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Published on 27 March 2019

France/Israël - "Il était une fois en Israël" : Serge Moati raconte sa Terre sainte

Dans cet ouvrage personnel, le réalisateur, journaliste et écrivain revient sur les événements qui ont jalonné les soixante dix ans du pays et regrette "l’Israël de son enfance".

Publié le 27 mars dans Le Monde

Le livre. Concernant les histoires d’amour, les Rita Mitsouko ont assez bien tiré les choses au clair. « En général », elles se terminent « mal ». Dans le cas présent, on pourrait préciser et parler de déception et de chagrin. Entre Serge Moati et Israël, les liens restent forts. Mais ce n’est plus comme « avant ».

Non pas que ce grand saltimbanque – réalisateur, acteur, journaliste, directeur de télévision, écrivain, bref conteur tout terrain – entretienne une image irénique de la Terre sainte. L’histoire y est faite de violence depuis les origines, dit l’Ancien Testament. Il en est allé de même pour la naissance d’Israël en 1948. L’accouchement se confond avec la guerre, contre les Etats arabes voisins et contre les Palestiniens. Quant à la saga du mouvement national juif, le sionisme, elle est largement le produit de la violence exercée contre les juifs d’Europe – qui va culminer avec la Shoah.

Contemporain concerné, attentif et informé de l’histoire qu’il retrace ici, à la veille des élections générales du 9 avril en Israël, Moati dit les choses : il n’embellit ni ne noircit rien. Il a lu les nouveaux historiens israéliens, il sait le drame des Palestiniens. Sans moraliser à tort et à travers, il chemine dans la succession de conflits armés qui ont façonné Israël et le Proche-Orient d’aujourd’hui. Seulement voilà, il a eu pour ce pays les yeux de la jeunesse et cette rencontre est intimement liée à son histoire personnelle.

Famille de Français juifs de Tunisie, laïcs, père militant socialiste déporté pour faits de résistance, Serge Moati a 11 ans quand il perd ses parents. Israël pour l’orphelin de Paris, c’est l’été, la Tunisie retrouvée, les filles en short aux jambes bronzées du kibboutz où il passe des vacances. Et les dîners couscous avec ceux de la famille qui ont choisi d’émigrer dans ce pays. L’attachement qui se noue à l’adolescence va être partie constitutive de l’homme Moati : « L’Israël de mon enfance, je l’ai profondément aimé. »

Mais « l’Israël des origines s’est effacé », au fil des ans et des occasions de paix ratées par les uns et les autres. Sous la houlette de Benyamin Nétanyahou, qui aura le plus contribué à mêler religion et politique, Israël encourage comme jamais la colonisation des territoires palestiniens. La dérive identitaire dans laquelle il entraîne le pays exacerbe le conflit. Ce n’était pas obligé. Moati ne s’y retrouve plus.

De son maître en cinéma, l’immense documentariste Jean Rouch, l’auteur a appris l’attention aux autres. Il écoute plus qu’il ne juge. Mais même marqué par l’affection, le regard s’assombrit au fil du livre, l’incompréhension s’installe. Homme de doute, Moati n’en croit pas moins aux « forces de l’esprit ». Il les convoque, les prie pour que vienne la paix. Là-bas, on devrait l’écouter.

 

Il était une fois en Israël, de Serge Moati (Fayard, 286 pages, 19 euros)