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Published on 7 December 2020

Crif - Procès de l'Hyper Cacher : Plaidoirie de Maître Patrick Klugman, avocat de parties civiles

Maître Patrick Klugman est avocat de parties civiles, victimes de la prise d'otages de l'Hyper Cacher, au procès des attentats de janvier 2015. Jeudi 3 et vendredi 4 décembre 2020, les différents avocats des parties civiles ont présenté leurs plaidoiries. Découvrez l'intégralité de la plaidoirie de Me Patrick Klugman axée sur le mobile antisémite.

Plaidoirie de Maître Patrick Klugman, avocat de victimes de la prise d'otages de l'HyperCacher

I. Le procès impossible

C’est curieux la mémoire. 

Il y a des dates, des lieux, des visages que l’on oublie jamais. C’est une chose, d’apprendre, de réfléchir, mais c’est une autre de voir, de sentir…

Comme tout le monde j’ai toujours entendu parler de terrorisme. J’ai connu, j’ai plaidé avant celui-ci des dossiers dits terroristes. Mais depuis le 7 janvier. 2015, pour moi le terrorisme c’est un sanglot. Des larmes déchirantes. Pas des larmes d’enfants. Celles d’un homme. D’un médecin. D’un témoin. Patrick Pelloux sort de l’immeuble de Charlie Hebdo. Ses amis, suppliciés et décapités.

Le 7 janvier 2015, quelques minutes après les faits, je me suis trouvé aux abords de la rue Nicolas Appert. Un endroit gagné par la désolation et le silence…On n'imagine pas un tel silence après le chaos. 

Je me souviens distinctement de chaque visage gagné par l’effroi et la crainte de savoir si tel proche était ou pas, touché ou mort. 

Je me souviens aussi de Richard Malka ce jour-là. Personne ne pouvait se douter  que la terreur se poursuivrait le lendemain et le jour suivant. Et je ne me doutais encore moins que j’allais accompagner ceux qui n’étaient pas encore les victimes de l’hypercacher jusqu’à votre audience.

Plus de 5 ans plus tard, les circonstances indépendantes de notre volonté, le bouleversement de votre calendrier ont voulu, comme une boucle qui se referme, que nous finissions ensemble les plaidoiries des parties civiles… que ma voix devancerait la sienne pour que s’achève enfin par un verdict, ces froides journées de janvier qui ont fait basculer notre pays dans la tristesse et la peur.

Et Avant d’en venir aux faits, j’aborderai cette œuvre collective que nous avons fabriqué ensemble et sous votre direction : Ce procès qui nous a semblé certains jours impossible et d’autres, maudit.

Je ne sais pas si c’est pas un procès pour l’histoire. Mais l’histoire de ce procès mérite que l’on s’y attarde un instant.

Jamais, un procès contre le terrorisme en France ne s’était tenu dans un tel environnement de terreur. Jamais dans les annales de notre justice, ce qui se juge ici n’aura eu tant de conséquences sur ce qui se joue dehors. Jamais ! 

Depuis que votre Cour examine les assassinats des 7 8 et 9 janvier 2015, combien de nouveaux attentats, combien de morts ? Et encore contre Charlie Hebdo et encore à la rue Nicolas Appert : un crime sur le lieu du crime contre les mêmes victimes désignées ! Puis Samuel Paty, décapité pour avoir montré, non l’horreur mais la satire. Puis encore des décapitations à la Basilique de Nice. 

La terreur que vous jugez malgré des mesures sécurité inédites, s’est répandue jusqu’ici, dans cette salle, jusque sur nos rangs ; visant particulièrement certains de nos confrères. 

Elle est partout. Elle est devant vous. Elle est parmi nous. 

Il y aura eu des attentats d’octobre 2020 comme il y a eu ceux de janvier 2015 et il y a aura eu les attentats de octobre 2020, parce que vous jugez ceux de janvier 2015 ! 

Vous avez le strict devoir  de vous en tenir au cadre de votre saisine car ceux qui sont dans le box n’ont pas à répondre de ce climat de terreur, mais simplement  de leurs actes.

Et surtout, nous n’avons pas le luxe de faire autrement.  Car nous n’avons face à la barbarie, pas d’autres ressources – le philosophe ne dirait pas d’autre idée, et ici pas d’autre revendication que celle de la justice. 

Nous ne connaissons rien à opposer à la décapitation que la règle de droit. Et pour contrevenir au terrorisme qui s’attaque à nos libertés, rien à lui objecter sinon le procès libre qui garantit à ceux qui y sont accusés, le droit de parler, de parler en dernier, de garder le silence, de choisir leur défense et d’être jugé au terme d’une procédure équitable et contradictoire. La justice est le contre point du terrorisme. 

Ils exécutent des innocents. 

Nous jugeons des personnes que tenons pour innocentes tant qu’elles n’ont pas été déclarées coupables. 

Ils veulent nous assassiner pour un bout de dessin et nous leur brandissons, comme arme suprême, un bout de papier sur lequel on a écrit Constitution ou déclaration des droits de l’homme ou du citoyen. 

Mesdames, Messieurs, malgré le péril sécuritaire et le péril sanitaire - et nous n’avons été épargnés ni par l’un ni par l’autre -  ce procès s’est tenu. Et à l’instar de la terreur, le virus aussi a pénétré la salle d’audience et a touché le box des accusés.

Lorsque la question a été posée à la partie civile, comme elle l’a été à la défense, par l’Ordonnance du 18 novembre qui devait favoriser la poursuite des débats par visioconférence, sans la présence de l’accusé malade, nous avons été placés devant une situation impossible.

Nous étions écartelés entre le souhait de nos clients de voir ce procès arriver à son terme et notre conscience professionnelle qui était heurtée par le procédé qui nous était proposé. 

C’est l’honneur de la partie civile, de toute la partie civile, de toutes les parties civile d’avoir choisi le droit ! 

Vous ne nous aviez jamais entendu, ni vu aussi soudés que pour rappeler notre attachement viscéral aux règles du procès équitable, même et surtout s’il s’agissait des droits d’un accusé !

Nous sommes venu demander justice. Et nous ne pouvions nous détourner de la manière dont elle serait rendue.

Nous sommes un certain nombre sur ces bancs et j’y reviendrai à penser que M. POLAT doit être déclaré coupable ; mais nous pensons qu’il ne peut et ne doit l’être qu’au terme d’une procédure absolument indiscutable.

 

II. La rencontre tragique de longues solitudes 

Les victimes ont été présentes à chaque étape de la procédure avec parfois le sentiment d’être trimballés et d’autre fois de gêner. Mais elles sont là. 

Du moins celles qui le peuvent, qui n’ont pas été découragé par le temps, par l’épreuve, par l’usure.  

Elles sont là pour être entendues. Dans leurs doutes. 

Et leurs questions.

La première des questions qui vient avant même de s’interroger sur qui, c’est COMMENT ?

Comment les faits des 7, 8, 9 janvier 2015 ont été rendu possibles? Et si j’ai expliqué qu’ils se sont poursuivis jusqu’à cette heure, sans interruption véritable, on ne fera pas l’économie de s’interroger en premier lieu sur d’où vient la terreur qui s’est abattue sur nous ?

Je déclare à la Cour que les faits dont elle est saisie ont commencé bien avant les 7, 8,9 janvier 2015. 

Au nom du jihad, on avait déjà attenté à Charlie Hebdo avant 2015. On avait déjà tué des représentants des forces de l’ordre avant 2015. On avait déjà tué des juifs avant 2015. 

Les faits dont vous êtes saisis commencent aussi dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011 par un jet de cocktails Molotov qui va ravager les locaux de Charlie Hebdo, sans cette fois faire de victimes… 

Les faits dont vous êtes saisis comment aussi le 6 septembre 2012, 6 mois jour pour jour après la tuerie perpétrée par Mohamed Mérah, quand une grenade explosive était jetée dans une épicerie cacher à Sarcelles, sans, cette fois, faire de victimes. 

De cette attaque, comme du procès qui a eu lieu devant la Cour d’assises spéciale de cette juridiction et la condamnation qui a eu lieu en 2017, qui se souvient ? Personne. 

La première digue qui s’est effondrée c’est l’indignation puis l’oubli.

Le silence après chaque attaque a rendu les suivantes possibles. 

Certes, personne, hors de ceux qui ont encouragé, revendiqué ou sponsorisé ces attentats ne s’en est félicité. Mais la triste réalité, c’est que personne ne les a trouvés scandaleux. 

Depuis trop longtemps ceux qui ont été visés  parce qu’ils étaient juifs, ont subi un mépris terrible.

Ce mépris précède de loin les attentats de janvier 2015 et même leurs prémices que je viens d’évoquer.

 Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic. Le premier ministre Raymond Barre  se rend sur les lieux et déclare, je le cite :

« Cet attentat odieux voulait frapper des israélites qui se rendaient à la synagogue et a visé des français innocents ».

Raymond Barre exprime mieux que n’importe quelle faction terroriste, que les juifs sont retirés de la communauté nationale surtout et alors qu’ils sont visés par un attentat. Il ajoute que les juifs sont responsables même lorsqu’ils sont victimes et responsables de tout, même d’être des victimes !

La doctrine Barre aura coûté un grand nombre de vies parmi les français de confession juive depuis le 3 octobre 1980… Raymond Barre n’est plus. Mais en dépit des dénonciations de circonstances et des condamnations convenues, on peut se demander dans quelle mesure sa pensée ne lui aurait pas survécu ?

Depuis le 1er Novembre 2011 ;  depuis les 11, 15, et 19 mars 2012, les journalistes de Charlie Hebdo, les représentants des forces de l’ordre et les français juifs, étaient en fait des cibles esseulées, des gibiers de potence pour des fous d’Allah déterminés à tuer. 

Le lien premier qui unit les actes des 7,8 et 09/1/2015 en dépit des lieux, des cibles, des auteurs des revendications qui sont différentes, c’est incontestablement la rencontre funeste de longues solitudes exposées à la vindicte des assassins.

Il a fallu attendre le 11 janvier 2015, pour qu’un enfin un pays se lève, et proclame aux yeux du monde que lorsque l’on vise des policiers parce qu’ils nous protègent, des journalistes parce qu’ils écrivent ou dessinent ou des juifs … parce qu’ils sont juifs, l’on porte atteinte de manière directe, indistincte, et indivisible aux intérêts fondamentaux de la nation. 

Mais le 11 janvier 2015, c’était trop tard.

 

III. Derrière le rideau de fer

Une dernière fois, je vous invite à passer derrière le rideau de fer ; à revisiter ce qui s’est passé à partir de 13h06 dans l'Hyper cacher quand une frontière infranchissable, le portique métallique du magasin, s’est refermé sur les proies de Coulibaly.

Ils venaient pour les courses du chabbat, comme tous les vendredis. 

Car depuis des millénaires, depuis que le monde est monde et bien avant que la France soit la France, des familles juives se retrouvent autour d’un repas le vendredi soir. 

Et le vendredi c’est toujours la course. 

On part à la hâte acheter tout ce qui manque pour que, même si l’on a peu, il y ait de tout et à profusion. Et même si l’on a rien, qu’il y ait sur cette table le souvenir et les saveurs l’on a reçu d’Europe ou d’Afrique du Nord. Oui, le vendredi c’est toujours la course pour qu’enfin à la tombée de la nuit, une table soit dressée, un chandelier allumé, et qu’autour la famille puisse prendre place dans un joyeux brouhaha.

Mais pour eux la course du vendredi 9 janvier allait s’achever dans le sang. Ils ne savaient pas, ils ne pouvaient pas savoir, qu’une opération de guerre avait été décrétée on ne sait où ni par qui, contre les clients d’une supérette cacher. Une opération de guerre contre des personnes prises au hasard et au piège de leur naissance, une opération punie par toutes les lois, y compris celles rudimentaires de la guerre.

Entre 13h06 et 13h18, l’assassin devait exécuter quatre personnes : Yohan Cohen qui a eu le malheur de se retrouver face à lui lors de l’irruption dans l’Hypercacher, Philippe Braham, pourtant caché au fond du magasin, tué après avoir dû décliné son patronyme ; François Michel Saada parce qu’à 13h 11, il entrait, en retard pour faire les courses et Yoav Hattab qui a dans un geste héroïque voulu désarmer Coulibaly qui lui sera fatal.

Les autres, tous les autres pendant quatre interminables heures, vont être retirés de la surface de la terre, cachés  dans les réfrigérateurs du magasin ou sous le joug de l’assassin. Je représente des victimes de ces deux mondes, celui  « d’en haut » et « celui  d’en bas » et qui ne sont presque pas croisés, à part par les envoyés de l’assassin…

Je représente ceux qui ont eu la chance de « survivre » à l’attentat. 

Mais vous l’avez entendu de la part de ceux qui ont eu le courage de venir et vous l’avez compris de ceux qui ne sont pas venus : on ne survit pas indemne à un attentat.

Ce sont des vies certes pas interrompues, mais brisées qui se sont échouées ici et qui s’accrochent à votre barre.

Sophie, vous l’a dit :

« Comment oublier ou vivre avec les images des victimes, des corps sans vie, les mares de sang, les gémissements des agonisants, les rafales de mitraillettes, les explosions, cette impuissance qui vous ronge et se transforme en culpabilité : pourquoi j’ai fait remonter cet enfant, pourquoi je n’ai pas fait plus pour les victimes, contre le terroriste, pourquoi, moi, je suis en vie, quel sens donner à tout cela, quel était le sens de ma vie. Après un tel traumatisme, la vie bascule ».

Vous les avez entendu,

-  Noémie, l’infirmière qui avait la vocation de soigner et qui ne supportant plus la vue du sang et peinant à sortir de chez elle n’a plus de vie ni sociale ni professionnelle ;

- Jean-Luc, ce chef de famille, volontiers râleur qui vous raconte comment son existence est suspendue à ses flashs qui surgissent à tout moment tel des étoiles filantes dans son cerveau et quand elle surgit, l’étoile filante, il sait que sa journée est anéantie ;

- Je peux aussi vous parler de Elie qui semble aller le mieux. Il est joyeux et affable… Je pense pour ma part qu’Elie, n’est jamais sorti de l’Hypercacher dont il refait inlassablement le fil pour s’en faire un récit héroïque.

Contre l’oubli qui gagne, l’indifférence qui ronge, tout ce qu’ils vous demandent c’est de mettre un terme par la parole de justice à l’acte de barbarie qui a failli les emporter.

 

IV. On accuse le bourreau

Je n’entends pas disputer à l’accusation son monopole. Je ne suis pas là pour réclamer des peines. A la rigueur pour vous exposer celle qui ne sera jamais réduite et qu’endure mes clients depuis le 9 janvier 2015… 

(aux accusés)

À notre place, nous devons vous écouter car c’est vous qui êtes jugés. Il est essentiel que votre défense comme votre expression soient libres et sans entraves, et nous l’avons montré. Que vous puissiez contester tout ce que bon vous semble.

De notre côté, nous entendons tout et n’attendons rien de vous !

En revanche, si nous n'attendions rien, nous pouvions tout de même espérer autre chose que le concours de déni et de défausse que le box de gauche a lancé au box de droite. 

Nous sommes pas dans un dossier de stups. Vous n’êtes pas tombés pour un braquo’. Nous parlons de faits de terrorisme…

Et au-delà, nous voulons bien croire, qu’aucun des accusés, même ceux qui l’ont cotoyé jusqu’au 7 janvier 2015, aucun n’avait compris que Dolly était Amédy COULIBALY, un terroriste islamiste en puissance ; que vous êtes tous, main sur le cœur plus Charlie que les journalistes de CHARLIE HEBDO et que vous avez en horreur la haine des juifs … 

Mais tout de même. La vérité mérite aussi quelques égards.

 

  • M. P…

Avec P..., vous avez tout.

D’abord sa proximité avec Coulibaly. 22 rencontres phyisques entre le mois de novembre et le 7janvier. 22 ! Ça ne prouve rien. Mais si ce n’est n’est pas assez, vous avez leurs échanges téléphoniques dont certains avec sur des lignes dédiées.

P..., c’est le fournisseur, le bras armé, le logisticien en chef de Coulibaly. 

C’est lui qui note, de sa main, la liste des armes qu’il faut procurer à Coulibaly. 

Et c’est à COULIBALY, qu’il dresse le compte-rendu de ses réunions conspiratives avec ABBAD, KARASULAR et CATINO.

Il est même son envoyé post mortem. Son exécuteur testamentaire. C’est lui qui va pendant les faits en Belgique récupérer l’argent du tueur pour le remettre  directement à Grigny, à la famille COULIBALY.

Et après les faits. On le retrouve à tenter  de se rendre en Syrie via le Liban… et le 29 janvier, vous  devant l’Hypercacher, en hommage à Coulibaly avec une pomme d’amour…

Soyons honnêtes. La connaissance du dossier de M. P... impressionne. Mais ses dénégations nous glacent. Il est certain que sans lui rien n’était possible.

 

  • Et Monsieur Mickael P Nezar A...

Dont on a découvert, les deux visages et les deux identités au fil de l’audience. Le gentil Mickael P, pour sa sœur de confession juive et Nezar A. islamiste radicalisé, qui rencontre sa femme, salafiste revendiquée par l’intermédiaire de COULIBALY et Hayat BOUMEDIENNE. Elle-même l’a toujours décrit non comme un religieux mais comme quelqu’un avant tout de dangereux.

COULIBALY dont on sait qu’aux derniers jours il ne fréquentait que ses plus proches intimes a vu PASTOR ALWATIK les 3, 5 et 6 janvier 2015.

On retrouve ses empreintes sur les armes et il a fait en toute hâte disparaître des preuves.

Vous avez l’intimité, la trace matérielle qu’il est impliqué dans la fourniture d’armes, la radicalisation et la destruction des preuves ? Que vous manque-t-il ? 

Et il y a toujours dans l’intimité de COULIBALY, le docile, Pr... Tellement gentil, serviable et asservi qu’il est l’un des plus dangereux dans le box. Vous avez là aussi, la trace de la radicalisation ; là aussi une fourniture d’armes et d'équipements et vous avez toujours cette proximité ultime avec COULIBALY, jusqu’au … 5 janvier.

Je pourrai continuer longtemps et plus en détail. Je ne le ferai pas. Nous n’avons entendu que du déni, des dénégations ou des accusations réciproques pour se disculper.

On  aurait aimé que quelqu’un dans ce box se demande, même pas pour s’accuser : et si ce je n’avais pas été là qu’est ce qui se serait passé ? Aurait-t-il pu s’équiper ? Se protéger ? Tuer ? 

Aucun des accusés n’est dans ce box par hasard. Et si la proximité avec le crime se discute, celle avec le criminel est manifeste.

Vous n’êtes pas COULIBALY, c’est entendu. Mais vous pourriez méditer les vers de MARIVAUX : On accuse le bourreau, mais le pire, c’est encore d’être son valet !

 

V. L'antisémitisme en Question

Monsieur le Président,

Nous sommes là pour que les faits qu’ont subi mes clients soient exactement rapportés et exactement qualifiés. Or une clarification ou plutôt une requalification s’impose.

Comment alors qu’ils ont été exposés à un risque de mort immédiat, la procédure retient qu’ils ont subi une simple séquestration ?

Comment alors qu’ils n’ont été visés que parce qu’ils sont juifs, la procédure ne dit rien de la circonstance aggravante de l’antisémitisme ? 

On aurait attenté dans affaire comme jamais auparavant à la liberté d’expression et le droit n’en dirait rien ? On jugerait dans cette affaire l’un des plus grands crimes antisémites dont l’antisémitisme serait ignoré ? Est-ce par ces troublantes occultations que nous voudrions, audience captée et filmée, entrer dans les annales de la justice ?

Pourtant au terme de la procédure, les morts de MM COHEN, BRAHAM, SAADA et HATAB ont été  justement qualifiées d’assassinats terroristes aggravés par l’appartenance des victimes à la religion juive. 

Alors je le répète, et cette question vaut avant tout pour le Ministère public  (qui représente l’accusation mais aussi la société toute entière, à commencer par les parties lésées) : Comment est ce possible ? Comment à ce point ce qu’il s’est passé pourrait échapper à sa prévention ?

Dans la procédure criminelle, le fait ne doit jamais être éloigné du droit.

C’est le sens des dispositions de l’article 351 alinéa 1er du Code de procédure pénale : « s'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président pose une ou plusieurs questions subsidiaires ».

Nous avons donc régularisé des conclusions pour que vous soit posé la question subsidiaire, tendant à ce que la tentative d’assassinat aggravé par leur origine, subie par mes clients, soit reconnue au terme de votre arrêt. 

Les victimes, toutes les victimes, sont unies par le crime d’assassinat aggravé et la tentative de ce même crime.

S’agissant d’une tentative de crime, vous aurez à vous interroger sur deux critères de l’article 121-5 du Code pénal : le commencement d’exécution et l’absence de désistement volontaire.

Cette dernière condition n’est pas vraiment en débat : L’assassin est venu pour tuer. Il en a tué certaines personnes. Mais n’a épargné personne puisque c’est l’assaut des forces de l’ordre et la mort du terroriste qui mettra fin au crime. 

La Cour de cassation juge de manière constante que « constituent le commencement d’exécution les actes qui tendent directement au crime ou au délit avec l’intention de le commettre » (Cass. Crim., 25 oct. 1962 ; Crim. 15 mai 1979, n°78-93.914).

La jurisprudence vous a conféré à vous et à vous seuls, juges du fond, le pouvoir de le définir : (Cass. Crim., 2 déc. 1954, n°84-95723). 

Pour la Doctrine, constitue un commencement d’exécution, 

« le fait de mélanger de la mort-aux-rats au potage destinée à sa belle-mère témoigne d’une volonté certaine et irrévocable de lui donner la mort. Idem pour le fait, après avoir chargé un fusil, de mettre son voisin en joue» (E. Dreyer, Droit pénal général) 

Ainsi, l'envoi d'un colis piégé dont l'explosion blesse d'autres personnes que celles visées caractérise le commencement d’exécution et constitue une tentative d'homicide volontaire avec préméditation (Cass. crim., 4 janv. 1978.

Il a ainsi été jugé que constituait une tentative d’assassinat le fait pour un homme de sonner à la porte de l’appartement de la victime muni d’une arme potentiellement létale (à savoir un bâton) n’ayant manqué son effet que par la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, en l’espèce l’absence de la victime et l’intervention des fonctionnaires de police (Cass. Crim. 25 juill. 2018, n°18-83.125).

Qui peut nier que pendant 4 heures la menace de mort a été permanente et générale, pour toutes les personnes dans l'Hyper cacher ?

Ils étaient promis à la mort. Tous, même ceux qui se cachaient. 

Jean-Luc, vous l’a dit : « on était caché, mais on était pas à l’abri ». 

Cela est parfaitement corroboré par la retranscription en procédure des propos de Coulibaly issus de sa caméra Gopro :

  • « Ceux qui bouge, il va voir » (01:44) (D1627/2),
  • « Hé venez tous ici, ou sinon j’les tue tous » (01:46) (D1627/2),
  • « Levez-vous où j’vais vous allumer » (03:12) (D1627/2),
  • « Avance là-bas toi sinon j’t’en mets une aussi ! » (03:25) (D1627/3),

Coulibaly n’avait pas de cibles dénommées, il avait des cibles désignées en raison de leur naissance, de leur religion ; réelle ou supposée. 

Alors où trouver des juifs ? A la synagogue, bien sûr. Mais une synagogue, c’est gardé. Alors où d’autre ? Dans une épicerie cacher... Et comment faire un maximum de victimes, comment être sûr d’en faucher le plus possible ? A l’heure de pointe, à l’heure de la course, à l’heure des courses du chabbat…

  • Le Commissaire Déau, l’a dit à votre audience le 21 septembre « c’est indéniable qu’il arrive à l’Hypercacher pour tuer, pour perpétrer une tuerie ».

Et l’assassin, sur les lieux de crime n’a pas fait mystère de ses intentions ou de ses cibles :

  • « Vous êtes de quelle origine ? Euh juif ! Eh bah vous savez pourquoi je suis là alors ! Allabu akbar (Exploitation de la go pro D 1627/5, 5’36)

Propos confirmés sur BFMTV : 

  • Vous avez visé ce magasin pour une raison ? Oui laquelle ? Les juifs. D350/2

Nous savons qu’outre les armes utilisées pour semer la mort Coulibaly avait sur lui vingt bâtons de dynamite et un détonateur qui devait souffler l’immeuble tout entier. 

Il voulait tuer des juifs. Il a tué ceux qu’il a trouvé sur son chemin mais était équipé pour tuer tous ceux qui étaient sur place. 

Vous avez le mobile, vous avez le commencement d’exécution, vous avez l’absence de désistement volontaire. 

Au sens du droit positif, la tentative de crime est consommée. 

L’impensable reste que trois magistrats, pendant cinq années de procédure avec, à chaque étape la présence vigilante du parquet arrivent à la conclusion que mes clients auraient vécu une séquestration plutôt qu’une tentative d’assassinat et pire que ce qui leur est arrivé n’aurait pas été motivé par l’antisémitisme ! 

Alors je le dis pour l’esprit de justice cette question n’est pas à nos yeux subsidiaire. Elle n’est pas accessoire. Et quelle que soit la réponse que vous y apporterez quant à la culpabilité de MM. POLAT et BELHOUSSINE, nous ne comprendrions pas qu’elle ne soit pas à poser. Parce que ne pas retenir la question, c’est poursuivre la conjuration du silence autour de l’antisémitisme. 

A la suite de mes confrères de la LICRA, de SOS RACISME, du MRAP, du CRIF, je vous prie de bien vouloir prendre en compte la demande impérieuse  de requalification des faits  et de juger que mes clients ont subi une tentative d’assassinat terroriste aggravé par leur appartenance à la religion juive.

 

VI. Et une question essentielle, pourquoi les Juifs ?

Monsieur le Président, Madame, Monsieur,

Je suis Juif. Un juif n’a-t-il pas des yeux ? Un juif n’a-t-il pas, (…) des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections, des passions ? N’est- il pas nourri de la même nourriture, blessé par les mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes, réchauffé et glacé par le même été et le même hiver ? Si vous nous piquez, ne saignons- nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? 

Si j’ai emprunté un Shakespeare, plus exactement au personnage de Shylock une réflexion vieille de quatre siècles exactement, c’est parce que ce questionnement demeure intact.

Oui, une question transperce notre audience, la transcende, la précède et la dépasse : Pourquoi les juifs ?

Les caricatures du Prophète sont le mobile premier. Mais l’autre mobile, c’est évidemment la haine des juifs. Et on s’attacherait à tout sauf à cela ?

On examinerait l’achat des armes, leur financement, la radicalisation, mais déterminer pourquoi des victimes sont des victimes, cela n’intéresserait personne ? Les jihadistes n’ont que la haine des juifs au bout de leurs sourates, et la justice ne considérerait pas l’antisémitisme ?

Nous attendons des mots simples et justes. Nous attendons juste un simple mot, singulièrement absent de cette procédure : l’antisémitisme

Je veux qu’il entre dans cette cour comme il est entré dans l'Hyper cacher ! Je veux qu’il entre dans votre verdict ,car c’est par lui que l’on a fauché des vies et voulu en supprimer d’autres.

On me lancera que l’antisémitisme n’est pas le problème central de notre affaire. 

Mon problème c’est précisément que ça ne le soit pas. On cible ou on tue des juifs dans notre pays avec une facilité déconcertante, dans et hors les faits de terrorisme. 

Cette haine vient de loin, très loin, Dominique SOPO, le Président de SOS-RACISME vous a démontré la mécanique fatale. Noémie MADAR, la Présidente de l’UEJF en a rappelé les effets dévastateurs parmi la jeunesse de notre pays.

Surtout, le Président du Crif vous a rappelé les douze noms de ces français tués depuis 2003 du fait de leur appartenance à la religion juive. 

A chaque occurrence, il y a eu un débat nauséeux pour savoir si la motivation était antisémite. Même dans l’affaire Ilan Halimi, il s’est trouvé un directeur d’enquête, chef de la brigade criminelle de la Préfecture de Paris, pour déclarer à propos du gang des barbares : « ce n’était pas antisémite, ils s’en sont pris un juif parce qu’ils pensait qu’il avait de l’argent ». A chaque fois, nous nous heurtons à un débat judiciaire, qui est odieux. A chaque fois. 

Dans l’affaire dite de Créteil, était jugé une séquestration et un viol que la Cour d’assises du Val de Marne a  justement reconnu comme antisémites. Il s’était trouvé un magistrat instructeur pour procéder, en fin d’instruction, dans le secret de son cabinet, à des mises en examen rectificatives… la rectification consistant à enlever la circonstance aggravante… Ça ne changeait rien aux peines encourues, ça ne changeait rien à rien, à part procéder à un odieux déni.

Nous pensions la France des années 2 000 guérie. 

Elle était malade et plus largement atteinte, qu’ignorante de ses propres symptômes. 

Bien avant que les faits de terrorisme ne recommencent, avant l’assassinat du pauvre Ilan Halimi, quelque chose dans notre pays s’est fissuré. 

C’était un antisémitisme à bas bruit, périphérique... Nous l’avions dénoncé avec l’UEJF : dans un livre blanc, les antifeujs. 

Un autre livre avait même fait date : Les territoires perdus de la République. 

Et là où la situation devenait de plus en plus préoccupante, dès le début des années 2000 c’était dans le lieu où se forge la conscience et où se combat le préjugé : l’éducation nationale.

En juin 2004, à la demande du Ministre de l’Education nationale un rapport était établi sur la religion à l’école par l’inspecteur général Aubin et pointait le problème :

Il est écrit je le cite :

« Dans les témoignages que nous avons recueillis, les événements du Proche-Orient ainsi qu’une sourate du Coran sont fréquemment invoqués par les élèves pour légitimer leurs propos et leurs agressions. Ces justifications peuvent aller jusqu’à assumer les persécutions ou l’extermination des Juifs. L’apologie du nazisme et de Hitler n’est pas exceptionnelle : elle apparaît massivement dans d’innombrables graffitis, notamment de croix gammées, et même parfois dans des propos ouvertement tenus à des instituteurs, professeurs et personnels d’éducation. (…)

Quoi qu'il en soit, si le racisme le plus développé dans la société reste le racisme anti- maghrébin, ce n’est plus le cas dans les établissements scolaires, où il a été très nettement supplanté par le racisme anti-juif. Il est en effet, sous nos yeux, une stupéfiante et cruelle réalité : en France les enfants juifs - et ils sont les seuls dans ce cas - ne peuvent plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement ».

Aucune action n’a suivi la publication du rapport Aubin. 

Sauf une, le retrait des enfants juifs. Dans notre pays aujourd’hui il n’y a quasiment plus d’enfants juifs scolarisés dans l’enseignement public ! 

De glissement, en reculades, de censures, en aveuglement, nous sommes passés de l’incivilité aux agressions, des agressions aux crimes, du crime au terrorisme, de l’attentat contre l’épicerie de Sarcelles, à la tuerie de Toulouse, et de la tuerie de Toulouse à celle de l’Hypercacher…et depuis et quoi qu’on en pense ;  aux tueries de Sarah Halimi et Mireille Knoll.

Pendant ces quinze années, pendant que le législateur aggravait, pour l’antisémitisme, les peine encourues ; circonstance aggravante devenue générale en 2017 ; 

Pendant que ce tribunal condamnait 15 fois de suite Dieudonné, Soral, pour des publications, des skectchs, des spectacles antisémites les mêmes constituaient des fonds de commerce de la haine antijuive, vu et acclamé en toute impunité par des millions de personnes en France.

Savez vous combien de fois le mot antisémitisme apparaît dans l’ordonnance de mise en accusation qui saisit votre cour ? Combien de fois ce mot qui cause le crime dans un de ses aspects les plus fondamentaux est-il mentionné sur 271 pages ? 

Une seule fois ! Et encore pour le contester!

L’antisémitisme est pourtant partout dans notre affaire. Il ne concerne pas que le volet Hypercacher. Michel Catalano, l’imprimeur courage vous l’a rappelé : la première question que lui ont posé les frères Kouachi, c’est de savoir s’il était juif. Et en pleurant, il vous a confié que s’il avait répondu par l’affirmative, il serait mort. 

L’antisémitisme, il est aussi évidemment, à Montrouge. Ce n’est qu’un accident de la circulation et l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe qui nous évitera un massacre au à l’Ecole Yaguel Yaacov distante de quelques mètres….

On tue des journalistes, on tue des policiers, on tue des juifs…mais les assassinats de juifs sont devenus tellement - pardon du mot -  « rituels», que ce sont les seuls que l’on n’interroge plus. 

Entre l’attentat de la rue Copernic et celui de l’Hypercacher, les juifs ont été la cible la  plus constante et la plus éprouvée du terrorisme en France, sans aucune prise de conscience.

Les français juifs se sont trouvés dans le point de mire de deux lignes de fractures : l’obsession criminelle de ceux qui veulent les tuer et l’indifférence des autres. 

Dans les années 1980, on voulait « libérer » les Palestiniens par la « révolution armée » donc on tuait des juifs en France. Depuis les années 2000, on venge les Palestiniens au nom d’Allah, et on tue encore des juifs en France. 

Et le le petit Noah, âgé de 11 mois enfermé 4h dans une chambre froide, dont tout le monde ne craignait qu’une chose c’est qu’il se mette à pleurer, qu’il révèle la présence de tous au preneur d’otage, qu’avait-il à voir avec la Palestine ? Avec les militaires français au Mali ?

L’histoire à la fin se répète…

On assassine des militaires, on tue des juifs.

On décapite un prêtre, mais on assassine encore des juifs. On tue au hasard, on assassine toujours les juifs. C’est le point fixe. 

Par bêtise, par ignorance, pour se rassurer aussi, on s’est dit : « tant que c’est contre les juifs, c’est pas pour nous ». Tenez l’autre jour une victime du Bataclan, professeur des écoles, a témoigné comme un remord de la pensée qui l’a traversé lorsque les premiers coups de feu ont retenti : c’est étrange, pourquoi ils viennent ici, on est pas juifs ?

La réalité des attentats de l’année 2015 prouve hélas que l’on commence à tuer les juifs, on ne s’arrête jamais avec eux …

Alors, je la dépose à vos pieds cette question : pourquoi les juifs ? Pourquoi on vient tuer des juifs dans un supermarché cacher pour dénoncer la présence de l’armée française au Mali ? 

Personne ne mérite de mourir sauvagement. Il n’y a aucune forme de terreur qui soit juste et aucun assassinat qui peut se revendiquer de la justice. Mais le policier choisit d’être policier, le journaliste choisit d’être journaliste. Aucun de ces choix ne devrait emporter le risque d’une mise à mort.

Mais quand c’est votre naissance que l’on vous reproche, il n’y a aucun échappatoire possible. 

""Mort aux juifs". Ainsi disait la bonne inscription devant laquelle je savais que ma vie était perdue. Le savoir à dix ans, c'est trop tôt. Toujours juif, jamais aimé. Mon héréditaire errance avait commencé."  

Ainsi s’ouvre sur le souvenir de l’humiliation reçue dans l’enfance, le dernier ouvrage d’Albert Cohen Ô vous frères humains.

Depuis les faits qui se sont déroulés le 19 mars à l’école Ozar Hatorah, chaque français juif dépose ses enfants à l’école avec un pincement au cœur. 

Depuis le 9 janvier 2015, chaque français juif qui fait ses courses sait qu’il prend un risque de mort. Depuis le 9 janvier 2015, chaque juif de France sait qu’il est une cible. 

Chaque Français juif sait qu’il est une cible. 

Je vous demande d’entendre cette phrase terrible et de l’emporter avec vous dans la salle des délibérations. 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour,

Contrairement à une idée solidement répandue, le premier pays de la promesse pour les juifs, c’est la France qui leur accordait l’égalité de droits par un décret de 1791.

Les juifs dans notre pays sont fils et filles de la République en ligne directe. Ils sont, comme j’aime à le dire, les enfants d’Abraham et de Marianne. 

Combien parmi les parties civiles se sont résolues dans le deuil et la tristesse à quitter notre pays ? Certaines se sont établies en Israël, d’autres aux Etats-Unis.  Combien d’autres par leur imitation l’ont fait ou envisagent de le faire ? Après la tuerie de Mohamed Mérah, la communauté juive de Toulouse plusieurs fois centenaire a perdu la moitié de ses membres. Les écoles se sont vidées. Des synagogues ont fermé. C’est cela aussi le terrorisme. 

Vous devez renouer avec le serment de la Révolution et refermer définitivement la funeste, l’odieuse dichotomie posée par M. BARRE entre les Français juifs et non juifs. Mes clients et -au delà- tous leurs coreligionnaires de ce pays attendent une main tenue et une oreille attentive. Vous pouvez exercer ce pouvoir de Fraternité.  Vous pouvez par des mots clairs, posés au terme de votre feuille de motivation rompre le silence, mettre un terme au règne de l’indifférence.

Votre verdict ne changera rien à la sécurité des français de confession juive. Mais il peut changer le cours de leur existence. 

J’ose le dire gravement pour conclure mon propos, il n’est pas tant ici question d’histoire que d’avenir. Je n’évoque pas un lien mais bien le maintien de d’une composante juive en France.

En écrivant simplement que des Français ont été visés parce qu’ils étaient juifs, vous proclamerez l’indivisibilité du Peuple Français et de la République. Dans le verdict que vous prononcerez au nom de la République et du Peuple français je vous demande de mettre un terme à 40 ans de solitude pour les Français juifs. Alors je ne sais pas si la terreur cessera, je ne sais même pas si la justice aura été faite, mais au moins elle aura été dite.

 

Maître Patrick Klugman

 

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