Etudes du CRIF
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Publié le 14 Février 2020

Crif - Étude du Crif n°57 : Les Juifs des Terres d’Oc, par Michaël Iancu

Dans cette nouvelle étude du Crif, Michaël Iancu, docteur en Histoire et dynamique directeur de l’Institut Universitaire Maïmonide-Averroès-Thomas d’Aquin, est l’auteur du nouveau numéro des Études du Crif avec un sujet original, « Les Juifs des Terres d’Oc », une question qui le passionne depuis toujours et qu’il connaît parfaitement : les Juifs des Terres d'Oc.

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Les Juifs des Terres d’Oc*

Une étude de Michaël Iancu

 

Personnalité marquante de la communauté juive de Montpellier, docteur en Histoire, dynamique directeur de l’Institut Universitaire Maïmonide-Averroès-Thomas d’Aquin, Michaël Iancu a publié en 2014, aux Éditions du Cerf, « Les Juifs de Montpellier et des terres d’Oc », un ouvrage qui fait autorité.

La lecture de cette belle étude permet de rappeler que la présence juive en terre de France, que ce soit en terre d’Oil , au nord ou en terre d’Oc, au sud, est très ancienne. Pour ce qui est des terres d’Oc, Michaël Iancu se réfère à la « Pierre de Narbonne », dite la plus ancienne  de France, un texte funéraire à épigraphie latine datant du 7ème siècle qui relate l’inhumation précipitée de trois défunts juifs. Plus tard, il y aura l’inscription synagogale de Béziers ( 1214). Sans oublier le précieux témoignage de Benjamin de Tudèle, grand voyageur devant l’Eternel, qui signale, avec force détails démographiques et sociaux, la présence de communautés juives dans le midi : à Narbonne, où « régnait » rabbi Kalonymos, fils du grand prince Théodore, à Béziers, avec sa communauté d’érudits, à Montpellier, ville réputée pour son activité commerciale, à Lunel, à Posquières et dans bien d’autres petites bourgades. « Cet habitat juif a essaimé très tôt sur tout l’espace méridional, aussi bien dans les villes que dans les villages ».

Hélas, en 1306, l’expulsion des Juifs de France, édictée par Philippe Le Bel, malgré des retours occasionnels limités dans le temps et assortis de lourdes compensations financières, portera un coup fatal à la présence juive. Après le bannissement définitif des Juifs ordonné, en 1394 par Charles VI dit « Le Fou », il faudra attendre plusieurs siècles pour voir le judaïsme en terre d’Oc et en France en général, renaître de ses cendres. 

Pour narrer, cette période faste du judaïsme en Languedoc, Michaël Iancu a choisi d’évoquer des figures exceptionnelles qui ont marqué leur temps : la famille Meshoullam de Lunel, avec ses érudits et ses talmudistes, Jonathan ben David Hacohen, autorité rabbinique qui correspondait avec le grand Maïmonide, le réfugié andalou, Judah Ibn Tibbon, « père des traducteurs » et grand médecin, son fils unique, Samuel et la lignée dite des Tibbonides, le montpelliérain En Duran, le rationaliste Menahem ha-Meïri, de Perpignan, premier penseur juif à extraire les chrétiens de la catégorie des idolâtres. Né à Bagnols-sur-Cèze, Lévi ben Gerson, dit Gersonide, philosophe, astronome et mathématicien, qui vivra en Avignon et à Orange, marquera son temps. Tout comme Moïse de Narbonne, métaphysicien et médecin.

Le Languedoc, rappelle Michaël Iancu, fut aussi une terre de mysticisme. En témoignent les figures d’Abraham Bédersi, de Béziers et de son fils, Yedahia ha-Penini,  d’Abraham et Salomon Avigdor d’Arles et de Léon Joseph de Carcassonne, natif de Perpignan.

La présence juive en terre d’Or, ce furent bien sûr, des figures hors du commun, mais aussi des lieux, vestiges médiévaux tant épigraphiques que lapidaires. Voici les quartiers juifs avec leurs « Rue de la Juiverie », les restes de synagogues, les mikvés, bains rituels, dont celui de Montpellier, restauré en 1985 et les survivances de cimetières juifs. Sans oublier les collections inestimables de manuscrits miraculeusement conservés.

Après 1394, le judaïsme n’étant plus licite dans le royaume de France, une forme de marranisme va se développer. À Montpellier, la famille Catalan possèdera une pharmacie, les Saporta compteront des marchands, un consul et même un marquis, Gaston de Saporta, dont une rue d’Aix-en-Provence porte le nom. Quant aux Falco, ils donneront au pays, un professeur de médecine, Jean Falco.

Comme il l’a fait pour son étude du judaïsme en terre d’Oc aux temps anciens, Michaël Iancu, aborde les 19ème et 20ème siècles à travers une galerie de portraits pour le moins édifiante. À Montpellier, Israël Bédarride ( 1798-1869), avocat, historien et homme politique et son fils, Alfred-Gabriel, qui sera maire de la ville de Villeveyrac en 1860, Joseph Salvador ( 1786-1873), intellectuel d’élite, défenseur du judaïsme et éminent représentant du protosionisme, Eugène Lisbonne ( 1818- 1897), qui sera notamment préfet de l’Hérault, député et sénateur.

À noter qu’au Congrès Sioniste de Bâle, réuni autour de Theodor  Herzl en août 1897, Montpellier enverra quatre représentants.

À Nîmes vécurent Adolphe-Isaac Crémieux ( 1796-1870) qui fut ministre de la Justice, qui combattit farouchement pour le droit des Juifs et des Noirs et dont un fameux décret conférant la qualité de citoyens français aux Juifs d’Algérie, porte le nom et Bernard  Lazare ( 1865-1903), ardent défenseur de Dreyfus à l’heure de la triste et célèbre « Affaire ».

À Montpellier, durant la  Seconde Guerre mondiale, se sont distinguées plusieurs figures. Parmi elles, le rabbin Henri Schilli ( 1906-1975) qui fut aumônier des camps, des Éclaireurs Israélites de France et directeur du Séminaire Israélite de France. Une place de la ville honore désormais son nom. Voici aussi le médiéviste Marc Bloch (1886-1944), résistant à l’occupant allemand qui mourra tragiquement, fusillé le 16 juin 1944, Georges Charpak, qui sera prix Nobel de physique en 1992 et Camille Ernst, secrétaire général de la préfecture de l’Hérault.

Un panorama saisissant, une étude magistrale.
Encore un excellent numéro des Études du Crif ! Bravo à Marc Knobel qui dirige avec brio et discernement cette belle collection.

Jean-Pierre Allali

 

(*) Les Études du Crif n°57. Janvier 2020. 56 pages. 10 €.

 

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