Lu dans la presse
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Publié le 16 Mars 2020

Terrorisme/Extrême-droite - En Nouvelle-Zélande, les radicaux d’extrême droite tapis dans l’ombre un an après Christchurch

La police a dû renforcer sa présence autour des mosquées de la ville meurtrie. 51 personnes avaient été assassinées dans l’attentat du 15 mars 2019.

Publié le 14 mars dans Le Monde

La cérémonie d’hommage national qui devait se tenir, dimanche 15 mars, à Christchurch, un an après le massacre commis par le suprémaciste blanc Brenton Tarrant, dans deux mosquées de la ville, a été annulée, samedi, par mesure de précaution en raison de la situation sanitaire. La Nouvelle-Zélande compte six cas de Covid-19. Cette commémoration, au cours de laquelle des milliers de personnes devaient rendre hommage aux 51 victimes, aurait dû se dérouler sous haute sécurité. Les militants d’extrême droite, bien que peu nombreux, restent actifs dans l’archipel où ils sont désormais très surveillés.

Début mars, la police a annoncé avoir renforcé ses patrouilles autour des mosquées de Christchurch après que l’un d’eux a posté sur l’application cryptée Telegram un message particulièrement menaçant à l’encontre des fidèles. Son auteur présumé, Sam Brittenden, un ancien étudiant en droit, a été arrêté le 4 mars.

« C’est leur 11-Septembre »

Le jeune homme de 19 ans appartient à Action Zealandia, un groupe apparu à l’été 2019 et qui est devenu l’un des plus connus du pays suite à une série d’incidents impliquant ses militants. Sous le slogan « construire une communauté pour les Néo-Zélandais européens », il promeut la théorie du « grand remplacement » selon laquelle les immigrés se substitueraient progressivement aux peuples dits « de souche ». Un discours partagé par de nombreux activistes dans le monde dont Brenton Tarrant. Dans un manifeste publié sur Twitter, peu avant le carnage, il avait défendu une idéologie mêlant suprémacisme, racia­lisme, ethno­nationalisme et éco­ fascisme. Poursuivi pour 92 chefs d’accusation, il doit être jugé à partir du 2 juin.

« Les menaces dont nous faisons l’objet de la part de l’extrême droite ne sont pas nouvelles, nous alertons les autorités depuis des années, affirme Anjum Rahman, coordinatrice nationale du Islamic Women’s Council. Cela nous rassure que la police ait été aussi réactive cette fois-ci. » La responsable de l’organisation a témoigné devant la commission d’enquête royale qui doit déterminer si les services de police et de renseignements auraient pu faire davantage pour prévenir l’attaque. Elle rendra ses conclusions fin avril. Selon les premières informations, les différents services ne connaissaient pas le tueur australien, qui avait beaucoup voyagé avant de s’établir en Nouvelle-Zélande. « Il y a eu une grave défaillance de nos renseignements. C’est leur 11-Septembre », analyse Alexander Gillespie, professeur de droit à l’université de Waikato.

Signalements de la population

Depuis, le service de renseignement intérieur néo-zélandais affirme avoir travaillé sans relâche pour « passer en revue tout ce que nous savions sur les groupes d’extrême droite ». Dans les trois mois ayant suivi les fusillades, il a également reçu le soutien de la population qui lui a adressé 455 signalements, dont la plupart en lien avec des propos « racistes, nazis, identitaires ou suprémacistes ». Alors qu’avant l’attaque, tous les regards étaient tournés vers la menace terroriste islamiste, les Néo-Zélandais sont plus attentifs à celle provenant des suprémacistes blancs. « Selon mes calculs, il y a aujourd’hui entre 150 et 300 individus très idéologisés », estime Paul Spoonley, vice-chancelier de l’université Massey, spécialiste de cette mouvance. « Les chiffres ont peu évolué depuis l’année dernière. Je suis davantage préoccupé par le nombre de personnes autoradicalisées sur la Toile – qui passent totalement sous les radars – et qui, lui, pourrait être en augmentation. »

L’Australie partage ces inquiétudes. « Des loups solitaires (…) peuvent planifier et mener une attaque terroriste de manière isolée, mais ils peuvent se sentir validés et inspirés par une communauté d’extrême droite en ligne », a expliqué, début mars, Mike Burgess, chef du service de renseignement intérieur australien, à Weekend Australian. Le 24 février, il avait mis en garde contre une « menace réelle qui grandit ». Il déclarait alors, « dans des quartiers australiens, de petites cellules se rencontrent régulièrement pour saluer le drapeau nazi, inspecter des armes, s’entraîner au combat et partager leur idéologie de haine ». Selon Nicholas Folkes, l’une des figures de l’extrême droite australienne, « c’est exagéré, mais il est vrai qu’il y a de plus en plus de jeunes hommes intéressés par nos idées ».