » dit Jean d’Ormesson mais « nous ignorons d’où nous venons, nous ignorons ou nous allons. Nous sommes tous des égarés ». Des propos que n’aurait pas désavoué, probablement, le Rambam.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Gallimard. Septembre 2016. 128 pages. 14 euros.