Bruno Halioua

Président de la Commission Souvenir du Crif

Blog du Crif - Hommage à Ady Steg, un Mensch

12 Avril 2021 | 294 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Vendredi 9 août 2024, s'est tenue la cérémonie en hommage aux victimes de l'attentat terroriste de la rue des Rosiers, organisée par le Crif en collaboration avec la Mairie de Paris. La cérémonie s'est tenue devant l'ancien restaurant Jo Goldenberg, au 7 rue des Rosiers. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé dans la lutte contre l'antisémitisme sous toutes ses formes, en dénonçant notamment celle qui se cache derrière la détestation de l'Etat d'Israël.

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Le professeur Ady Steg, un Mensch, un grand médecin, vient de nous quitter à l’âge de 96 ans. Membre fidèle de l’AMIF depuis sa fondation en 1952, il était membre de son Comité d’Honneur. 

Ady Steg est arrivé à Paris à l’âge de 7 ans avec sa famille sans parler un mot de français, dans un train venant de Slovaquie. Il m’a relaté qu’il a ressenti un sentiment de joie en voyant à travers la fenêtre de son wagon le panneau indicateur indiquant « Paris Est » après avoir traduit naïvement « À Paris on Mange » (En yiddish “Est” signifie "Manger").

Ady Steg est un pur enfant de l’école de la République. Il a bénéficié de l’excellent enseignement de ces instituteurs qui oeuvraient résolument, obstinément, pour attirer les enfants vers la lumière du savoir sans œillères. Très rapidement, il a été subjugué par la France comme il l’a déclaré par la suite "en quelques mois, les Gaulois étaient devenus mes ancêtres, et je vivais la même émotion que mes camarades avec Roland à Roncevaux, Charlemagne à Reims ou Jeanne d'Arc à Domrémy". Ady Steg est très rapidement devenu un excellent élève d’abord à l’école des Hospitalières Saint-Gervais puis au lycée Voltaire.

Il m’a relaté le sentiment qu’il a ressenti le jour où il s’est rendu au lycée Voltaire porteur pour la première fois de la tristement sinistre étoile jaune imposé à tous les Juifs en Zone Occupé en juin 1942. Son arrivée dans la classe a alors suscité à sa grande satisfaction une vague d’émotion et de consternation chez ses condisciples qui ignoraient qu’il était Juif. Le professeur de lettres, de français, M. Binon a eu alors une attitude admirable. Il a fait son cours ce jour là sur un texte de Montesquieu qui s’intitule « De la tolérance ». A ses yeux, ce professeur représentait ce qu’il y avait de plus beau dans la France républicaine et humaniste.

Dans les semaines qui ont suivi, il a échappé miraculeusement à la rafle du Vel’ d’Hiv, le 16 juillet 1942 à Paris. Il a traversé clandestinement la ligne de démarcation avec sa petite sœur avec de faux papiers et grâce à un passeur. Ils se sont fait arrêter le 13 août 1942, par la police française pour "usage de faux papiers". Il a été interné deux mois et demi à la prison Saint-Paul de Lyon.

Le 27 octobre 1942, à sa sortie, il a été caché par le réseau de sauvetage mis en place par l’Abbé Glasberg qui animait les Amitiés chrétiennes auprès du Cardinal Gerlier. Il s’est ensuite engagé dans la Resistance au sein des FFI de Sarlat, puis du 3ème Bataillon d'Armagnac dans le Gers.

A la Libération, il a fait partie de cette génération de jeunes juifs qui ont œuvré obstinément à la reconstruction de la Communauté juive parallèlement à la poursuite de ses études de médecine. Il est devenu Interne des Hôpitaux de Paris en 1953, puis Chef de Clinique en Urologie. Il a mené une brillance carrière hospitalo-universitaire en chirurgie malgré les nombreuses manifestations antisémites qui persistaient encore dans les hôpitaux dans les années d’Après Guerre.

Doté d’une volonté hors du commun, d’une intelligence hors norme et d’une force de travail exemplaire, Ady Steg a franchi chacune des étapes de ce parcours si difficile et il est devenu titulaire de la prestigieuse chaire d’urologie de l’hôpital Cochin dont la réputation est mondiale. C’est ainsi que l’enfant d’un Shtetl, du fin fond des Carpates, a été choisi pour opérer deux présidents de la République.

Ady Steg était un exemple pour tous les médecins juifs pour sa simplicité et sa modestie. Il était membre de l'Académie de Chirurgie et de l'Académie Nationale de Médecine. Il était fidèle à l’esprit de Maimonide qui disait que celui qui dispose d’une influence sur une personne de pouvoir après l’avoir soignée ne doit pas se pavaner et s’en servir pour son intérêt personnel. Comme Maimonide, cette proximité avec les hommes de pouvoir a été mise à contribution pour aider la communauté juive. A ce titre, il est un modèle pour nous tous. Fidèle à cet état d’esprit, ses élèves les professeurs Marc Zerbib et Bernard Lobel (Zal) ont  poursuivi avec brio leur engagement communautaire de manière admirable et exemplaire.

Ady Steg était un véritable humaniste et un Juif engagé. Il a présidé le Crif de 1970 à 1974 et de l’Alliance Israélite Universelle de 1985 à 2011. Il a été aussi le Vice-Président de la mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France (mission Mattéoli), qui a joué un rôle important dans la création de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Ce grand médecin, ce Mensch a eu un parcours professionnel, personnel, moral, spirituel, en profonde harmonie avec sa famille et en particulier avec son épouse Gilberte qui l’a épaulé tout au long de leur vie commune. Le destin d’Ady Steg, fait honneur à la Communauté Juive et à la Nation toute entière. Au nom de l’AMIF j’adresse mes sincères condoléances à sa femme, à notre ami Philippe Gabriel, à Jean Michel, à ses belles-filles et à ses petits-enfants.