Tribune
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Publié le 26 Juin 2015

Ceux qui boycottent les produits israéliens…

Un petit argumentaire pour résumer la situation.
 

Par Marc Knobel, Chercheur, Directeur des Etudes du CRIF
Les militants du BDS disent qu’ils se limitent au boycott des produits issus des territoires. Ils mentent !
Après la codification et la légalisation de l'Apartheid en Afrique du Sud (1948), le boycott des fruits sud-africains en vente à l'étranger a été suivi avec persistance. Il ne s'agissait pas, cependant, de perturber de façon grave l'économie sud-africaine, basée en large mesure sur l'or et les diamants, ni d'avoir comme but précis (pour reprendre la phrase de Robert Ecuey) « la disparition de l'Etat de l'Afrique du Sud ». Il s'agissait de stimuler la création du climat mondial de réprobation, mépris et colère, qui a contribué à isoler le gouvernement sud-africain. C’est ce qui a permis d'arriver ensuite à la concrétisation des sanctions, décidées par l'OPEP, par le gouvernement japonais, par les Nations Unies, par le Congrès étasunien, etc. Jusqu'à la fin du régime de l'Apartheid en 1992.
C’est cette campagne qui inspire le stratège palestinien Omar Barghouti. Son argumentation s’appuie sur le modèle du boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. Selon lui, la lutte pour l’abolition de l’Apartheid peut effectivement servir de référence à la lutte actuelle pour la Palestine.
Par ailleurs, il faut mentionner que les délégués internationaux réunis au Caire pour la Marche 2009 pour Liberté de Gaza, dans une réponse collective à une initiative de la délégation sud-africaine, ont statué que :
Il faut une approche unitaire systématique pour le boycott des produits israéliens, associant les consommateurs, les travailleurs et leurs syndicats dans le commerce de détail, l’entrepôt et les transports ;
Il faut développer le boycott académique, culturel et sportif ;

Enfin, il faut mentionner que dans une synthèse publiée le 23 juin 2010 par la Campagne Civile pour la Protection du Peuple Palestinien, le dénommé Omar Alsoumi explique que : « Il est impossible dans un très grand nombre de cas de faire la différence entre de produits des colonies et les autres produits israéliens (…) Et, tant que les consommateurs ne pourront faire la différence entre les produits de la colonisation et les autres, l’appel au boycott de l’ensemble des produits israéliens s’imposera. »
Les militants du BDS disent que leur démarche est pacifique. Ils mentent !
Imaginez cette scène : des individus affublés de teeshirt avec l’inscription « Boycott Israël » ou « Palestine vaincra » investissent votre magasin.
Au préalable, les militants ont repéré les produits israéliens, vendus dans vos rayonnages et qui portent le code 729 (pour Israël).
Ils savent donc où aller.
Alors, un matin, les militants exigent de voir le directeur de cette (votre ?) grande surface, ils distribuent des tracts, ils scandent des slogans anti-israéliens et accostent les clients.
Bref, leur effraction constitue un trouble à l’ordre public, car il peut y avoir des violences, tant physiques que verbales. Les clients auront peur et cela fait désordre. 
 Les militants du BDS disent que boycotter les produits israéliens est un geste de paix. Ils mentent !

Au-delà d'une infraction pénale, le boycott promu par la campagne BDS est une hérésie morale.
Il s'agit de réinstaurer au XXIe siècle une punition disparue depuis des millénaires dans nos sociétés : la "punition collective".
Par ailleurs, ils importent le conflit israélo-palestinien en France, alors que cette démarche -bien souvent- communautaire est extrêmement dangereuse et d’une absurdité sans nom.
Bref, ce qu’ils font est totalement contre-productif et ne sert pas les intérêts de la paix.
Les militants du BDS évoquent la liberté d’expression. Ils mentent !
Le 3 octobre 2002, au cours d’une réunion du conseil municipal de sa ville et en présence de journalistes, Jean-Claude Willem maire communiste de la commune de Seclin (nord de la France) annonce son intention de demander à ses services de boycotter les produits israéliens sur le territoire de sa commune. Il affirme avoir pris cette décision pour protester contre la politique menée par le gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien. Des représentants de la communauté juive du département du Nord déposent alors une plainte auprès du ministère public qui décide de poursuivre le requérant pour provocation à la discrimination nationale, raciale et religieuse, sur le fondement des articles 23 et 24 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881. Relaxé par le tribunal correctionnel de la ville de Lille, M. Willem est condamné en appel le 11 septembre 2003 à une amende de 1.000 euros. Son pourvoi en cassation est rejeté.
Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme communique le 16 juillet 2009 par écrit son arrêt de chambre dans l’affaire Willem c. France (requête no 10883/05, introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme, le 17 mars 2005) concernant la condamnation du maire de Seclin pour avoir incité au boycott de produits israéliens.
M. Willem a estimé que son appel au boycott s’inscrivait dans un débat politique portant sur le conflit israélo-palestinien et relevant sans conteste de l’intérêt général. Sa condamnation constituerait par conséquent et selon lui une violation de sa liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention. Seulement, la Cour conclut, par six voix contre une, à la non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour relève que l’ingérence dans la liberté d’expression du requérant est prévue par la loi, car elle se fonde sur les articles 23 et 24 de la loi de 1881 sur la presse, et qu’elle est motivée par un but légitime, celui de protéger les droits des producteurs israéliens. Elle rappelle que pour qu’une ingérence dans la liberté d’expression, notamment d’un élu, soit conforme à la Convention, il faut qu’elle soit « nécessaire dans une société démocratique ». A l’instar des juridictions françaises, la Cour constate que M. Willem n’a pas été condamné pour ses opinions politiques mais pour avoir incité à un acte discriminatoire. La Cour note également que, selon le droit français, le requérant ne peut se substituer aux autorités gouvernementales pour décréter le boycott de produits provenant d’une nation étrangère et, par ailleurs, que la peine infligée est d’une relative modicité. Elle conclut par conséquent que l’ingérence litigieuse est proportionnée au but légitime poursuivi et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10.
 Les militants du BDS parlent de l’arrêt du 25 février 2010 de la Cour européenne de justice qui affirmerait que les produits des implantations ne peuvent légalement prétendre aux exonérations de taxes douanières permises par les accords U.E/Israël. Ils oublient que… !
Il est intéressant de connaitre l'argumentation adverse et notamment ce qu'ils croient pouvoir tirer de l'arrêt dit Brita, explique Maître Marc Lévy.
Nous reproduisons ci-dessous le dispositif de cet arrêt qui ne dit pas ce qu'ils prétendent, mais simplement que les Etats européens peuvent refuser le bénéfice de l'accord UE-Israël qui dispense les importations israéliennes dans l'UE de droit de douane, aux marchandises issues de Cisjordanie. Cet arrêt indique également que les autorités douanières de l’Etat d'importation ne sont liées par la preuve d’origine fournie par Israël que si l'origine réelle des produits est indiquée. "L'Avis aux importateurs" reproduit ci-dessous montre qu'il suffit que soit mentionné sur la facture "le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production".
Arrêt BRITA :
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) Les autorités douanières de l’Etat membre d’importation peuvent refuser d’accorder le bénéfice du traitement préférentiel instauré par l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’Etat d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995, dès lors que les marchandises concernées sont originaires de Cisjordanie. En outre, les autorités douanières de l’Etat membre d’importation ne peuvent pas procéder à un concours de qualifications en laissant ouverte la question de savoir lequel, parmi les accords entrant en ligne de compte, à savoir l’accord d’association euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’Etat d’Israël, d’autre part, et l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997, est d’application en l’espèce et si la preuve de l’origine devrait émaner des autorités israéliennes ou des autorités palestiniennes.
2) Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 32 du protocole n° 4 annexé à l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’Etat d’Israël, d’autre part, les autorités douanières de l’Etat d’importation ne sont pas liées par la preuve d’origine présentée et par la réponse des autorités douanières de l’Etat d’exportation lorsque ladite réponse ne comporte pas de renseignements suffisants au sens de l’article 32, paragraphe 6, de ce protocole pour déterminer l’origine réelle des produits. En outre, les autorités douanières de l’Etat d’importation ne sont pas dans l’obligation de soumettre au comité de coopération douanière instauré par l’article 39 dudit protocole un différend portant sur l’interprétation du champ d’application territorial dudit accord.
AVIS AUX IMPORTATEURS (publié au Journal Officiel de lU.E.)
Importations effectuées d'Israël dans la Communauté
(2005/C 20/02)
Dans un avis précédent, publié le 23 novembre 2001 dans le Journal officiel des Communautés européennes
C 328 (page 6), les opérateurs communautaires présentant des preuves documentaires de l'origine afin d'obtenir un régime préférentiel pour des produits originaires de colonies de peuplement israéliennes implantées en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, à Jérusalem-Est ou sur les hauteurs du Golan étaient informés que la mise en libre pratique de ces marchandises pouvait faire naître une dette douanière. Selon la Communauté, les produits obtenus dans les territoires placés sous administration israélienne depuis 1967 ne leur ouvrent pas le bénéfice du régime préférentiel défini dans l'accord d'association UE Israël.
L'attention des opérateurs est attirée sur le fait qu'à compter du 1er février 2005, tous les certificats de circulation EUR.1 et les déclarations sur facture établis en Israël porteront le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production conférant le statut d'origine. Cette indication permettra de réduire considérablement le nombre de cas pour lesquels il existe des doutes raisonnables quant au statut d'origine des produits importés d'Israël. Il est porté à la connaissance des opérateurs présentant des preuves d'origine préférentielles au titre de l'accord d'association UE-Israël que le régime préférentiel sera refusé aux produits pour lesquels la preuve d'origine indique que la production conférant le statut d'origine a eu lieu dans une ville, un village ou une zone industrielle placé sous administration israélienne depuis 1967.
Le présent avis remplace celui de novembre 2001 à compter du 1er février 2005.
C 20/2 FR Journal officiel de l'Union européenne 25.1.2005
(1) JO L 147 du 21.6.2000, p. 3.