"J’ai toujours été pro israélien mais je pense qu’il faut que vous appreniez à vouloir la paix".
Interview par Lydie Türkfeld publiée dans Israël Magazine le 4 juillet 2016
Suite au décès de Michel Rocard, Israël Magazine a décidé de republier l'interview que l'ancien Premier ministre avait donné au journal en février 2014. Au cours de cet entretien, Michel Rocard évoquait le conflit israélo-palestinien et se décrivait lui-même comme un "un pro israélien de toujours".
Les Palestiniens posent comme condition préalable qu’une partie de Jérusalem devienne leur capitale, alors qu’Israël en refuse le principe. Comment aller au-delà de ce blocage ?
Personne n’a jamais vu une majorité à la Knesset, prête à signer les sacrifices nécessaires à la paix. Il y a deux manières de faire la paix. L’une, c’est par la victoire... L’autre, c’est le compromis : personne n’a jamais vu de compromis où l’on gagne tout ! L’Histoire montre que les hommes s’entendent toujours sur des intérêts, des territoires, des échanges de prisonniers, des contrats commerciaux…Mais, sur des symboles, on ne s’entend jamais. Vous êtes dans une situation à l’irlandaise, l’Irlande du Sud. Un siècle et demi, des milliers de morts.
Je ne comprends pas Israël. Quand on raisonne en termes de stratégie, il y a les outils de la stratégie, principalement trois : le temps, le nombre et l’espace. Vous n’avez aucun des trois. Il vous faudra faire des compromis sur des symboles. Votre gouvernement n’y peut rien aussi longtemps que le peuple d’Israël sera fier de sa force…
Pareil en Palestine : j’ai du mal à citer Arafat, qui était un homme un peu tordu, mais Fayad et Abbas sont de vrais hommes de paix....
Je suis peiné de n’avoir jamais entendu le Grand Rabbinat d’Israël parler de la paix. Il y a de problèmes lourds, théologiques – Jérusalem, la terre – : est-ce que la terre a priorité sur les hommes vivants ? C’est une « bonne » question pour la Torah…
J’attends que le Rabbinat décide si la vie d’un être humain est supérieure à des surfaces de terre et si un symbole peut se partager. C’est grand, Jérusalem… Vous, mes amis d’Israël, il faut que vous appreniez à vouloir la paix. Je suis un pro israélien de toujours –j’ai vécu dix ans avec une femme israélienne et Israël est l’Etat du monde dans lequel j’ai passé le plus de temps, en dehors de mon propre pays, mais vous me faites peur. Vous n'aimez pas la paix...
Il y beaucoup d’Israéliens qui œuvrent réellement pour la paix…
J’ai eu de nombreux amis qui ne faisaient que ça ! J’ai bien connu des équipes médicales de l’hôpital Hadassah, soutiens de l’hôpital palestinien. Mais il faut de la décision collective. J’aime Israël, sachez seulement que je suis triste… La paix, ça se construit. Et la seule chose qui soit certaine, c’est qu’il est toujours beaucoup plus difficile de perdre la paix que la guerre, intellectuellement...
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