Tribune
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Publié le 2 Décembre 2014

Un diplomate arabe israélien prône un incroyable message d’espoir

Discours de Georges Deek, vice-ambassadeur d’Israël à Oslo. Traduit de l’anglais par Sr Isabelle Gelain (Georges Deek est un Arabe israélien, Chrétien orthodoxe), publié dans le Times of Israel le 24 novembre 2014

« Quand je me promène dans les rues de ma ville natale, Jaffa, je me souviens de l’année 1948.

Les allées de la Vieille Ville, les maisons du quartier d’Ajami, les filets de pêche au port – tout semble raconter différentes histoires sur l’année qui a changé ma cité d’autrefois.

 

Une de ces histoires concerne l’une des plus anciennes familles de cette cité – la famille Deek – la mienne.

Avant 1948, mon grand-père George, dont on m’a donné le nom, travaillait comme électricien, dans la Compagnie d’électricité Rotenberg. Il ne s’intéressait pas beaucoup à la politique. Et comme Jaffa était une ville mixte, il avait naturellement des amis juifs.

En fait, ses amis, à la compagnie d’électricité, lui parlaient même en yiddish, faisant de lui le premier Arabe qui ait jamais parlé cette langue.

En 1947, il se fiança à Véra – ma grand-mère, et ensemble, ils firent des plans pour bâtir une famille dans la ville même ou la famille Deek vivait depuis environ 400 ans – Jaffa. Mais quelques mois après, ces plans furent modifiés, littéralement, du jour au lendemain.

Quand l’ONU approuva l’établissement d’Israël, et que l’Etat d’Israël fut créé quelques mois plus tard, les dirigeants arabes avertirent les Arabes que les Juifs étaient en train de se préparer à les tuer s’ils restaient chez eux, et se servirent du massacre de Deir Yassim comme exemple. Ils disaient à chacun « Quittez vos maisons et courez au loin ». Ils disaient qu’il ne leur faudrait que quelques jours, grâce auxquels ils promettaient qu’avec 5 armées, ils détruiraient l’Israël nouveau-né.

Ma famille, horrifiée par ce qui pouvait arriver, décida de s’enfuir, avec beaucoup d’autres. Un prêtre s’était précipité dans la maison de la famille Deek, et se hâta d’y marier George et Véra, mes grands-parents. Ma grand-mère n’eut même pas la moindre chance de mettre des vêtements appropriés. Après ce mariage express, toute la famille fila au nord vers le Liban.

Mais quand la guerre fut terminée, les Arabes n’avaient pas réussi à détruire Israël. Ma famille était de l’autre côté de la frontière. Et il sembla que le destin des frères et sœurs de la famille Deek était de se disperser autour du globe. Aujourd’hui, j’ai de la famille en Jordanie, en Syrie, au Liban, à Dubai, en Angleterre, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, et ailleurs encore.

L’histoire de ma famille n’est qu’une histoire – et probablement pas la pire – parmi toutes les histoires tragiques de l’année 1948.

Et pour être tout à fait franc, vous n’avez pas besoin d’être anti-israélien pour reconnaître la désastreuse humiliation des Palestiniens en 1948, qu’on nomme la Nakba.

Le fait que je Skype avec des parents au Canada qui ne parlent pas l’arabe, ou à un cousin dans un pays arabe qui n’a pas encore la citoyenneté du pays, bien qu’il appartienne à la 3e génération – est un témoignage vivant des conséquences de la guerre.

D’après l’ONU, 711 000 Palestiniens ont été déplacés, nous avons déjà entendu cela – les uns ont fui, les autres ont été expulsés de force. Au même moment, à cause de la création d’Israël 800 000 Juifs furent obligés de quitter le monde arabe, le laissant majoritairement vide de Juifs.

Comme nous l’avons déjà entendu, des atrocités ne furent pas rares des deux côtés.

Mais il semble que ce conflit ne fut pas le seul au cours du 19e et du 20e siècle, qui aboutit à des expulsions et à des transferts.

De 1821 à 1922, 5 millions de Musulmans furent expulsés d’Europe, en majorité vers la Turquie. Dans les années 1990, la Yougoslavie explosa, faisant environ 100.000 morts et environ 3 millions de personnes déplacées

De 1919 à 1949, pendant l’opération Visa entre la Pologne et l’Ukraine, 100.000 personnes sont mortes et 1,5 million ont été déplacées. Après la Seconde Guerre mondiale et la convention de Postdam, entre 12 et 17 millions d’Allemands ont été déplacés. A la création de l’Inde et du Pakistan, environ 15 millions de personnes ont été transférées.

Cette tendance existe aussi au Moyen-Orient, par exemple le déplacement de 1,1 million de Kurdes par les Ottomans, 2,2 millions de Chrétiens expulsés d’Irak. Et puisque nous parlons aujourd’hui, des Yazidis, Bahaï, Kurdes, Chrétiens et même Musulmans sont assassinés, et a raison de 1 000 par mois, expulsés, suivant la progression de l’Islam radical. Les chances de l’un ou l’autre de ces groupes de revenir chez eux sont à peu près inexistantes.

Alors, pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi les tragédies des Serbes, des Musulmans d’Europe, des réfugiés polonais ou des Chrétiens d’Irak ne sont-elles pas commémorées ? Comment le déplacement des Juifs du monde arabe est-il tout à fait oublié, tandis que la tragédie des Palestiniens, la Nakba, est toujours vivante dans la politique actuelle ? Il me semble qu’il en est ainsi, parce que la Nakba a été transformée d’un désastre humanitaire en une offensive politique. La commémoraison de la Nakba n’est plus le souvenir de ce qui est arrivé, mais le ressentiment envers seulement l’existence de l’Etat d’Israël.

C’est démontré très clairement dans le choix de la date de commémoraison. La date de la Nakba n’est pas le 9 avril, jour du massacre de Deir Yassin, ni le 13, de l’expulsion de Lod. Le jour de la Nakba a été fixe au 15 mai, le lendemain du jour où Israël a proclamé son Indépendance.

Par cela, le leadership palestinien a déclaré que le désastre de la Nakba n’était pas l’expulsion, les villages abandonnés, ou l’exil – la Nakba à leurs yeux est la création d’Israël. Ils sont affectés moins par la catastrophe humanitaire qui a atteint les Palestiniens, que par la recréation de l’Etat Juif. Autrement dit, ils ne souffrent pas du fait que mes cousins sont Jordaniens, ils souffrent du fait que je suis Israélien !

En agissant ainsi, les Palestiniens sont devenus esclaves de leur passé, retenus captifs dans les chaînes du ressentiment, prisonniers d’un monde de frustration et de haine.

Mais, chers amis, la vérité simple est que, pour ne pas être réduits à la tristesse et à l’aigreur, nous devons regarder plus loin. Pour le dire plus clairement, pour effacer le passé, vous avez d’abord à assurer l’avenir. C’est quelque chose que j’ai appris de mon maître, Avraham Nov.

Quand j’avais 7 ans, j’ai fait partie d’une bande de la communauté Arabe chrétienne de Jaffa. C’est là que j’ai rencontré, mon professeur de musique qui m’apprenait à jouer de la flûte et ensuite de la clarinette. Je réussissais bien.

Avraham est un survivant de la Shoah, et toute sa famille a été assassinée par les nazis. Il est le seul qui ait réussi à survivre, parce qu’un officier nazi le trouvait doué pour l’harmonica ; il le prit chez lui pendant la guerre pour distraire ses invités.

A la fin de la guerre, il se retrouva tout seul. Il aurait pu s’asseoir, pleurer et hurler contre ce crime, le plus grand de l’homme contre l’homme dans l’histoire, et sur le fait qu’il restait tout seul. Mais il ne fit rien de tout cela, il regarda devant lui, et non en arrière. Il choisit la vie, et non la mort. L’Espoir, plutôt que le désespoir.

Avraham vint en Israël, se maria, construisit une famille, et commença à enseigner ce qui lui avait sauvé la vie – la musique. Il fut professeur de musique de centaines et de milliers d’enfants dans toute la région. Et quand il vit la tension entre Arabes et Juifs, ce survivant de la Shoah décida d’enseigner l’espoir à travers la musique, à des centaines d’enfants arabes comme moi. Les survivants de la Shoah sont parmi les gens les plus extraordinaires que vous puissiez trouver.

J’ai toujours été curieux de comprendre comment ils étaient capables de survivre, connaissant ce qu’ils avaient connu, sachant ce qu’ils avaient vu.

Mais pendant les 15 ans où j’ai été son élève, il ne m’a jamais parlé de son passé – excepté une fois – quand je lui ai demandé de me le faire connaître. Ce que j’ai réussi à comprendre, c’est qu’Avraham n’était pas le seul, et que beaucoup de survivants de la Shoah ne parlaient pas de ces années, de la Shoah, même à leur famille, parfois pendant des dizaines d’années ou même toute leur vie.

Seulement, quand ils ont acquis la certitude que le futur leur permettait de regarder en arrière vers le passé… Seulement quand ils ont construit un temps d’espoir, ils se sont permis à eux-mêmes de rappeler les jours du désespoir.

Ils construisent le futur dans leur ancienne-nouvelle maison, l’Etat d’Israël. Et dans les ombres de cette immense tragédie, les Juifs ont été capables de bâtir un pays qui est en tête du monde pour la médecine, l’agriculture et la technologie.

Pourquoi ? Parce qu’ils regardent en avant.

Mes amis, ceci est une leçon pour tous ceux qui veulent surmonter une tragédie – y compris les Palestiniens. Si les Palestiniens souhaitent racheter leur passé, ils ont besoin de se fixer d’abord sur la sécurité de leur avenir, en construisant un monde tel qu’il doit être, tel que nos enfants méritent qu’il soit.

Et la première étape dans cette direction sans aucun doute est de mettre fin au traitement honteux des réfugiés palestiniens.

Dans le monde arabe, les réfugiés palestiniens, y compris leurs enfants, petits-enfants et même arrière-petits-enfants, ne sont pas encore installés, sont agressivement discriminés, et dans bien des cas, on leur refuse la citoyenneté et les droits humains rudimentaires.

Pourquoi mes parents du Canada sont-ils citoyens canadiens, alors que ceux de Syrie, Liban ou des pays du Golfe – qui sont nés là et ne connaissent aucune autre patrie – sont encore considérés comme réfugiés ?

En clair, ce traitement des Palestiniens dans les pays arabes est la pire oppression qu’ils ont jamais expérimentée. Et ceux qui collaborent à ce crime ne sont rien d’autre que la communauté internationale et l’ONU.

Plutôt que de faire leur travail et d’aider les réfugiés à se construire une vie, la communauté internationale alimente le récit de la situation de victime.

Tandis qu’il y a une seule institution en charge de tous les réfugiés du monde – l’UNHCR – une autre institution a été créée pour s’occuper uniquement des Palestiniens, l’UNRWA. Ce n’est pas une coïncidence – tandis que le but de l’UNHCR est d’aider les réfugiés à se créer une nouvelle vie, à se donner un avenir et à en finir avec le statut de réfugiés, le but de l’UNRWA au contraire est de préserver leur statut de réfugiés et de les éloigner de la possibilité de commencer une nouvelle vie.

La communauté internationale ne peut pas sérieusement s’abstenir de régler le problème des réfugiés, quand il collabore avec le monde arabe en traitant les réfugiés comme des pions politiques, en les privant des droits humains élémentaires.

Partout où les réfugiés palestiniens ont joui de droits égaux, ils ont prospéré et apporté à leur société, en Amérique du Sud, aux USA et même en Israël.

En fait, Israël est un des rares pays qui a donné automatiquement une pleine citoyenneté et l’égalité pour tous les Palestiniens qui y étaient après 1948.

Et nous voyons bien les résultats, malgré tous les défis, les citoyens arabes d’Israël se construisent un avenir. Les Arabes israéliens sont les Arabes les mieux éduqués au monde, avec les meilleurs niveaux de vie et les meilleures chances dans la région. Des Arabes officient à la Cour Suprême.

Quelques-uns des meilleurs Docteurs en Israël sont Arabes, exerçant dans presque tous les hôpitaux du pays. Il y a 13 Arabes membres du Parlement, qui apprécient de pouvoir critiquer le gouvernement – un droit dont ils usent au maximum – protégés par la liberté de parole. Des Arabes gagnent des spectacles de téléréalité. Vous pouvez même trouver des Arabes diplomates – et l’un d’entre eux est là, devant vous… Lire la suite.