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Vous présentez cette affaire, dans la lettre que vous avez adressée à Haim Musicant, de façon très subjective, pour ne pas dire plus. C'est votre droit, comme c'est mon droit de m'exprimer. Je vous rappelle que, il y a quelques années, quand vous aviez signé la stupéfiante pétition qui a suivi l'arrêt très documenté de la Cour d'Appel de mai 2008, qui avait relaxé Philippe Karsenty du chef de diffamation, je vous avais proposé de regarder les documents: vous m'aviez répondu que vous n'aviez ni les moyens, ni l'envie de le faire, et qu'il vous suffisait de savoir que Charles Enderlin était quelqu'un de "bien". Bizarre façon de s'informer.
En tout cas, il y a dans votre lettre à Haim Musicant quelque chose qui frise la calomnie, à mon égard, c'est le passage où vous suggérez que je m'exprime pour participer à la campagne électorale de Philippe Karsenty. Trouvez-moi dans mes interventions et dans les interventions du CRIF un seul passage où j'interviens dans cette campagne. J'ai spécifiquement demandé à ce que aucun des candidats ne puisse s'exprimer sur cette campagne dans la Newsletter du CRIF et cela a été respecté. Oui, j'ai écrit dans Actualité Juive que dans l'affaire Al Dura, Philippe Karsenty, qui a été insulté de façon méprisante et odieuse à de nombreuse reprises par ses adversaires, me paraissait mû par un seul objectif: cet objectif, qui est apparemment pour vous secondaire est celui de la recherche de la vérité. Contrairement à ce que vous écrivez, il n'y a que dans un microcosme où la solidarité et l'amitié ont pris le pas sur tout le reste, que l'affaire Al Dura est considérée de la façon dont vous le faites. Et ce n'est pas le récent arrêt de la Cour de Cassation, qui ne dit rien de l'arrêt de mai 2008 mais casse l'arrêt de demande en octobre 2007 "avant dire droit" de la Cour d'appel d'obtenir les rushes de France Télévision (ce que Philippe Karsenty n'avait évidemment pas pu obtenir lui-même) qui efface les questions que l'on peut se poser, alors que ceux qui les posent ne peuvent s'exprimer dans les médias: voulez-vous me signaler combien de fois on a parlé des livres de PA Taguieff et de Jacques Tarnero, combien de fois on a diffusé le dernier film de Esther Schapira, alors que le livre de Charles Enderlin a été encensé de façon systématique. ?
Je m'abstiendrai, par égard pour vous, de commenter le reste de vos allégations sur moi. Rien de ce que j'ai écrit sur le sujet de l'affaire Al Dura n'a reçu de critique de qui que ce soit à l'intérieur du CRIF, si ce n'est de Theo Klein lui-même, dont je n'oublie pas, même si lui l'oublie parfois, qu'il est Président d'honneur du CRIF.
Cette lettre n'est pas une réponse spécifique à la lettre que vous m'avez adressée, car celle-ci est arrivée trop tard, mais à celle qui a été envoyée à Haim Musicant et qui a été reçue au CRIF par courrier dès ce matin. Pour la clarté du débat, je publie les deux lettres dans la Newsletter, de façon à ce que les lecteurs puissent se faire une opinion. La censure n'est pas du côté du CRIF.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l'expression de mes salutations distinguées
Richard Prasquier,
Président du CRIF
Lettre adressée à Richard Prasquier par Théo Klein
Monsieur le Président,
Je suis plus qu'étonné, plus qu'effaré, véritablement indigné de l'utilisation que vous faites de la Newsletter du CRIF pour y poursuivre de votre vindicte Charles Enderlin.
Je suis non moins étonné, mais cette fois-ci indigné, de ce que vous offriez Monsieur Karsenty cette publication pour y publier ses communiqués. Je suis, en effet choqué que la Newsletter du CRIF serve à répandre des propos qui ont été qualifiés de diffamatoires » à plusieurs reprises par les tribunaux français.
Vous avez constamment publié sur ce point des informations inexactes en omettant de préciser que les juridictions françaises avaient, chaque fois, confirmé l'existence du délit de diffamation, accordant au diffamateur le bénéfice de l'exception de bonne foi. Il n'y a plus de bonne foi possible maintenant. En effet, lorsque des propos sont jugés diffamatoires et que celui qui les a tenus, ou quelqu'un d'autre, les réutilise, la bonne foi ne peut plus être admise et je trouve que votre attitude dans cette affaire la est dépourvue à la fois de bonne foi mais aussi totalement le bon sens.
Les attaques que vous renouvelez sont une insulte permanente pour la justice israélienne et les autorités en charge de la saisir, le cas échéant, puisque, en Israël, aucune procédure n'a jamais été ouverte et que, d'ailleurs, la dispute se limitait à la question de savoir si les balles qui ont atteint l'enfant palestinien étaient tirées du côté palestinien ou du côté israélien.
De surcroît, permettez moi de vous dire que vous n'étiez pas, à cette époque là, suffisamment proche ou suffisamment au fait peut-être de la situation en Israël pour n'avoir pas compris le caractère soudain et imprévisible de l'éclatement de cette seconde intifada.
Vous cherchez à changer la face des choses, la vérité d'un événement totalement regrettable mais dont il est impossible de nier qu'il a eu lieu. Je considère que les propos que vous tenez sont même insultants pour l'État d'Israël puisque vous semblez insinuer que ce pays est incapable de rétablir la vérité sur un accident situé sur un territoire dont il avait alors le contrôle.
Cet événement en question marque le début de la deuxième intifada. Lors de la première, aucun coup de feu n'avait été tiré de part ni d'autre : ce qui s'est passé à Netzarim marque le début d'échanges de tirs à balles réelles entre Israéliens et Palestiniens.
Le fait que la propagande arabe ait utilisé la mort de l'enfant n'en efface pas l'existence. Peut-être, comme je vous l'ai dit, étiez-vous alors trop jeune ou trop absent pour n'avoir pas saisi l'importance de l'intrusion des armes à feu dans un conflit qui, pourtant, semblait pouvoir se diriger vers une solution pacifique. Les faits sont les faits et le seul doute qui aurait pu exister à l'époque était de savoir si les balles ayant atteint cet enfant étaient tirées du côté palestinien ou du côté israélien. L'armée israélienne, sur ce point, n'a jamais cherché à apporter de preuve contraire aux propos que vous condamnez. Vous avez, à titre personnel, le droit d'avoir toutes les opinions que vous voulez, les plus stupides pouvant s'intégrer elles aussi dans le cadre de la liberté d'opinion. Par contre, je ne vous reconnaitrais certainement pas le droit de propager dans un bulletin de notre communauté des opinions qui ont fait plusieurs fois l'objet de décisions des tribunaux français les considérant comme diffamatoires.
Le CRIF n'est pas votre tribune personnelle, comme il ne peut pas être non plus le brouillon de vos futures mémoires. Votre éditorial « Reportage à Netzarim, quelle vérité ? » dépasse encore plus largement les bornes au-delà de tout ce que vous avez écrit et publié dans cette Newsletter que vous transformez volontiers en votre blog personnel ; ou alors, plus simplement, peut-être considérez-vous les mouvements de votre pensée comme étant l'expression de la volonté du CRIE C'est se moquer publiquement de la décision de hauts magistrats français que de reprendre incessamment des propos qu'ils ont définitivement jugés diffamatoires.
Je me permets de vous rappeler que le CRIF représente les principales organisations juives de France et j'attire votre attention sur le fait que vous tentez de le détourner de cette mission en le considérant comme étant l'expression même des sentiments et de la volonté des juifs vivant en France. Peut-être votre projet est-il grandiose, mais je crains qu'il soit mortel. Je n'imagine pas que vous publierez la présente lettre dans la Newsletter du CRIF, mais vous précise cependant que je ne m'y opposerai pas... Veuillez croire, Monsieur le Président, en l'expression de mes sentiments d'ancien président.
Théo Klein
Lettre adressée à Haim Musicant par Théo Klein
Mon cher Haïm,
C'est au responsable de la Newsletter du CRIF que j'écris pour lui dire mon très grand étonnement de voir publié un communiqué de Philippe Karsenty, du jet mars dernier, « en réaction à la décision de la Cour de cassation du 28 février 2012
Nous avions déjà les éditoriaux du président du CRIF qui dépassaient largement sa compétence de président, et une prise de position de cette nature totalement unilatérale qui ne donne jamais la possibilité à l'autre partie de s'exprimer.
Je pense, pour l'instant, dans un certain silence, qu'il y a un abus manifeste de l'utilisation de cet instrument de publication dont tu es le responsable.
J'en profite, par ailleurs, pour te demander de bien vouloir me communiquer les extraits des procès-verbaux des divers organes du CRIF relatant les débats contradictoires qui ont pu avoir lieu au sein de ses diverses instances concernant l'affaire « al Dura ».
Je me permets de te rappeler que toutes les instances, dans les différents épisodes devant la justice française de ce conflit, ont conduit à des décisions constatant le caractère diffamatoire des déclarations de Monsieur Karsenty et, si la Cour d'appel a admis l'exception de bonne foi, ce n'est qu'après avoir confirmé la diffamation et dans un esprit d'apaisement.
En continuant de renouveler ces affirmations calomnieuses, l'intéressé cesse à l'évidence d'être de bonne foi et, de toute façon, je ne vois pas ce que le CRIF vient faire dans cette affaire qui, au mieux, aurait été plutôt de la compétence d'un tribunal israélien devant lequel il était possible d'attaquer le journaliste israélien et le caméraman palestinien.
En effet, j'aimerais bien savoir à quelle date et par quelle délibération de quelle instance du CRIF il a été décidé de projeter notre organisation dans cette bataille dont les protagonistes, visiblement, n'ont pas suivi les événements de l'époque considérée et ne cherchent, finalement, qu'à se mettre eux-mêmes en vedette.
Les interventions du président lui-même sont suffisamment unilatérales et déplacées pour ne pas, de surcroît, participer à la campagne électorale de Monsieur Karsenty qui, si je ne m'abuse, est l'un des nombreux candidats au siège de député représentant les Français d'Israël, de Turquie, de Grèce et d'Italie.
Chacun a le droit de nourrir ses propres ambitions, mais le CRU n'est ni en charge des ambitions de son président ni de celles d'un ami de celui-ci.
Je ne verrai aucun inconvénient à ce que mes propos soient publiés dans l'une des prochaines Newsletter du CRIF.
Bien amicalement à toi.
Théo Klein