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Lors de cette réunion participaient notamment, Bruno Halioua, président de la commission du Souvenir, Raphael Esrail, président de l’Union des déportés d'Auschwitz (UDA), Alexandre Borycki, Mémoire du Convoi 6 et des Camps du Loiret, Marcel Apeloig de l'UEVACJ, Stéphanie Dassa, directrice de projets au Crif, Galith Touati de la fondation Yad Layeled, Judith Cytrynowicz de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, les membres de la Commission du Souvenir, ainsi que les membres du département digital du Crif.
Tout d’abord, les membres de la commission du Souvenir ont rendu hommage à Roger Fichtenberg. Membre de la Commission du Souvenir du Crif, Roger Fichtenberg s’est éteint le 23 septembre 2019, à l'âge vénérable de 98 ans. Pendant la Seconde guerre mondiale, Roger Fichtenberg avait intégré la résistance et participé au sauvetage de nombreux jeunes juifs. Roger était aussi un homme très engagé et actif dans le travail de mémoire, notamment à travers son rôle dans la commission du Souvenir du Crif.
La parole fut ensuite donnée à Victor Perahia, rescapé de Bergen-Belsen.
Pendant 40 ans, Victor Perahia n’a pas parlé. Il n’a pas raconté. Ce n’est que par devoir de mémoire, un devoir vis-à-vis de ses enfants, qu’il se penche à nouveau sur son histoire. Par honte, par pudeur, c’est tout d’abord par écrit que Victor Perahia raconte. Il mettra 6 ans à écrire, 6 ans pour témoigner de son passé pendant la Shoah.
Son témoignage est particulièrement intéressant car Victor Perahia a vécu 2 ans à Drancy, une période prolongée qui fait de son témoignage une source historique unique sur les conditions de vie mais aussi les événements qui ont eu lieu à Drancy de 1942 à 1944.
Né en 1933, Victor a 9 ans en 1942. Il habite à Saint-Nazaire en Bretagne. Ses parents sont marchands-forains. Comme la plupart des juifs, ces derniers se sont déclarés juifs en 1940.
Victor est arrêté à son domicile avec ses parents, la veille de la rafle du Vel d’hiv. Son père est déporté le 20 juillet 1942, dans le convoi numéro 8 à destination d’Auschwitz-Birkenau. Il s’agissait de l’un des rares convois au départ d’Angers vers Auschwitz-Birkenau. Victor et sa maman sont finalement conduits à Drancy en septembre 1942.
Cette période au camp de Drancy fut l’une des plus difficile. Seulement quelques semaines après la rafle du Vel d’hiv, le camp est surpeuplé. À cette période, à Drancy, sont concentrées près de 4 000 personnes. À son arrivée, Victor est marqué par la cacophonie qui y règne, le gris terne des immeubles, et une impression effrayante. C’est une période à laquelle, chaque jour, beaucoup de convois partent en direction d’Auschwitz-Birkenau.
C’est grâce au cousin de sa mère, Henry Gary, que Victor et sa maman échappent de peu à la déportation, dont ils ignoraient encore la destination finale. Personne ne pouvait alors imaginer la réalité. Néanmoins, pour leur éviter la déportation, Henry Gary les fit passer pour une femme et un enfant de prisonnier de guerre. Les femmes et enfants de prisonniers de guerre n’étaient pas déportés, ils faisaient office d’otages. Les allemands l’ont cru et les ont retirés du convoi à destination d’Auschwitz-Birkenau.
À Drancy, camp administré par les gendarmes français, les conditions de vie sont terribles. Ils souffrent de la faim, du froid et des coups. Les rations de nourriture sont minimes.
Un mouvement de jeunesse s’organise rapidement au sein du camp de Drancy. Des personnes de toutes les professions donnent des cours et occupent les enfants, qui sont très nombreux. Les enfants sont livrés à eux-mêmes dans le camp.
Pendant la majeure partie de son enfance à Drancy, Victor Perahia garde cette innocence, cette insouciance qui caractérise la naïveté enfantine. Il garde des souvenirs d’enfants, parfois peu précis, mais aussi de nombreuses impressions, des ressentis. De ses longues journées de captivité, Victor garde en mémoire les moments de solitude, la faim, notamment lorsque la gestion du camp est effectuée par l’administration française. Il se souvient aussi de ses camarades, des moments de jeux entre enfants. Aussi, se souvient-il d’un immeuble de 4 étages à l'intérieur, dont le quatrième, en baie vitrée, surplombait la banlieue de Drancy. Celui-ci se plaisait à regarder à l'extérieur du camp.
Finalement, Victor restera 20 mois à Drancy, jusqu’en mai 1944, lorsqu’il est transporté avec sa mère à Bergen-Belsen, dans le convoi numéro 80, convoi destiné aux femmes de prisonniers de guerre. Victor et sa mère ne furent jamais séparés. Le destin et la chance, sûrement, ont joué un rôle, puisque les enfants de prisonniers de guerre n’étaient pas séparés de leurs mères.
À Bergen-Belsen, camp de concentration et de travail, peu de temps avant la libération, Victor Perahia attrape le typhus. Au retour des camps, il est tuberculeux.
La reconstruction prendra du temps. Les émouvantes retrouvailles avec son frère, à l'hôtel Lutecia, furent un grand soulagement, notamment en apprenant que celui-ci avait échappé à la déportation.
La Commission du Souvenir du Crif remercie Victor Perahia d'avoir accepter de nous livrer son riche et important témoignage.
Johana M.
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