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Published on 8 November 2021

France - Deux policiers agressés à Cannes, la piste terroriste "envisagée"

L’assaillant, de nationalité algérienne, a été « neutralisé » par les tirs des policiers. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, s’est rendu sur place en fin de matinée.

Publié le 8 novembre 2021 dans Le Monde

Deux fonctionnaires d’un équipage de police secours ont été agressés lundi 8 novembre au matin, vers 6 h 30, devant le commissariat de Cannes (Alpes-Maritimes) alors qu’ils se trouvaient à bord de leur véhicule de service en compagnie de deux de leurs collègues. D’après les premiers éléments de l’enquête, l’équipage s’apprêtait à partir en patrouille lorsqu’un individu s’est approché de la fenêtre côté arrière gauche en prétextant une demande de renseignement. C’est au moment où le policier a baissé la vitre qu’il a porté à celui-ci plusieurs coups de couteau au thorax. Protégé par son gilet pare-balles, le fonctionnaire n’a pas été blessé. L’homme, constatant son échec, a contourné la voiture de police pour s’en prendre, dans les mêmes conditions, au chef de bord et conducteur. Lui aussi porteur d’un gilet pare-balles, il a pu réchapper à l’attaque. Deux policiers ont alors riposté et l’individu porteur du couteau a été touché par deux tirs. Il a été évacué vers un centre hospitalier, et ses jours sont en danger.

L’assaillant, âgé de 37 ans et détenteur d’un passeport algérien, apparaît, de source policière, « inconnu à tous les fichiers ». Mais le mode opératoire, la détermination dont il a fait preuve en s’en prenant successivement à deux policiers et les déclarations des témoins faisant état de mentions du « prophète » au moment où il a porté les coups de couteau conduisent, d’après la même source, les enquêteurs de la police judiciaire de Nice, saisie des investigations, à « envisager une attaque terroriste ». A ce stade, le Parquet national antiterroriste (PNAT) ne s’est pas saisi de l’incident, lundi matin, mais une telle possibilité n’était pas écartée selon la suite des investigations. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré sur Twitter qu’il apportait « tout [son] soutien à la police nationale et à la ville de Cannes » avant de se rendre sur place dans la matinée.

En fin de matinée, il n’y avait toujours pas d’enquête ouverte par le PNAT, « qui reste observateur », a fait savoir sur place Gérald Darmanin. S’agissant de l’assaillant, « c’est un monsieur qui travaillait, qui avait entre 35 et 40 ans (…) et il n’était inscrit dans aucun fichier de radicalisation », a rapporté le ministre lors d’une courte déclaration à la presse. L’individu, « qui a un passeport algérien, qui vient régulièrement » en France, « a manifestement un titre de séjour italien », et était « en règle sur le territoire national », a-t-il ajouté.

 

« Dégradation de la situation »

Si les circonstances précises de l’attaque comme les motivations de l’agresseur doivent encore être éclaircies, cette nouvelle agression au couteau fait suite à plusieurs incidents qualifiés de « signaux faibles » par les services de police et enregistrés au cours des jours précédents. Dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 novembre, à Villeurbanne (Rhône), un homme muni d’un couteau a hurlé « Allahou akbar » après avoir tenté de voler le véhicule de policiers en civil du groupe de sécurité de proximité, avant d’être interpellé.

Dans la même ville, la veille, un adolescent de 15 ans exhibant une machette et circulant aux abords d’une école israélite en proférant des insultes antisémites avait été appréhendé par les policiers. « Ces deux affaires n’ont pas grand-chose à voir avec des attaques terroristes mais elles témoignent d’une dégradation de la situation et d’un passage à l’acte de plus en plus fréquent à l’arme blanche », notait lundi matin un responsable policier.

L’épisode jugé le plus inquiétant reste toutefois l’agression d’un équipage de police lors d’un contrôle routier mené vendredi 22 octobre dans le quartier de Petit-Colombes, à Colombes (Hauts-de-Seine). Ce jour-là, un homme s’était précipité sur les fonctionnaires armé d’un couteau en hurlant « Allahou akbar ». Touché par plusieurs balles, notamment au niveau du bassin, le trentenaire, habitant Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), était connu de la police pour diverses infractions, notamment routières et liées aux stupéfiants, mais n’était pas inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, selon plusieurs sources policières. Il n’a pas survécu à ses blessures.

L’attaque de lundi matin à Cannes s’inscrit dans un schéma désormais familier et récurrent en matière de terrorisme islamiste : outre le recours à l’arme blanche, il vise les forces de l’ordre et semble être motivé par la défense « du prophète ». Ce dernier élément correspond à ce que le politologue Gilles Kepel surnomme un « djihadisme d’atmosphère » et témoigne que, plus d’un an après l’attaque de deux journalistes de l’agence de presse Premières Lignes rue Nicolas-Appert et l’assassinat de Samuel Paty, en plein procès des attentats de janvier 2015, la France reste la cible d’une propagande et d’un djihad recentré sur la défense de la figure sacrée du prophète, un thème consensuel dans la communauté musulmane pieuse et qui dépasse largement le seul militantisme djihadiste. En juillet, un long message d’Al-Qaïda accusait à nouveau la France de blasphème envers l’islam et son prophète et appelait à la frapper, suscitant un rehaussement du niveau d’alerte des services d’Etat. Parallèlement, au Pakistan, les partis islamistes n’ont cessé leur campagne de propagande agressive envers Paris, toujours sur le thème des caricatures.