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Publié le 2 mai dans Le Parisien
Dans les rues israéliennes ce dimanche, les drapeaux sont en berne et la presse s’émeut d’un « désastre ». Un pèlerinage rassemblant des dizaines de milliers de juifs orthodoxes au mont Meron, au nord du pays, a été le théâtre d’une cohue tragique qui a coûté la vie à 45 personnes dans la nuit de jeudi à vendredi. En ce dimanche décrété jour de deuil national, le pays pleure ses victimes, parmi lesquelles 16 enfants et adolescents.
Des premières funérailles ont eu lieu dès vendredi après-midi après ce drame, que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a qualifié « d’une des plus grandes catastrophes » de l’histoire de l’Etat hébreu depuis sa création en 1948. Les enterrements ont repris samedi soir après une pause pour le shabbat.
« Quarante-quatre dépouilles ont été remises (aux familles) pour les enterrements et une dernière le sera au cours de la journée », indiquait ce dimanche un communiqué du ministère de la Santé. Les autorités ont annoncé dimanche avoir fini l’identification des morts, incluant notamment quatre Américains et deux Canadiens.
Deux jeunes Franco-Israéliens ont également péri, selon les registres en hébreu de la police israélienne. Les frères Moshé et Yosef ElHadad étaient respectivement âgés de 12 et 18 ans.
Deux jeunes frères morts écrasés
Ce dimanche, la presse israélienne a publié, à l’encre noire, les portraits des victimes, toutes masculines, aux visages la plupart du temps encadrés de papillotes ou coiffés d’un chapeau noir. Yehoshua, 9 ans, Elazar, 13 ans, Moshe, 14 ans… La bousculade géante a fauché les rêves de seize enfants et adolescents.
Lunettes à la monture rectangulaire, visage de chérubin semblable à celui de son frère Moshe, Yehoshua Angelred est, à neuf ans seulement, la plus jeune victime de la tragédie. Les deux frères sont morts écrasés quand, selon des témoins, une masse humaine a tenté de quitter tôt vendredi le pèlerinage, à l’occasion de la fête juive de Lag Baomer, mais s’est densifiée dans un couloir métallique étroit.
Tragédie du mont #Meron: journée de deuil national en #Israël pic.twitter.com/o0e2JueozH
— i24NEWS Français (@i24NEWS_FR) May 2, 2021
Parmi les 16 jeunes décédés figure aussi Elazar Yitzchak Koltai, dit « Azi », 13 ans, dont les funérailles ont eu lieu samedi dans l’école ultra-orthodoxe de Jérusalem qu’il fréquentait. Les camarades d’Azi sont venus tôt le matin pour voir le corps du garçon qui reposait dans le hall, enveloppé d’un talit, un châle de prière. « C’était vraiment très triste […] Il y avait beaucoup de pleurs », confie une maman. Azi était un garçon « vraiment adorable et joyeux ».
La cohue s’est produite alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes étaient réunies pour le pèlerinage au Mont Meron, autour du tombeau présumé de Rabbi Shimon Bar Yochaï, un talmudiste du IIe siècle de l’ère chrétienne auquel on attribue la rédaction du Zohar, ouvrage central de la mystique juive. Avant le drame, une foule dense dansait et chantait tandis que bougies et feux avaient été allumés.
« Papa, je meurs »
Avigdor Hayut, 36 ans et originaire de la ville de Bnei Brak, près de Tel-Aviv, participait à la « Hilula » pour la première fois avec son jeune fils de 10 ans et son aîné de 13 ans, Yedidya, qui n’en est pas revenu vivant. Samedi, peu avant de quitter l’hôpital où il était hospitalisé pour se rendre aux funérailles de Yedidya, ce père a raconté à la télévision israélienne avoir perdu de vue son fils aîné vers la sortie du site du Mont Meron.
« Je me suis retrouvé par terre avec mon plus jeune fils et les gens nous tombaient dessus de toutes parts et nous écrasaient », relate l’homme qui a eu les côtes et la cheville cassées. « Mon jeune fils a crié Papa je meurs, mais a été rescapé par miracle, dit-il. Mais « Yedidya, à ma grande tristesse, n’a pas survécu. C’était un saint ! S’il m’avait demandé de dire une chose, ça aurait été ceci : nous avons tous quelque chose en commun, nous sommes juifs ».
Les drapeaux bleus et blancs sertis de l’étoile de David étaient en berne dimanche devant les édifices gouvernementaux à l’occasion d’un deuil national, tandis que les funérailles se multipliaient, principalement à Bnei Brak près de Tel-Aviv et Jérusalem, et que les familles traversaient la Shiv’ah, période de deuil de sept jours. Samedi soir, des citoyens de Tel-Aviv avaient allumé des chandelles en hommage aux victimes.
« Cela me touche personnellement car je viens d’un foyer ultra-orthodoxe. Jusqu’à il y a huit ans, j’allais moi aussi en pèlerinage à Meron. Mes parents étaient présents à Meron cette année et sont partis une heure » avant la tragédie, raconte sur place Rachel, 28 ans. « Pendant 20 ans, j’ai aussi fait le pèlerinage à Meron, raconte Yael, une autre jeune femme. Une fois, j’ai également fait l’expérience d’une bousculade […] C’était le moment le plus effrayant de ma vie, et je n’y suis plus retournée depuis. »
Des prises de responsabilité, mais encore beaucoup de questions
À travers le deuil, des questions taraudent les Israéliens. Que s’est-il vraiment passé au Mont Meron ? À qui la faute ? Le drame aurait-il pu être évité ? Selon les premières indications, une masse humaine a quitté les lieux vers 00h50 en marge d’un « feu de joie », mais la sortie exigeait de passer dans un couloir étroit, ce qui a causé un goulot d’étranglement. Des fidèles, en majorité de jeunes hommes et des adolescents, ont été écrasés dans la foule en panique.
Benjamin Netanyahu a rendu visite à des rescapés, dimanche soir, à l’hôpital.