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Publié le 2 septembe dans Le Journal du Dimanche
Un procès hors norme. Le procès des attentats du 13 novembre 2015, qui s'ouvre mercredi 8 septembre devant la cour d'assises spéciale de Paris, est la plus grande audience criminelle jamais organisée en France. Au moins 145 journées d'audience sont prévues jusqu'au 25 mai 2022, le dossier d'instruction compte un million de pages, 330 avocats y figurent, et 1.765 personnes, d'une vingtaine de nationalités différentes, se sont constituées parties civiles. Huit caméras enregistreront les débats au titre des archives audiovisuelles de la justice.
Un dispositif technique sans précédent. Dans le bâtiment historique du palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité, une salle d'audience de 700 m2, la "plus grande jamais construite", a été bâtie. "Il était indispensable d’édifier une salle d’audience qui respecte le cadre historique de ce Palais de justice, qui permette d’accueillir un très grand nombre de parties civiles, et d’être à la hauteur des enjeux du plus grand procès jamais organisé en France", explique à Franceinfo Jean-Michel Hayat, le premier président de la cour d'appel de Paris. Au moins 17 salles annexes pourront retransmettre les débats et une webradio sécurisée permettra aux victimes de suivre les audiences de chez elles, en léger différé.
Salah Abdeslam entendu en janvier. Un des moments forts du procès sera l'audition de Salah Abdeslam, le seul membre du commando encore en vie. Son interrogatoire est prévu les 13 et 14 janvier 2022. Agé de 31 ans, ce proche d'Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des commandos, a abandonné sa ceinture d'explosifs dans la soirée du 13 novembre 2015 pour des raisons qui restent encore inconnues. Depuis, il a presque systématiquement gardé le silence face aux juges ou lors de son procès à Bruxelles en 2018, où il a été condamné à vingt ans de prison pour avoir tiré sur des policiers en 2016. Il risque la perpétuité.
Vingt personnes jugées. En plus de Salah Abdeslam, 19 autres personnes seront jugées.
De la jeunesse en défense, un président expérimenté. A 31 ans seulement, Olivia Ronen aura la délicate tâche d'assurer la défense de Salah Abdeslam. Profil bien éloigné du médiatique ténor du barreau de Lille Frank Berton, un temps l'avocat du dernier survivant du commando, elle a été officiellement désignée en novembre 2020. C'est Salah Abdeslam lui-même qui a pris contact avec elle, il y a trois ans, depuis la prison de Fleury-Mérogis où il est détenu sous très haute sécurité.
A l'inverse, le magistrat qui a été choisi pour présider le procès historique est très expérimenté. A 65 ans, Jean-Louis Périès vivra même son dernier procès avant la retraite. Il s'y prépare depuis près d'un an et demi, presqu'exclusivement. "C'est un magistrat qui a le sens de l'humain", résume Jean-Michel Hayat, Premier président de la cour d'appel de Paris, quelqu'un "au très fort caractère", ajoute Me Sarah Mauger-Poliak. Jean-Louis Périès sera épaulé par deux autres présidents d'assises pour le procès : la première assesseure Frédérique Aline et la magistrate honoraire Xavière Siméoni.
Trois avocats généraux représenteront l'accusation, portée par le parquet national antiterroriste : Camille Hennetier, Nicolas Le Bris et Nicolas Braconnay.
Les temps forts du procès. Jean-Louis Périès doit déclarer les débats ouverts mercredi à 12h30. En raison du très grand nombre de victimes, la cour procédera pendant deux jours à l'appel des parties civiles constituées et examinera d'éventuelles nouvelles constitutions, avant de faire l'appel de plus d'une centaine de témoins. Le président fera le troisième jour la lecture de son rapport, résumant les quelque 500 tomes du dossier.
Abdeslam sortira-t-il de son silence? La cour arrivera-t-elle à lever les dernières zones d'ombre du dossier, à commencer par le rôle exact joué par Salah Abdeslam? Resté mutique pendant l'instruction, le Franco-Marocain de 31 ans n'a pas dévoilé ses intentions. Sa défense ménage le suspense et les parties civiles se préparent déjà à se heurter à un mur de silence. "Ce procès promet d'être chargé en émotions, la justice se devra toutefois de les tenir à distance si elle ne veut pas perdre de vue les principes qui fondent notre Etat de droit", mettent en garde les avocats de Salah Abdeslam. "Nous veillerons à ce que ce procès exceptionnel ne devienne pas un procès d'exception."