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Disparue le 18 septembre dernier à quelques heures de Kippour, Marceline Loridan Ivens n’est pas morte dans le silence du Grand Pardon : il suffit de voir l’hommage médiatique qui lui est rendu ; digne de celui de Claude Lanzmann et de son amie Simone Veil.
Matricule 78750 tatoué à son arrivée à Auschwitz Birkenau : ça aurait pu être la fin, ça aurait pu être le début de la fin mais ce ne fut que la fin du début, pour paraphraser Churchill. Toute son existence, comme celle de ses camarades survivants qu’elle retrouvait une fois par mois, a volé en éclat sans pour autant prendre la voie du mépris du monde. Marceline Loridan Ivens était une désenchantée rieuse, une grande blessée de guerre en permanente convalescence, une amoureuse aussi. L’homme de sa vie Joris Ivens, un réalisateur néerlandais de 30 ans son ainé l’a l’emmenée de part le monde, à la recherche de l’homme nouveau. Mais l’homo soviéticus et son cortège de déclinaisons-maoïste notamment-était tout aussi prometteur de déception et de désillusion. Fallait-il seulement se jeter dans ce combat là ? Marceline Loridan Ivens collait à l’histoire, elle ne s’est rien épargné.
Elle est une des rares, peut être même une des seules survivantes d’Auschwitz à avoir dénoncé haut et fort les dangers de l’islamisme radical. Il y avait des raisonnements abscons qu’elle savait renvoyer aux amateurs du forage sociologique, elle ne se demandait plus pourquoi. Elle savait que parfois, comme les SS aimaient à le dire à Birkneau « Ici, il n’y a pas de pourquoi ». Pas de pourquoi à l’assassinat d’enfants, pas de réparation possible, ni d’enfantement possible. Elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas. Elle était ce titre du livre d’Imre Kertesz, « Kaddish pour l’enfant qui ne naitra pas ».
Marceline Loridan Ivens a survécu à ses propres excès, elle a rendu tous les diagnostics médicaux caducs. Elle a continué à se mettre en danger, à tirer sur la corde mais la corde n’a pas lâché.
Son inquiétude pour l’avenir s’était un peu apaisée dans le réconfort de voir les Juifs posséder un état, Israël pour lequel elle avait un attachement fort et aussi une certaine admiration. Il y a cette scène dans la Petite prairie aux bouleaux, le film qu’elle a réalisé sur Birkenau, où l’on voit une jeune israélienne danser comme ivre de vie le soir, après une journée passée à découvrir ce camp.
Ainsi était Marceline Loridan Ivens, a litte big woman, ivre de chagrin et ivre de vie, ivre d’elle-même comme elle le disait.
Son âme, qui était tendre autant que son verbe pouvait être acéré, s’est envolée au Paradis des écorchés vifs. Nous dirons le Kaddish pour Marceline.
Stéphanie Dassa, Directrice de projets au Crif, spécialisée sur les questions mémorielles