Le sept mai 2017, Emmanuel Macron a été élu président de la République française, l’emportant largement sur la candidate du Front National, Marine Le Pen, par 66% des voix contre 34. La crainte de très nombreux Français de voir s’installer à la tête du pays les tenants d’une politique raciste, antisémite et xénophobe, s’est provisoirement apaisée. Mais le danger reste bien réel. C’est pourquoi le délicieux album, la bande dessinée en éclats, de Richard Malka, Riss et Saïd Mahrane demeure toujours d’actualité.
Enquêteur au Point, dont il est rédacteur en chef et spécialiste du F.N., Saïd Marhane a été chargé de l’investigation qu’il a voulu minutieuse. D’ailleurs, pour éviter toute polémique, les références les plus précises sont proposées en fin de volume. Sur cette base, l’avocat Richard Malka a bâti le scénario, très alerte et c’est à la plume de Riss, directeur de Charlie Hebdo, blessé lors de l’attentat de janvier 2015, qu’on doit les dessins, avec des personnages subtilement croqués.
Outre l’ « héroïne », bien évidemment omniprésente et les membres de sa famille proche, son père, Jean-Marie, sa mère Pierrette, sa sœur aînée, Marie-Caroline, sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen on découvre, au fil des pages, les personnages connus ou moins connus du « Great Marin’s Band ». Voici Louis Aliot, dit « Loulou », compagnon de Marine et vice président du F.N., Florian Philippot, « Le Gourou », Nicolas Bay, « L’apparatchik », secrétaire général du F.N., Steeve Briois, « Le fidèle », vice président du F.N.,Bruno Gollnisch, Frédéric Chatillon, ex-président de GUD, « l’ami encombrant », Jean-Claude Martinez, professeur de droit, Gilbert Collard, Robert Ménard, . Mais aussi Bruno Bilde, conseiller spécial et homme de confiance, « la tombe », Axel Loustau, ancien du GUD, Philippe Péninque, « L’homme de l’ombre », Thierry Meyssan, et même Roland Dumas, Brigitte Bardot, l’économiste Jacques Sapir, Dieudonné, Alain Soral, Éric Zemmour qui rêve de « protéger le royaume de l’hiver du cosmopolitisme » et bien d’autres. Serge Moati, qui s’est intéressé, on le sait, à la biographie de Jean-Marie Le Pen, apparaît à de nombreuses occasions. Les auteurs précisent, à ce propos, « La présence de Serge Moati dans ce récit, relevant ici de la fiction, n’est pas anodine : le journaliste-réalisateur et le fondateur du FN partagent, de longue date, une complicité professionnelle. »
Les flashs-backs récurrents, reconnaissables à l’absence de couleurs, permettent de braquer les feux des projecteurs sur l’enfance de l’ « héroïne ».
Une des scènes les plus cocasses est celle où l’on voit Marine, désemparée et moins sûre d’elle, rendre visite à son psy, le docteur…Isaac Grinzberg !
On ne sera pas étonné de ne pas voir dans cette bande dessinée Emmanuel Macron. Dans la compétition électorale, seuls transparaissent, au moment de l’écriture du récit, face à Marine Le Pen, les Républicains et les socialistes. L’échiquier politique français n’avait pas encore été bouleversé. Entre la publication de l’album et l’ascension fulgurante du créateur et leader d’En Marche, on n’aura pas eu le temps, in fine, de respirer. Tout s’est passé très vite. Une opportunité, peut-être, pour une nouvelle BD ?
En attendant, il faut déguster et déguster encore, les textes et les images de ce pétulant album.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Grasset & Fasquelle, 2016. 98 pages. 14,90 euros.