English
Français
Crédit photo : ©Alain Azria
La première table ronde sur « la transmission intergénérationnelle du traumatisme de la Shoah : que peut-on en dire aujourd’hui ? » a réuni plusieurs spécialistes pour analyser ce phénomène sous divers angles. Le Docteur Bruno Halioua a mis en lumière l’impact biologique et épigénétique du traumatisme, expliquant la vulnérabilité accrue des enfants des survivants au stress et à l’état de stress post-traumatique (ESPT). Le Docteur Gérard Shadili a étudié la charge émotionnelle associée à l’attribution d’un prénom de victime de la Shoah aux enfants de survivants, tandis que le Docteur Muriel Vaislic a analysé les comportements alimentaires hérités des privations vécues par leurs parents. Le Docteur Leslie Sulimovic a exploré l’impact du traumatisme sur les petits-enfants de survivants de la Shoah, révélant un mélange de vulnérabilité et de résilience dans leur rapport à la mémoire familiale. Enfin, le Docteur Patrick Bantman a souligné l’importance du travail psychothérapeutique pour intégrer cette mémoire et favoriser la résilience.
Cette table ronde, organisée le 30 janvier 2025 à l’Académie de Médecine de Paris et modérée par Éric Ghozlan, Directeur Général de l’œuvres de secours aux enfants (OSE), a permis d’approfondir les mécanismes de transmission transgénérationnelle du traumatisme de la Shoah.
Le Docteur Bruno Halioua, coordonnateur du Groupe de Recherche sur les Survivants de la Shoah et membre de la Commission du Souvenir du Crif, a exposé les impacts des traumatismes de masse sur les descendants des survivants de la Shoah (ESDS). Il a insisté sur la complexité des résultats des recherches scientifiques, mettant en avant les modifications épigénétiques qui expliquent une vulnérabilité accrue au stress et à l’ESPT parental. Il a souligné la nécessité d’élaborer des stratégies de prévention adaptées.
Le Docteur Gérard Shadili, pédopsychiatre à l’Institut Mutualiste Montsouris, a examiné l’impact psychologique de l’attribution d’un prénom de victime de la Shoah aux ESDS. Son étude a montré que cette pratique, bien qu’honorant la mémoire des disparus, pouvait engendrer un sentiment inconscient de responsabilité et de « remplacement » des défunts, générant une pression émotionnelle importante sans pour autant être directement associée à des troubles psychiatriques.
Le Docteur Muriel Vaislic, endocrinologue et nutritionniste, a analysé les comportements alimentaires des ESDS en lien avec la souffrance de la faim vécue par leurs parents survivants. Ses recherches ont révélé une tendance au stockage excessif de nourriture, une difficulté à jeter des aliments, et une forte attache aux traditions culinaires familiales, illustrant ainsi la persistance des privations passées dans les habitudes alimentaires des générations suivantes.
Le Docteur Leslie Sulimovic, pédopsychiatre à l’Institut Mutualiste Montsouris, a étudié l’impact du traumatisme de la Shoah sur la troisième génération (3G), mettant en évidence la transmission du traumatisme sous des formes plus subtiles. Bien que l’effet biologique du traumatisme diminue avec le temps, l’impact psychologique reste fort, avec une volonté marquée des petits-enfants de survivants de préserver la mémoire familiale et de s’engager dans des causes sociales et humanitaires.
Le Docteur Patrick Bantman, psychiatre et psychanalyste, a expliqué comment les traumatismes psychiques se transmettent non seulement par le langage, mais aussi par le silence et les non-dits familiaux, créant ainsi des « fantômes » transgénérationnels. Il a insisté sur l’importance de la psychothérapie pour transformer ces mémoires en récits intégrés, favorisant ainsi la résilience et la reconstruction identitaire des descendants. Il a conclu en rappelant l’importance de comprendre et d’accepter cet héritage, citant Freud : « Ce que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour le posséder ».
Ce colloque a permis d’apporter un éclairage approfondi sur l’impact durable de la Shoah sur plusieurs générations, en mettant en évidence les interactions complexes entre biologie, psychologie et mémoire collective. Il souligne également la nécessité de poursuivre les recherches et d’adapter les prises en charge thérapeutiques pour accompagner les descendants dans l’élaboration de leur héritage traumatique.
Docteur Bruno Halioua
Vous pouvez voir ou revoir cette table-ronde en intégralité :
Vous pouvez également revoir l’intégralité du colloque :
Partie 1
Partie 2
À lire aussi :