Le CRIF en action
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Publié le 7 Novembre 2007

Exodus, cet «Auschwitz flottant»


Otto Preminger en a fait une épopée pour le septième art, Bob Marley une revendication militante, les Anglais, cette définition cynique et sordide.
60 ans plus tard, qu’est-ce que l’histoire retient de l’aventure dramatique de l’Exodus ?
Pierre Besnainou, co-président de l’AUJF et du FSJU, Régine Konckier, présidente de campagne de l’AUJF, et Richard Prasquier, président du CRIF, ont fait le pari d’emmener avec eux plus de trois cent personnes pour lire l’une des dernières pages qui précède la création d’Israël comme Etat.
Shaul Avigor en est le rédacteur invisible. En 1947, à la tête de l’immigration clandestine pour l’Alyah Beth (organisation de la seconde vague d’émigration juive en Palestine britannique) et de l’organisation secrète « Nativ », un réseau d’espionnage actif en Union soviétique et derrière le rideau de fer, il donne l’ordre à Yossi Harel d’acheminer ce tas de rouille qu’est le Président Warfield depuis le Panama sur les côtes françaises ainsi que celui de le nommer Exodus.
Le commandant de l’Exodus en personne a consacré plusieurs heures à la mission de solidarité au cours desquelles il a raconté la véritable histoire de cette errance sans fin ; un bras de fer entre l’Empire le plus puissant des mers et un peuple aux pieds nus.
Il a souligné le rôle déterminant de la France dont les autorités ont autorisé contre la volonté des Anglais l’embarquement de plus de 4500 juifs rescapés des camps ou des persécutions à bord du navire, validé des faux passeports sous un œil complaisant et, sans qui l’aventure de l’Exodus aurait pris fin là où elle a commencé, à Port de Bouc, près de Marseille. La France a également proposé l’asile aux réfugiés juifs que les Anglais, sans hésiter, ont voulu renvoyer dans une partie de l’Allemagne sous contrôle de la Couronne, sans jamais céder à la pression de « l’ennemi héréditaire », fidèle en ce sens à l’invention des Lumières ; le droit des peuples à disposer d’eux même, commandement laïc qui a inspiré les inventeurs du sionisme politique presque 100 ans plus tôt.
Cette approche a été également rappelée lors d’une rencontre à Tel-Aviv avec le président de l’Etat d’Israël, Shimon Pérès, qui a rendu hommage à la France en rappelant la force des relations entre les deux pays. Lors d’un dîner il a rencontré tous les participants du voyage et a salué très chaleureusement l’entreprise de l’AUJF du FSJU et du CRIF et de l’Agence juive en qualifiant ce déplacement d’historique.
Le séjour, parfaitement orchestré par les équipes professionnelles de l’AUJF et du FSJU, a rencontré le succès escompté.
Les participants ont pris l’avion de Paris à Larnaca Mercredi 31 octobre et embarqué à bord d’un navire israélien, cap sur Haïfa, dans le sillage de l’Exodus. Le Maire de la ville, Yona Yahav, les a accueillis au petit matin du 1er novembre sous un soleil radieux et avec une grande hospitalité. Parmi les participants figuraient, pour le CRIF, Edwige Elkaïm (co vice-présidente de la commission Femmes dans la Cité, Transmission et Education) et Emmanuelle Bensimon-Weiler membres du Comité directeur, par ailleurs membre du bureau exécutif du FSJU. Claudia de Benedetti, représentait la communauté transalpine et José Oulman Carp, la communauté juive Portugaise. L’historien et journaliste Alexandre Adler était également du voyage. De nombreux membres de la commission du souvenir du CRIF et de la Fédération des Fils et Filles des Déportés Juifs de France ont répondu à l’appel, mais aussi des combattants du Palmach ainsi qu’un résistant juif des Forces Françaises Libres.
L’objectif du programme était de donner à la mission de solidarité une dimension pédagogique et politique en repassant chaque étape du périple du bateau cage, qui illustre à lui seul la lutte à mort qui a opposé les sionistes aux britanniques et les répercussions dans le monde occidental de l’après guerre du sort fait aux juifs après Auschwitz. L’opinion publique s’est sensibilisée à la question des réfugiés et la pression n’a cessé d’augmenter jusqu’en novembre 1947, lors de la partition de la Palestine par l’ONU.
Il est net que l’aventure de l’Exodus, au delà du mythe, a été décidée par les services secrets de la Haganah pour réaliser un ultime coup de force qui forcerait les Anglais à céder devant l’opinion internationale et accepter l’immigration juive en Palestine.
Des camps de la mort aux camps de détention comme celui d’Atlit, près de Haïfa, certains juifs d’Europe auront connu près de cinq années d’internement avant que leur vie ne soit plus réduite à une dimension biologique.
Aujourd’hui comme hier l’Etat d’Israël se préoccupe d’intégrer des immigrants, notamment des Juifs venus d’Ethiopie en assurant aux enfants et aux jeunes gens des formations professionnelles. Les participants de la Mission Exodus ont visité un centre d’apprentissage, participé à la Bar Mitsvah d’une cinquantaine d’enfants et rencontré des adolescents intellectuellement précoces. La diversité des origines des habitants d’Israël a pu aussi être vérifiée lors d’un déjeuner très convivial dans un village Druze, situé près du Mont Carmel. Deux jeunes filles druzes ont expliqué leur foi issue de l’Islam médiéval, si secrète et méconnue, religion dépourvue de toute revendication territoriale et servant l’Etat au même titre que les habitants juifs.
La voix de Tsahal a été entendue par le biais d’un haut responsable d’une unité médicale, le commandant Yehouda David, qui s’est battue lors de la dernière guerre contre le Hezbollah libanais.
Sans la pression de l’opinion internationale, il semblerait que cette armée terroriste aurait été totalement annihilée, malgré les pertes importantes dans les rangs de l’armée de défense d’Israël.
Pierre Besnainou, Régine Konckier et Richard Prasquier, par cette initiative sans précédent, ont délivré un message de soutien inconditionnel au peuple d’Israël bien supérieur aux querelles politiques qui entourent cet Etat, à jamais controversé, et ont fait un pas de plus dans les relations entre Israël et la France. Hier encore, lorsque tout n’était qu’incertitude, des hommes pour qui la vie humaine a plus de poids que les intérêts politiques qui bafouent les droits inaliénables ont élevé leurs voix. L’écho a retenti au cœur de la République. Ses habitants, aujourd’hui, sont venus dire aux Israéliens que la France, forte de son histoire, les soutient, par conviction, par esprit de justice et par amour pour la liberté.
S.D