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Publié le 7 janvier dans France 3
Alors que Paris rend hommage ce jeudi 7 janvier aux victimes des attentats survenus début 2015, avec des cérémonies "marquées par la sobriété", comment ce sixième anniversaire des attaques est-il vécu par les rescapés ? Zarie Sibony, ex-caissière de l'Hypercacher de la porte de Vincennes, était à son poste vendredi 9 janvier 2015 lorsqu’Amedy Coulibaly prenait en otage les clients de la supérette, tuant quatre personnes.
Zarie Sibony, qui réside désormais en Israël, ne souhaite plus s’exprimer publiquement depuis la fin du procès, le 16 décembre dernier. Elle s’exprime par la voix de son avocat, Me Elie Korchia, auprès de France 3 Paris IDF : "Je crois qu’on est dans une forme de soulagement. Le procès a été pour elle une double épreuve. La première épreuve : avoir réussi à se rendre au procès dans des conditions extrêmement difficiles en pleine période de pandémie."
"Témoigner était une mission pour elle" Me Elie Korchia, l'avocat de Zarie Sibony
"La seconde épreuve : livrer ensuite un témoignage de la façon la plus digne qui soit, mais aussi de la façon la plus véridique, pour faire comprendre l’horreur de cet après-midi. Du moment où le terroriste, cruel, pervers et inhumain, est entré et a tiré sur son collègue Yohan Cohen, jusqu’à l’assaut des forces de l’ordre. Témoigner était une mission pour elle", insiste l'avocat.
"Depuis le verdict, une page judiciaire s’est tournée, poursuit Me Elie Korchia, qui rappelle toutefois que deux accusés – Ali Riza Polat et Amar Ramdani – ont fait appel. Pour neuf accusés, l’affaire est définitivement jugée. Pour les deux accusés qui ont fait appel, il y aura un procès. Même si elle revient témoigner, c’est déjà très important que le verdict ait été rendu, et surtout que la dimension antisémite ait bien été mise en exergue par les magistrats."
"Le procès qu’on vient de vivre, de par son ampleur et sa durée, représentait le plus dur, explique l'avocat. Elle l’a géré. Elle a tenu le serment qu’elle s’était faite, et a rappelé le souvenir des victimes."
"D’année en année, les commémorations sont importantes, ajoute Me Elie Korchia. Ce sont toujours des moments particuliers à vivre pour Zarie Sibony et Andréa Chamak [ex-caissière de l'Hypercacher, également représentée par l’avocat], qui a aussi vécu la prise d’otages. Ce sont des moments difficiles, car ils ravivent les douleurs et des angoisses de ceux qui ont vécu les attentats de l’intérieur. Cette année est peut-être un peu différente, parce que la vérité judiciaire a été rendue. Le procès a été un moment très fort, il y a un avant et un après, c’est certain."
De son côté, Patrick Pelloux, président de l'Association des Médecins Urgentistes de France (Amuf) et chroniqueur pendant 12 ans à Charlie Hebdo, a partagé mercredi sur Instagram une série de photos en souvenir de ses amis du journal : "Bordel de merde 6 ans et les larmes coulent encore. Amis amies buvons rions et soyons heureux à la façon qu’ils et elles voyaient la vie."
Patrick Pelloux, qui a fait ce jeudi midi le déplacement au Père-Lachaise pour se rendre auprès de la tombe de Tignous, évoque auprès de France 3 Paris IDF, lui aussi, "une période très difficile" : "Le procès a tout réactivé… C’est très émouvant et très difficile pour certains, comme moi, je n’ai pas honte à le dire. Aujourd’hui, plus que les hommages officiels, je vais sur les tombes de mes amis qui nous manquent, dont Tignous. Ils sont encore là, avec nous."
"Il faut se battre pour la liberté d’expression et la laïcité" Patrick Pelloux, président de l'Association des Médecins Urgentistes de France (Amuf) et chroniqueur pendant 12 ans à Charlie Hebdo
"C’était très lourd, explique l’urgentiste, à propos du procès. On s’est souvenu de tout, on a revu des images, on a réécouté les bandes d’appels au SAMU, c’était très difficile. Mais le temps du procès est passé. Maintenant tout un travail très long va se faire. Et il faut se battre pour la liberté d’expression et la laïcité. Je pense que Tignous est en train de m’engueuler si je ne dis pas le mot "laïcité", qu’il faut défendre absolument."
"L’important pour se reconstruire, c’est de croire en la vie, c’est de vivre, raconte l’ancien chroniqueur de Charlie. Par rapport à ce qu’ils étaient, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski, Cabu, Bernard Maris, Elsa [Cayat]… Ils n’auraient pas voulu qu’on soit dans la tristesse. Et le bonheur c’est un travail… Et peut-être que ce qu’il m’aide le plus dans tout ça, c’est mon métier d’urgentiste."
Pour ce qui est du futur procès en appel, la date n’est pas encore connue.