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En effet, le premier ministre israélien Benjamin Néthanyahu a aussitôt riposté en assurant que le gouvernement actuel n'accepterait pas de diktat. D'autres responsables israéliens ont minimisé l'importance de la décision de l'Union Européenne, affirmant qu'elle n'aura que peu d'effets dans la pratique. Néanmoins, selon certaines estimations la mise en marche d'un tel boycott causerait des dégats de plusieurs centaines de millions d'euros à l'économie d'Israël.
Mais en marge de ces considérations, certains milieux affirment que la démarche européenne aura finalement des effets de boomerang et se retournera contre les Palestiniens.
D'abord, car ils semblent déjà encouragés par cette demarche et aussitôt ils ont durci leurs position face au Secrétaire d'Etat américain John Kerry, venu dans la région pour faire avancer la reprise des négociations israélo-palestiniennes. Des signes encourageants semblaient apparaître, lorsque les Palestiniens ont fait marche arrière du jour au lendemain, présentant de nouvelles exigences, dans l'espoir que ce genre de pressions feraient fléchir Israël pour des concessions supplémentaires. Or Israël ne semble guère disposée à jouer ce jeu, ce qui risque de maintenir l'impasse.
Ensuite, si la démarche européenne porte un coup aux industries et services des colons, des dizaines de milliers d'ouvriers palestiniens employés dans ces secteurs seront les premiers à en subir les conséquences.
Les "durs" parmi les milieux israéliens s'opposent par principe au "diktat", en avançant un autre argument. "On sait où ça commence mais pas comment ça risque d'évoluer. Aujourd'hui l'on parle des lignes de 1967 et si nous cédons demain on parlera des frontieres de 1948, l'année de la fondation d'Israël. Toute cette idée de déterminer telle ou autre frontière est arbitraire. À aucun moment des frontières reconnues et définitives n'avaient été établies."
Et d'accuser l'Union Européenne d'hypocrisie. "Aucune démarche semblable n'avait été envisagée à l'égard de pays n'ayant jamais respecté le Droit et l'égalité des gens. Par exemple, le commerce avec la Somalie ou l'Erithrée atteint 18 millions d'euros; plus d'un tiers de l'export d'Iran, d'environs 13 trillions d'euros, est dirigé vers l'Europe; le commerce avec la Chine, ayant annexé le Tibet, atteint 500 trillions d'euros, et ainsi de suite" affirment-ils.
Ceci dit, Jérusalem a une part de responsabilité dans la situation ainsi créée. Une responsabilité en quelque sorte administrative. En effet, l'UE avait prévenu le ministère israélien des Affaires Etrangères qu'une telle démarche était envisageable, de sorte que les diplomates auraient eu le temps d'essayer de négocier ou rendre la pilule moins amère. Or la diplomatie israélienne n'a pas de patron, puisque Avigdor Libermann, le ministre sortant et promu de nouveau à ce poste, est actuellement jugé devant un tribunal, pour abus de confiance. Et par dessus du marché le ministère des Affaires étrangères est paralysé, les diplomates israéliens etant en grève. Ainsi, la notice de l'UE est probablement restée oubliée sur un bureau quelconque.
Sur le fond de décision de l'UE, il semble que ni les uns ni les autres n'ont analysé et pris en considération les aspects juridiques de ce dossier. Autant que l'on sache un jugement d'un tribunal français (rapporté par le professeur David Ruzie) avait été ignoré, lequel jugement serait en mesure de tracer un tableau tout différent des droits et devoirs d'Israël d'une part et des Palestiniens de l'autre.
Je me réfère au jugement de la Cour d'appel de Versailles du 13 mars 2013 (OLP c/ Alstom et Veolia). La Cour conclut que l'occupation par Israël n'est pas illégale. Si elle n'est pas illégale donc on est en droit de se demander sur quelle base l'UE a pris sa décision, laquelle semble plutot politique et arbitraire.
Revenons brièvement au jugement. L'OLP (Organisation de Liberation de la Palestine) prétendait que les deux sociétés françaises avaient agi illégalement en construisant pour le compte de Jérusalem le tramway qui traverse la ville jusqu'à l'est, donc dans les territoires que revendiquent l'OLP et l'Autorité palestinienne. Se référant au droit international et citant différentes Conventions (Genève, LaHaye etc.) l'OLP voulait prouver qu'Israël violait le droit et que la détention des territoires était illicite. Mais le tribunal en a décidé autrement établissant au contraire que l'occupation israélienne ne viole aucune loi internationale.
Et d'expliquer que les textes évoqués par l'OLP sont signés entre Etats. Or ni l'Autorité palestinienne ni l'OLP n'étant des Etats, aucun de ces textes ne s'appliquent à eux. Deuxième raisonnement: ces textes (les conventions internationales) s'adressent "aux parties contractantes", c'est à dire aux parties qui les ont signés, or ni l'OLP ni l'AP n'ont jamais signé ces documents. Bien plus, la cour établit que le droit humanitaire non plus n'est pas violé par Israël. Allant plus loin encore, la cour établit que l'OLP et les Palestiniens ne peuvent se prévaloir d'aucuns textes internationaux. Jugement certes significatif et plein d'enseignement, mais ignoré des médias français, et plus grave encore par Jérusalem et les médias israéliens. Une bavure de plus. Qui ne justifie guère l'attitude de l'UE ayant passé outre des considérations et analyses d'ordre juridique.