Tribune
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Publié le 10 Juillet 2015

20 ans après Srebrenica, qu'avons-nous appris?

Un génocide est toujours le prélude à un autre génocide.
 
Par Benjamin Abtan, Président du Mouvement Antiraciste Européen EGAM, publié dans le Huffington Post le 10 juillet 2015
 
Il y a vingt ans, le 11 juillet 1995, les forces nationalistes serbes menées par le général Ratko Mladić entamaient le massacre systématique de plus de 8000 hommes et adolescents bosniaques. Le génocide de Srebrenica, reconnu comme tel par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, se déroulait ainsi pendant trois jours au cœur de l'Europe, dans la "zone de sécurité" garantie par l'ONU.
 
D'un génocide, l'autre
 
Un génocide est toujours le prélude à un autre génocide.
 
Les très hauts dirigeants politiques et militaires français qui ont soutenu les nationalistes serbes jusqu'à l'élection de Jacques Chirac en mai 1995 ont collaboré avec le régime génocidaire au Rwanda avant, pendant et après le génocide contre les Tutsis en 1994. Entre certains individus alors placés au plus haut niveau de l'appareil d'État français, le Régime de Vichy constituait un lien aussi discret que puissant. Les États-Unis ont longtemps laissé faire en Bosnie comme ils avaient laissé faire au Rwanda. L'ONU quant à elle, après avoir fui le Rwanda au moment du déclenchement du génocide, laissait se dérouler l'épuration ethnique et le siège de Sarajevo. Les casques bleus néerlandais repoussèrent même les réfugiés bosniaques venus chercher asile dans leur camp pour éviter la mort à Srebrenica, et observèrent sans ciller les escadrons de la mort serbes séparer sous leurs yeux les femmes des hommes et des adolescents, dernière étape avant leurs exécutions.
 
Aujourd'hui, alors que des centaines de milliers de Syriens se font massacrer, que les Tamouls ont été exterminés au Sri Lanka, que Boko Haram multiplie les massacres au Nigéria, que Daech réalise une épuration ethnique et religieuse, nous savons que ces crimes de masse sont non seulement insupportables en soi, mais qu'en plus ils en annoncent d'autres.
 
Qu'avons-nous appris de Srebrenica si nous laissons se dérouler sous nos yeux ces massacres sans tout faire pour les arrêter?
 
L'indifférence qui tue
 
L'indifférence qui a permis, au cœur de l'Europe, l'épuration ethnique dont Srebrenica a été l'acmé continue de progresser.
 
Chaque année, des dizaines milliers de personnes risquent leur vie et souvent la perdent, notamment en Méditerranée, pour fuir des régimes dictatoriaux, des persécutions, la misère, et tenter de rejoindre notre continent où ils espèrent pouvoir construire une vie meilleure.
 
L'attitude des États européens à leur égard est criminelle: ils continuent à adopter des politiques en sachant lucidement qu'elles aboutiront nécessairement à des milliers de morts.
 
Qu'avons-nous appris de Srebrenica si nous laissons l'égoïsme et l'indifférence l'emporter, si nous faisons le choix de laisser l'hécatombe se poursuivre à quelques centaines de kilomètres, parfois quelques mètres, de nous?
 
Pour que les paroles immanquablement prononcées lors des commémorations ne sonnent pas creux, il nous faut combattre cette indifférence et, dès maintenant, ouvrir nos frontières aux réfugiés... Lire l'intégralité.