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Publié le 4 Décembre 2024

Le Crif en action – « 3 jours pour la mémoire » à Bordeaux : Jour 2

La troisième édition des « 3 jours pour la mémoire » initiés par le Crif Bordeaux-Aquitaine s’attachent à explorer les thèmes essentiels liés à la mémoire de la Shoah. Chaque soirée est dédiée à un aspect différent : un épisode ou un lieu spécifique, un regard plus générique sur cette tragédie, un destin particulier. Le deuxième jour, cette année, a été consacré à une réflexion sur le présent et l’avenir des Juifs après la Shoah et sur les nouvelles formes d’antisémitisme : « Les nouveaux visages de l’antisémitisme : de 1945 à nos jours ».

Mardi 26 novembre

 

Jour 2/ Les nouveaux visages de l’antisémitisme : de 1945 à nos jours

 

Mardi 26 novembre 2024, en présence du réalisateur Jonathan Hayoun et de la co-autrice Judith Cohen Solal, le quatrième volet du documentaire sur l’Histoire de l’antisémitisme : récit de deux millénaires d’intolérance et de persécution à l’égard des juifs, a été projeté devant près d’une centaine de personnes.

Dans l’assistance se trouvaient de nombreux représentants d’associations dont le Comité Sousa Mendes et les Amitiés Judéo-Chrétiennes ainsi que des représentants et chercheurs de l’Université Bordeaux Montaigne et de l’IRHT-CNRS.

Produite par Simone Harari Baulieu, que l’on remercie de nous l’avoir mise à disposition, commandée et projetée par Arte, cette série retrace en quatre épisodes, l’histoire de l’hostilité envers les Juifs depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, des bords de la Méditerranée à ceux de la Volga, de la péninsule espagnole aux forêts polonaises. Elle explore les multiples facettes et les évolutions de cette histoire, grâce à un riche corpus d’archives, des traces laissées à travers le monde et de reconstruction historique en s’appuyant sur l’expertise d’historiens, de sociologues et de psychanalystes.

Le quatrième volet s’ouvre sur le constat qu’après la Shoah l’antisémitisme n’a pas disparu, comme le démontre le pogrom de Kielce en Pologne, où les rescapés des camps ont été massacrés.

La diffusion du dernier épisode L’antisémitisme de 1945 à nos jours, a lancé un débat intéressant et permis de s’interroger sur l’enracinement de l’antisémitisme et ses mutations, le rôle et la responsabilité des partis politiques et des médias, l’impact des réseaux sociaux, l’acuité de la haine depuis le 7-Octobre.

Judith Cohen Solal et Jonathan Hayoun ont évoqué la genèse de leur enquête documentaire et ont expliqué leur démarche et leurs choix pour raconter la continuité de l’hostilité envers les Juifs et établir le basculement entre un antijudaïsme religieux et un antisémitisme politique et raciste.
La première manifestation de violence antijuive documentée a été le pogrom d’Alexandrie en l’an 38.

Jusqu’au Moyen-Âge s’est développé chez les chrétiens comme chez les musulmans un antijudaïsme théologique. L’accusation de crime rituel est apparue en Angleterre en 1144 dans les écrits d’un moine chrétien et s’est étendu en Europe. Les croisades ont apporté le mythe du peuple déicide qui est devenu une croyance populaire. Le Juif est dès lors assimilé au diable ; et dans l’iconographie antijuive, avec ses caractéristiques corporelles (qui s’est développée dans l’art chrétien notamment), on retrouve l’origine du « nez juif ». À chaque époque les prêcheurs de haine ont recyclé des préjugés enracinés dans des siècles d’imagerie. Leur circulation a permis de voir dans certains pays « un antisémitisme sans juif ».

L’antisémitisme résulte donc d’une construction à travers les siècles jusqu’à sa permanence et ses résurgences inquiétantes qui prennent de nouveaux visages : négationnisme, antisionisme et même un antisémitisme au nom de l’antiracisme.

L’influence de l’idéologie woke et des courants décolonialistes qui traversent particulièrement l’école et les universités a été évoquée et paraît d’autant plus redoutable que les étudiants ont souvent une profonde méconnaissance de l’Histoire.

Le récent sondage de l’Ipsos commandé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) dresse un état des lieux préoccupant : 64 % des Français considèrent qu’il existe des raisons d’avoir des craintes de vivre en France quand on est juif, 50 % des Français déclarent qu’Israël leur évoque quelque chose de négatif et seuls 3 % des Français n’adhèrent à aucun des 16 préjugés antisémites testés.
Le discours actuel de l’extrême droite ne peut éclipser son héritage idéologique marqué par un nationalisme xénophobe et la diffusion de thèses complotistes et révisionnistes.
À l’extrême gauche, sous couvert d’un antisionisme radical, on observe trop souvent l’hystérisation du débat public où la critique légitime de la politique israélienne bascule vers des déclarations et des positions ambivalentes, voire délibérément antisémites. Des figures de La France insoumise (LFI) contribuent ouvertement à un climat de polarisation excessive, à la banalisation des discours antisémites dans le débat public et à l’exacerbation des tensions sociales.

 

 

Albert Massiah, président du Crif Bordeaux-Aquitaine, a conclu sur le rappel des responsabilités partagées, la persistance des idéologies antisémites favorisée par les nouvelles technologies, et sur l’importance de la préservation et de la transmission de la Mémoire pour prévenir la banalisation des discours. « Notre vigilance doit être constante, non seulement dans les sphères politiques et publiques mais aussi dans nos interactions quotidiennes. […] Lutter contre l’antisémitisme aujourd’hui nécessite une action collective et innovante. Qu’il s’agisse de législation, d’éducation, de régulation des plateformes numériques, ou de débats politiques responsables, notre engagement doit s’adapter aux défis contemporains. »

Avant de clôturer la soirée il a annoncé la dernière conférence consacrée à un travail de mémoire réalisé par des étudiants et leurs enseignants de Science Po Bordeaux et de l’Université Bordeaux Montaigne et de l’IRHT-CNRS pour inscrire dans l’espace public l’histoire des victimes de la Shoah par la pose de Stolpersteine.

Un temps de dédicace de la bande dessinée Joseph Kessel L’indomptable et de l’essai La main du diable a ouvert un temps d’une rencontre informelle et sympathique.

 

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