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Published on 23 September 2019

Antisémitisme - Meurtre de Mireille Knoll : l'un des suspects visitait des sites antisémites

Quelques jours avant son passage à l'acte, Yacine Mihoub, l'un des deux suspects du meurtre de l'octogénaire juive Mireille Knoll, avait consulté articles et vidéos dénonçant les juifs.

Publié le 22 septembre dans Le Journal du Dimanche

Les sites antisémites n'avaient guère de secrets pour Yacine Mihoub. La personnalité confuse de l'un des deux suspects du meurtre de Mireille Knoll, une octogénaire juive, le 23 mars 2018 à Paris, vient d'être éclairée par de nouveaux éléments. Ils sont le résultat du rapport d'analyse du matériel informatique saisi lors d'une perquisition en mai et de nouvelles auditions versées au dossier, dont le JDD a eu connaissance. La mort violente de la vieille dame, veuve d'un survivant d'Auschwitz, qui avait elle-même fui la persécution nazie dans son enfance, avait ému, d'autant qu'elle connaissait Yacine Mihoub, le fils d'une voisine, depuis qu'il avait 8 ans.

Profil psychologique perturbé, en proie à des problèmes d'alcool, le jeune homme, aujourd'hui âgé de 29 ans, n'avait aucune raison d'en vouloir à sa victime. Celui que l'enquête présente comme son complice avait toutefois affirmé dès sa garde à vue que Mihoub avait poignardé Mireille Knoll au cri d'"Allah akbar". Après avoir démenti son témoignage, il est revenu à ses premières déclarations.

Il prétendait avoir rencontré Amedy Coulibaly

Un document de synthèse des enquêteurs, en date du 27 juin 2019, semble conforter ces indices d'un mobile au moins en partie antisémite. Quelques jours avant le meurtre, il avait consulté plusieurs sites au contenu sans équivoque. L'un d'entre eux dénommait "fils de chien" l'ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis, un autre dénonçait la présence de "trop de juifs" à la télévision. L'expertise de son PC portable révélait l'existence de recherches consacrées à l'islam salafiste, aux Frères musulmans en France et à la haine des chrétiens et des juifs inscrite dans le Coran.

Auprès de son entourage, Yacine Mihoub se vantait aussi d'avoir rencontré en prison Amedy Coulibaly, le terroriste islamiste auteur du meurtre d'une policière et de clients d'un Hypercacher à Paris en janvier 2015. Vérification faite, les deux hommes ne se sont jamais croisés. A Fleury-Mérogis, il avait inscrit sur les murs de sa cellule : "Les frères Kouachi [auteurs de la fusillade meurtrière au siège de Charlie Hebdo] ne sont pas morts pour rien." En revanche, un véritable codétenu témoignait que, à la vue d'un reportage sur la Seconde Guerre mondiale, Mihoub lui avait confié ne pas croire à la Shoah, qu'il présentait comme un complot.

"Lavage de cerveau"

Tout aussi troublantes sont les dépositions de ses proches. Le 30 août était entendu son frère. Celui-ci évoquait les mauvaises influences qu'aurait subies son cadet lors de ses périodes de détention. "Il m'a parlé du fait que des musulmans l'attiraient vers la religion. On l'a mis en garde contre ça. Avant qu'il soit incarcéré, il n'était pas dans la religion." Et d'ajouter : "Le fait qu'il parle de Coran et de tapis de prière, c'était un changement. On n'avait jamais vécu ça avant." Sa mère, elle-même mise en examen pour avoir nettoyé le couteau du crime – ce qu'elle nie absolument – évoque un "lavage de cerveau" effectué en prison : "Il est tellement naïf et il se laisse faire", dit-elle, tout en assurant que son fils n'a jamais parlé d'un départ vers la Syrie : "Non, il n'a jamais dit ça. Il n'a jamais voyagé, il n'a pas de passeport."

"J'étais réservé au début de cette terrible affaire, estime Gilles-William Goldnadel, avocat des deux fils de Mireille Knoll, mais les derniers éléments recueillis par la police ne me laissent plus aucun doute sur le caractère antisémite de ce meurtre."