Le CRIF en action
|
Publié le 26 Mars 2008

Meyer Habib, vice-président du CRIF : «Boycotter le salon du Livre, n’est ce pas rejeter l’existence d’Israël ?»

Question : Vous êtes vice président du CRIF. Quel a été votre parcours militant ?


Réponse : Je suis né dans une famille militante. Mon père était secrétaire général du Herout en Tunisie, puis il a été le délégué de la Tunisie au congrès sioniste de 1949, le premier s’étant tenu en Israël. Mon père était proche de Menahem Begin. Il est arrivé en France en 1956. Il a alors aidé les Juifs d’Afrique du Nord à s’installer en métropole. C’était un bâtisseur, un vrai leader de la communauté juive, auquel je dois tout. En ce qui me concerne, j’ai milité très tôt. Je suis rentré dès mon enfance d’abord au Betar et j’ai fréquenté différentes écoles juives. J’étais très porté par le militantisme. Ensuite, j’ai étudié au Technion en Israël où j’étais engagé politiquement. Par la suite, j’ai intégré le CRIF en 1992, d’abord comme délégué du Keren Kayemeth LeIsraël. Vers la fin des années 90, j’ai été nommé par Maurice Skornik (président de la Fédération des Sociétés Juives de France), pour représenter la Fédération au sein du CRIF. Entre temps, j’ai été successivement élu au comité directeur, en 1993 ; puis, en 2001, au bureau exécutif. J’ai présidé dès 2001 la Commission Israël du CRIF. J’ai eu également l’honneur de présider le comité d’organisation des « 12 heures pour l’amitié entre la France et Israël » qui a rassemblé plus de 50.000 personnes à Paris, le 22 juin 2003. Je pense que cette manifestation a contribué grandement au rapprochement entre la France et Israël, rapprochement plus perceptible aujourd’hui. Enfin, en 2008, j’ai été élu vice-président de l’institution.
Question : Comment voyez vous le CRIF maintenant que vous êtes vice-président et que devrait-il être selon vous ?
MH : Je tiens à rendre hommage à Roger Cukierman, qui a laissé le CRIF dans un très bon état. Le CRIF est l’organe central et politique de la communauté juive de France et je souhaite qu’il se renforce encore un peu plus sous la présidence de Richard Prasquier. A ce sujet, je voudrais relever le fait que le premier dîner du CRIF de l’ère Prasquier a été un grand succès à tout point de vue. Son allocution a été de grande qualité et je saisis l’occasion que vous me donnez pour rendre hommage au travail qui a été mené par Haïm Musicant, directeur général et l’ensemble de son staff.
Je rappelle que la force du CRIF est d’être plurielle. Il représente les Juifs de France dans toutes leurs sensibilités et diversités. Aussi, la tâche est immense, les enjeux sont capitaux et je mets donc toute mon énergie pour renforcer l’institution. A ce titre, je souhaite vivement que le Consistoire réintègre le CRIF sur la base des accords renégociés récemment. Je pense que le Consistoire devrait faire preuve de responsabilité. Au moment où l’union est plus que jamais indispensable dans notre communauté, je souhaite ardemment qu’il réintègre le CRIF dès que possible et sans condition préalable. Par ailleurs, je souhaite rapprocher un peu plus ce que l’on appelle la base de la communauté de ses instances dirigeantes. C’est pour moi une priorité.
Question : Quels sont vos axes de travail ?
MH : J’en vois trois. Je mettrai au premier plan la menace existentielle que constitue pour Israël et le monde, l’Iran des Mollahs. Ensuite pour moi, la défense d’Israël est une priorité absolue. Il faut rééquilibrer la politique étrangère de la France et assurer Israël de notre indéfectible soutien. Israël est un Etat menacé, au nord, au sud, à l’ouest et à l’intérieur de ses frontières. Pourtant, Israël -quelque soit ses gouvernements- n’a pas cessé d’arriver à des compromis et de souhaiter la paix. Mais, je constate que beaucoup, dans le monde arabe et chez les Palestiniens, n’ont pas encore accepté la réalité de l’existence d’un Etat nation Juif. Je dirai pour terminer que le CRIF doit continuer de ne pas relâcher sa vigilance pour lutter contre l’antisémitisme qui malheureusement n’a pas disparu. Enfin, nous avons un devoir de mémoire afin que les prochaines générations n’oublient jamais les tragédies qui ont parsemé l’histoire juive, en particulier la Shoah.
Question : Quel est votre regard sur le conflit israélo palestinien ?
MH : Il faut cesser d’entretenir l’illusion selon laquelle le règlement du conflit n’est qu’une question de territoires et de frontières. En 1948, 1956 et 1967, les questions des Territoires ne se posaient pas. Les pays arabes voulaient créer un Etat palestinien à la place d’Israël et non au côté d’Israël. Aujourd’hui, je suis heureux de constater que les choses ont évolué avec des pays comme l’Egypte ou la Jordanie. Cependant, pour d’autres pays arabes et certains Palestiniens, leur but ultime reste la destruction de l’Etat d’Israël. Nous voyons bien que les retraits unilatéraux de la Bande de Gaza ainsi que des forces de Tsahal du Sud Liban n’ont pas résolu le problème et n’empêchent pas à ce jour les Palestiniens de bombarder Ashkelon, Sderot et dès qu’ils le pourront Ashdod ou Tel-Aviv.
Question : Mais les Palestiniens aspirent à créer un Etat afin de vivre leur identité nationale. Etes-vous opposé à la création d’un Etat palestinien ?
MH : Non. Mais c’est avant tout aux Israéliens de se déterminer. Je pense qu’un Etat palestinien sera créé un jour ou l’autre. Cependant, il semble à titre personnel qu’Israël ne doit pas revenir aux frontières de 1967 qui sont des frontières indéfendables. Et les blocs d’implantations juives, la Vallée du Jourdain et certaines zones inhabitées doivent rester sous le contrôle d’Israël parce qu’elles sont indispensables à sa sécurité. Enfin, Jérusalem doit rester unifié en tant que capitale indivisible et éternelle de l’Etat d’Israël.
Question : Est-ce que vous en discutez avec Benjamin Netanyahou dont vous êtes l’un des plus proches ?
MH : Oui. Cette proximité avec l’ancien Premier ministre est extrêmement enrichissante. J’ai eu l’occasion de l’accompagner durant toutes ces années et de mesurer ce que sont les intérêts nationaux d’Israël. Pour moi, Benjamin Netanyahou a la stature d’un véritable homme d’Etat qui comprend les problèmes. Il a une vision à long terme des solutions à apporter pour résoudre le conflit. Mais, encore une fois, je veux redire que ce sera aux Israéliens de se déterminer. Je veux seulement rappeler, cette fois en tant que vice président du CRIF, que notre institution est légitimiste, quelque soit les sensibilités politiques personnelles de chacun d’entre nous. Le CRIF n’interfère pas et il soutient les gouvernements d’Israël démocratiquement élus.
Question : Vous êtes retourné en Tunisie ?
MH : Je suis né à Paris en 1961. La première fois que j’ai été en Tunisie, c’était en 2006. A l’initiative de Pierre Besnainou, j’accompagnais alors une importante délégation d’officiels israéliens, mené par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Sylvain Shalom. Ce voyage était important. C’était la toute première fois -et par un vol direct Tel-Aviv Djerba- qu’un ministre israélien de ce niveau se rendait en Tunisie. Cette visite m’a donc beaucoup marqué et j’ai été très ému de retrouver la trace de mes ancêtres. L’accueil a été très chaleureux.
Question Quel genre de rapport voudriez vous voir s’instaurer entre musulmans – arabes – juifs et israéliens ?
MH : Les plus proches possibles. Je suis persuadé que ces rapports peuvent être des plus amicaux et des plus fraternels. Les Juifs ont vécu des milliers d’années dans ces pays et ils y souvent bien vécu. Cependant, je tiens à exprimer ma déception. Les pays arabes -dont les pays modérés- boycottent actuellement le salon du Livre qui se tient à Paris sous le fallacieux prétexte qu’Israël en est l’invité d’honneur.
Question : Est-ce que ce boycott reflète selon vous le refus de l’existence de l’Etat d’Israël ?
MH : Je ne vois aucune raison de boycotter le salon. Boycotter le salon, n’est ce pas au fond rejeter l’existence de l’Etat d’Israël et revenir trente ans en arrière ?
Propos recueillis par Marc Knobel
Photo : © 2008 Alain Azria