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Entretien mené par Marie-Sarah Seeberger
Un début d’après-midi du mois d’octobre, Ilan Zaoui nous rend visite dans nos bureaux du 5ème arrondissement de Paris. Le sourire aux lèvres, il salue chaleureusement chaque visage croisé, et lance de joyeux « Salut ! ».
Depuis quelques semaines, Ilan Zaoui est à nouveau sous le feu des projecteurs. La raison de cette popularité ? L’organisation à Lille d’un « Flashmob Rabbi Jacob » au cours duquel 1000 personnes se sont rassemblées pour apprendre et reproduire la chorégraphie du fameux film !
« Ce flashmob a été organisé en parallèle du festival CinéComédie où une version masteurisée de Rabbi Jacob devait être présentée. L’idée, c’était de réunir un maximum de gens et de leur apprendre les premiers pas de la danse. Et ça a pris ! Il y a eu une sorte de gaité qui s’est emparée de la place, c’était formidable ! », raconte Ilan.
Notre invité nous parle de l’idée du « danser ensemble », une notion qui lui tient à cœur. « Cette chorégraphie a réussi à dépasser toutes les différences et tous les clivages. Sur cette place, il y avait des Rabbins, des musulmans, des jeunes, des moins jeunes… une foule complètement bigarrée réunie par une chorégraphie. C’était un symbole fabuleux ! ».
Et alors, monsieur le chorégraphe, les élèves ont-ils été à la hauteur ? « A l’époque, j’ai compris que ce qui fonctionnait, c’était la gestuelle, davantage que la chorégraphie », explique Ilan. « Les gens font n’importe quoi aujourd’hui avec la choré ! Mais ce qui est important, ça reste la gestuelle. J’étais là pour leur apprendre les premiers pas, après, l’engouement général a fait le reste », ajoute t-il, amusé.
Curieux, nous mourons d’envie de connaitre les dessous de la collaboration d’Ilan avec l’acteur que toute la France s’arrachait à l’époque, Louis de Funès. « C’était tout simplement génial de travailler avec Louis de Funès. C’était un acteur extrêmement professionnel et appliqué. Nous avons lié une relation presque amicale. Je garde d’excellents souvenirs de nos répétitions. »
La touche Zaoui
Avant de devenir le chorégraphe chouchou des réalisateurs, Ilan Zaoui n’a pas chômé ! Né en Algérie, il arrive en France à l’âge de 3 ans. Il rejoint très tôt le mouvement de jeunesse de l’Hashomer Hatzair et, à 17 ans, part au Kibboutz. Ilan peut donc se vanter d’avoir connu cet âge d’or des kibboutzim post-pionniers, peuplés de gens du monde entier venus contribuer à la construction du jeune Etat.
En 1967, la Guerre des Six jours éclate et Ilan est mobilisé comme parachutiste. « Un moment déterminant pour le Moyen-Orient, et pour ma vie », confie-t-il.
Il décide ensuite de rentrer en France, pour y développer sa passion pour la danse et le chant. « J’ai toujours été attiré par les cultures traditionnelles juives, et j’ai eu envie de partager cette passion dans mon pays, en France. Il y avait une place pour ça », explique t-il.
Son objectif ? Mélanger les différentes traditions et cultures juives pour créer quelque chose d’unique, en y ajoutant sa touche artistique. C’est ainsi que naissent Kolaviv d’abord, puis la troupe Adama, que l’on ne présente plus.
Naïvement, nous lui demandons comment il se sent à l’époque où il fonde Adama : Français, Israélien, Juif, ou autre ? « J’étais Français, c’était évident, je ne me posais pas franchement la question. On était ce qu’on était », répond-il sans hésiter.
Du Kibboutz à… Kibboutz
Ilan Zaoui reconnait à demi-mot l’influence qu’a pu avoir sa vie au Kibboutz sur sa sensibilité artistique et son travail.
Il n’y a pas de hasard, son nouveau spectacle s’appelle Kibboutz et plonge le spectateur dans un voyage dans le temps au cœur d’un Israël passé.
« Le titre 'Kibboutz' s’est imposé parce qu’il couvre l’ensemble des valeurs de l’esprit fondateur d’Israël, des valeurs que tout le monde reconnaît. Le spectacle est basé sur la mentalité sioniste aux origines de l’Etat », précise Ilan avec émotion*.
En attendant, que les fans d’Ilan Zaoui se rassurent, ils peuvent compter sur les nombreux spectacles et prestations du groupe Adama, qui continue de se produire… un peu partout ! « Adama est allé en Chine, c’était incroyable ! Nous avons fait danser des Chinoises et Chinois sur la musique de Rabbi Jacob, un moment vraiment inoubliable ! », raconte Ilan. Comme quoi, ‘la choré de Rabbi Jacob’ a réussi le pari générationnel et a largement dépassé les frontières. La bonne humeur, ça se partage !
Ilan Zaoui nous parle aussi de son projet actuel, la re-création du spectacle phare Le Sel et le Miel. Le spectacle sera présenté en Israël au Cinéma City de Tel Aviv à partir 31 octobre. « Bernard Bitan et Laurent Bentata m’ont demandé de revenir sur le spectacle pour apprendre les chorés aux nouveaux danseurs. J’ai accepté évidemment, ça m’a rappelé des souvenirs ! », explique Ilan, devenu « parrain » du spectacle à sa création, il y a plus de 20 ans.
Aujourd’hui, Ilan Zaoui partage son temps entre la France et Israël. Il écoute les classiques israéliens et des musiques plus contemporaines, le groupe de son fils par exemple, Thérapie Taxi. Il parle de l’avenir avec autant d’émotion et d’entrain qu’il évoque le passé.
Ilan Zaoui sait d’où il vient et où il veut aller. Il reste accompagné par une certaine nostalgie heureuse des années 1960 en Israël et sait reconnaître la beauté de la nouveauté et du changement.
Finalement, à l’image du film de Gérard Oury, qu’il garde dans le cœur comme sa plus belle rencontre professionnelle, Ilan Zaoui est un intemporel.
*Les Amis du Crif vous invite à l'avant-première de
Kibboutz
le nouveau spectacle d'Ilan Zaoui et de la troupe Adama
lundi 8 avril 2019, à 20h30
Inscrivez-vous à l'avant-première du spectacle Kibboutz !