Crif - Twitter : modération impossible

Cet article est proposé par Sophie Taïeb, responsable du Pôle cybersécurité et signalements du Crif

Une scène banale de micro-trottoir. Un jeune en interroge deux autres et leur demande ce qu’ils feraient s’ils étaient présidents. L’un d’entre deux, tout fier de « passer à la télé », ne mâche pas ses mots. Extrait : « T'as vu ce qui se passe en Palestine ? Wallah, je ferais un génocide de la bonne partie des juifs ».

Les homosexuels ne sont pas en reste, puisque le même sort leur est réservé « sauf aux lesbiennes » (sic).

Cette vidéo a été partagée et vue des milliers de fois. Certains la trouvent drôle, d’autres affligeante, d’autres peut-être (et c’est bien là l’un des problèmes) inspirante.

En tout état de cause, les nombreux signalements effectués par le Crif via les plateformes dédiées ou directement à Twitter n’ont rien donné.

Screenshot de la réponse de Twitter après notre relance

Dans le cadre de sa mission de lutte contre la haine en ligne, le Crif est en contact direct avec les réseaux sociaux, et alerte systématiquement quand un contenu de ce type est partagé.

Récemment, le Pôle cybersécurité et signalements du Crif a suivi une formation donnée par Twitter où il était expliqué que le contenu haineux n’a pas sa place sur le réseau social, mais qu’il faut tout de même pouvoir comprendre le contexte.

Ainsi, si un internaute dénonce la haine, alors ce n’est pas en soi un contenu haineux, mais plus une alerte, ou une mise en garde. Certes.

Ainsi, un professeur, un journaliste, ou un internaute qui va dénoncer un contenu haineux ne sera a priori pas inquiété par les modérateurs, qu'importe le contenu qu'il partage. Néanmoins, tous les professionnels (cyber gendarmes, journalistes, chercheurs…) mettent un point d’honneur à ne pas partager ce type de contenu, même pour le dénoncer. Car ils ont bien compris les dérives que cela peut entraîner.

De même, Twitter n’a pas toujours été coulant avec ceux qui « postent une photo horrible pour dénoncer le fait que c’est horrible ». C’est notamment pour cela (et c'est louable) que Twitter a censuré les tweets qui, pour dénoncer l’islamisme, diffusent des vidéos de propagande ou ont partagé des photos de l’intérieur du Bataclan après l’attaque.

Si Twitter a su supprimer ces vidéos et ces photos qui étaient partagées par ceux qui « dénoncent l’islamisme », pourquoi cette vidéo qui appelle au génocide des juifs et au meurtre des homosexuels est-elle toujours visible et partagée des milliers de fois ?

Comment est-il possible que, malgré nos relances, cette vidéo n’enfreigne, selon Twitter, aucune règle ?

Quel est l’intérêt de continuer à diffuser ces propos de haine et ces appels au meurtre ?

Espérons que les modérateurs du réseau social prendront vite la mesure de leur responsabilité, et cesseront de laisser cette vidéo buzzer sans contrôle et sans modération.

Le Crif vous propose : 

CRIF/HAINE EN LIGNE – LE TRAVAIL DE MODÉRATION ET DE SIGNALEMENT SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX DU CRIF