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Published on 18 June 2020

France - Les Français sont moins racistes... mais les actes racistes augmentent

La Commission nationale consultative des droits de l'Homme remet ce jeudi au gouvernement son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Si les mentalités évoluent, les actes racistes, eux, augmentent.

Publié le 18 juin dans France Inter

Alors que la question des discriminations est plus que jamais au menu du gouvernement face aux soupçons de racisme au sein de la police et aux manifestations à la suite des morts de George Floyd et d'Adama Traoré, une question : où en est le racisme en France ? La CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, remet ce jeudi au gouvernement son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Et si les Français se disent de plus en plus tolérants, les actes à caractère raciste ou xénophobe sont eux en augmentation.

Les faits racistes en augmentation

Les actes racistes sont calculés grâce aux données du Service central du renseignement territorial (SCRT) du ministère de l’Intérieur, qui se base sur les remontées provenant notamment de ses relais territoriaux, des médias et des associations.

Les infractions à caractère raciste ont ainsi augmenté de 11% en un an après quatre année de baisse, rapporte la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Quant aux actes, qui comprennent les infractions mais aussi les menaces, ils ont explosé.

Les actes antisémites ont ainsi fortement grimpé en une année : 687 faits antisémites recensés l'an dernier. "Les incidents antisémites signalés à la police ont augmenté de 27 % lors des neuf premiers mois de 2019, singulièrement sous forme de menaces", étaye la CNCDH, en citant les exemples des croix gammées sur des boîtes aux lettres dans le 13ème arrondissement de Paris, ou le mot "Juden" tagué sur la vitrine d'un restaurant Bagelstein. L'exemple, aussi, de cimetières juifs en Alsace, victimes d'une vague de profanations.

Les faits racistes contre les musulmans ont aussi augmenté, passant de 100 à 154, soit une hausse de 54%. La CNCDH cite notamment le cas de la mosquée de Bayonne, attaquée en octobre par un homme armé d’un fusil, qui a blessé grièvement deux fidèles.

L'évolution des faits racistes dans la société française.

L'évolution des faits racistes dans la société française. / CNCDH

La CNCDH note aussi que sur les 1,1 million de victimes d'atteintes racistes recensées l'an dernier, seules 6.600 affaires ont été transmises à la justice. Avec au final 393 condamnations.

Pourquoi si peu de condamnations ? Trois raisons, selon la Commission :

  • La peur de l'accueil réservé à la victime par les forces de l'ordre lors du dépôt de plainte
  • Le taux élevé d'abandon des poursuites
  • La difficulté d'apporter la preuve de l'acte raciste

 

Un "indice de tolérance" globalement en hausse

Paradoxalement, dans leur ensemble, les Français semblent en revanche plus tolérants. Pour calculer cette tolérance, la CNCDH se base sur ce qu'elle appelle un "indice de tolérance", mesuré sur la base d’enquêtes annuelles sur le racisme. Sur une échelle de 0 à 100, l’indice en 2019 s’élève à 66, soit un point de moins par rapport à 2018. Une baisse à nuancer sur la durée : entre 2013 et 2019, cet indice de tolérance a gagné 13 points.

"Plus l’indice se rapproche de 100, plus il reflète un niveau de tolérance élevé. Il permet de donner un aperçu des évolutions annuelles des opinions et des sentiments à l’égard des minorités", explique la CNCDH.

"Au niveau des opinions, il y a une acceptation croissante des minorités", constate la chercheuse Nonna Mayer, qui travaille depuis 10 ans à l'élaboration du sondage annuel de la CNCDH. "Tout en bas, ceux qui sont de loin les plus rejetés sont les Roms. Juste au-dessus, les musulmans." À l'inverse, les Noirs sont mieux acceptés pour une raison simple, selon Nonna Mayer : "Ils ne sont pas assimilés à l’Islam et aux musulmans. Et il y a encore la persistance du vieux mythe colonial, des 'bons enfants'."

En 2019 en France, l'indice de tolérance (sur 100) s'élève à :

  • 79 à l'égard des Noirs
  • 79 à l'égard des juifs
  • 72 à l'égard des Maghrébins 
  • 60 à l'égard des musulmans
  • 36 à l'égard des Roms

 

Des préjugés tenaces

Des préjugés restent néanmoins très ancrés dans les mentalités des Français, selon la CNCDH. Ainsi, 34% pensent toujours que les juifs ont un "rapport particulier avec l'argent". 60% estiment aussi que les Roms "exploitent très souvent les enfants". Les Français sont aussi un peu plus de 44% à penser que "l'Islam est une menace pour l'identité de la France". Et pour six Français sur dix, "de nombreux immigrés viennent en France juste pour profiter de la protection sociale".

Néanmoins note la CNCDH, la nécessité d’une "lutte vigoureuse" dans l’opinion publique contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie est largement partagée, respectivement à 76 %, 72 % et 70 %.