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Publié le 23 Juillet 2024

Le Crif en action – Marseille : Commémoration de la rafle du Vél d’hiv et hommage aux Justes de France

Dimanche 21 juillet 2024, s’est déroulée la cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France sur la place du 23 janvier 1943 à Marseille. Le Crif Marseille Provence et sa Présidente Fabienne Bendayan, étaient présents lors de cette commémoration.

Pour ne pas oublier les crimes racistes et antisémites et en hommage aux rafles des 16 et 17 juillet 1942, où près de 13 000 femmes, hommes et enfants juifs furent arrêtés par la police française et enfermés au Vélodrome d’Hiver à Paris avant d’être déportés.

 

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À l’invitation du Préfet de Région Christophe Mirmand, étaient présents aux côtés du Crif Marseille Provence, le Préfet de Police des Bouches-du-Rhône Pierre-Édouard Colliex, le Président du Consistoire Israélite de Marseille, Michel Cohen-Tenoudji, le Président du FSJU, Lionel Stora, ainsi que les représentants de la République, dont le Général David Galtier représentant Renaud Muselier, Président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, et Martine Vassal, Présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et Présidente de la Métropole Aix-Marseille- Provence et  Lisette Narducci représentant, Benoît Payan, Maire de Marseille.

 

 

 

Un moment solennel ponctué de discours et de dépôts de gerbes pour ne pas oublier.

La Présidente du Crif Marseille-Provence, Fabienne Bendayan, a prononcé un discours fort à l’occasion de cette commémoration, rappelant notamment l’importance de se souvenir et de transmettre la mémoire des souffrances des camps et de ne rien occulter. « Cette cérémonie commémorative trace hélas un lien tragique entre le passé et le présent. »

 

 

 

 

Discours de Fabienne Bendayan, Président du Crif Marseille-Provence à l’occasion du la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France

 

« Mesdames et Messieurs les élus de la République,
Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents d’associations de Déportés et Résistants,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et religieuses,
Mesdames et messieurs,

1942 ! Joseph a 11 ans !
Chaque matin il se rend à l’école, une étoile jaune cousue sur sa poitrine !
Entre mépris, discriminations et exclusions, il vit dans Paris occupé jusqu’à ce matin du 16 juillet où sa vie bascule… !
C’est la Rafle !
Ce jour-là il est projeté dans un monde absurde et cruel qui lui nierait à tout jamais toute humanité,

Les 16 et 17 juillet, 12 884 Juifs sont arrêtés par la police française : 4 115 enfants seront enfermés dans l’enceinte sportive du Vél d’Hiv dans des conditions insoutenables.
Brutalement séparés de leurs parents, ils seront d’abord laissés sur place dans une affreuse détresse ;
Dans une chaîne infernale au service d’une idéologie perverse, ils subiront déportations, humiliations, tortures, exécutions.
Mesdames et messieurs,
Notre mémoire collective scelle notre destinée à celle de notre nation.
Alors aujourd’hui souvenons nous que l'Humanité a été effacée par les pouvoirs de l'époque appelant et organisant la déportation.
Souvenons-nous que la rencontre entre Hitler et Pétain à Montoire le 24 octobre 1940 marque symboliquement le début de la collaboration d’État entre le gouvernement de Vichy et l’Allemagne nazie.

Souvenons-nous que les grandes rafles ont été organisées avec le concours du gouvernement de Vichy et des forces de l’ordre françaises.

Souvenons-nous que la déportation des enfants, qui n’est pas initialement exigée par les Allemands, est proposée par le chef du gouvernement de Vichy, Pierre Laval au prétexte qu’il fallait se débarrasser d’enfants devenus des orphelins encombrants et embarrassants, 

Se souvenir c’est transmettre la mémoire des souffrances et des camps et ne rien occulter de ces heures sombres de « ces heures noires qui ont souillé à jamais notre histoire et qui sont une injure à notre passé et nos traditions ».  

Cette cérémonie commémorative trace hélas un lien tragique entre le passé et le présent, un présent déchiré et assombri par la nuit du 7 octobre.

16 juillet 1942, 7 octobre 2023 sont deux dates qui sont juste séparées par le trait d’union chaotique de l’antisémitisme.

À l’instant de cette évocation se bousculent dans mon esprit, triste et ému, les images sidérantes du pogrom : violence extrême, et cruauté atroce !
Il était six heures et le Hamas lança, par surprise, une attaque massive et odieuse, le plus grand massacre antisémite de notre siècle.
1 140 personnes, essentiellement des civils, assassinées !
250 autres enlevées dont 120 sont encore retenus otages entre les mains du Hamas.
Le règne de l’horreur, la résurgence de l’enfer !
Aujourd’hui les souffrances ardentes de la Shoah, respectueusement commémorées,  s’entremêlent aux douleurs infligées par le terrorisme islamiste.

Mesdames et messieurs,

Si nous devons, à l’occasion de cette commémoration rappeler, enseigner ces crimes monstrueux au préjudice de l’innocence, cette commémoration a aussi pour vertu de nous inviter à la conscience politique pour développer un travail de prévention, de vigilance et d’actions !

L’actualité nous invite à mesurer la profondeur de l’Histoire qui nous précède.
Nous assistons à un tsunami d’actes antisémites depuis l’abîme du 7 octobre et sans précédent depuis la Shoah.
Le virus de l’antisémitisme dont nous pensions être immunisés se propage à nouveau, menaçant les fondements de notre République « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Les livres du souvenir, entre histoire et mémoire, n’ont pas empêché la création de ce nouveau laboratoire de l’injustice cruelle et les nuages continuent d’assombrir l’avenir de la France.
Notre modèle républicain est bousculé comme jamais auparavant depuis 80 ans !
Alors que l’unité de la Nation est plus que jamais nécessaire, le sentiment d’appartenance est questionné et nos valeurs souffrent face aux outrances.
Au cœur de ces turbulences, les repères s’effacent dans la confusion politique.
D’un coté ceux qui s’érigent en rempart de l’antisémitisme et revendiquent un changement radical avancent dans une entreprise de normalisation sans fournir toutes les preuves de la métamorphose apparente.

De l’autre Jean-Luc Mélenchon et ses affidés de La France insoumise (LFI) qui affirment que l’antisémitisme est « résiduel » en France. À rebours de l’histoire, ils n’évitent plus le camp de la honte.
Sans pudeur, agités par des réflexes communautaristes à des fins électorales et clientélistes ils sont à l’origine d’une déferlante de haine en lien direct et immédiat avec les appels obsessionnels à la délégitimation de l’État d’Israël.
Leur accusation mensongère de génocide est devenue un cri de ralliement haineux contre les Juifs attisant le retour de l’antisémitisme dans les rues de France.
Mais voila des mots aux actes, la frontière est ténue, fragile.
La tragédie de Courbevoie nous le prouve encore de façon dramatique.
Les sévices et le viol à l’encontre d’une enfant de douze ans est le résultat d’un manque de fermeté parce que nous n’avons pas su empêcher ces gens de déverser leur haine.
Parce que l’antisémitisme est toxique pour la démocratie, la colère et la honte ne suffisent plus.

Alors si nous sommes réunis aujourd’hui c’est aussi pour qu’à l’implacable cruauté ne succède jamais la fatale banalisation !
Cette cérémonie nous rappelle durement qu’il est dangereux de laisser l’antisémitisme, l’antisionisme, la xénophobie, la haine, les préjugés et la discrimination se répandre sans réagir.

Il nous faut balayer les silences coupables et le relativisme et agir pour éveiller les consciences contre tous ceux qui trouvent encore des excuses et des justifications.

C’est une question de civilisation qui interroge notre vision du monde. Ne gardons plus jamais le silence lorsque l’humanité est menacée.

Cette humanité a parfois un nom.

Le courage, la solidarité un visage celui des Justes parmi les Nations.

Aujourd’hui, nous rendons aussi un hommage solennel au nom de la Nation aux Justes de France et aux Français restés anonymes. Eux qui ont su incarner l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité.
Tous ces hommes et toutes ces femmes qui sous l'Occupation, bravant la folie meurtrière, la barbarie et l’horreur, se sont élevés au péril de leur propre vie pour sauver des milliers de Juifs.

La Nation a témoigné sa reconnaissance envers les Françaises et les Français de toutes croyances et de toutes origines qui malgré les risques encourus n’ont écouté que leur conscience : « la plupart n’ont pas le sentiment d’avoir accompli des actes héroïques : ils ont porté secours à des hommes, des femmes, et des enfants, simplement parce qu’il fallait le faire ».

Pour conclure, j’aimerais ici, avec vous, les honorer en citant un passage du livre de Simone Weil, Une Vie, qu’elle nous lègue, comme l’héritage d’une pensée haute et courageuse, elle qui a survécu dans les camps de la mort !

Elle qui a gardé, chevillée à l’âme, une étincelle de vie salvatrice et éclairante qui redonne le goût d’espérer quoiqu’il advienne et quels que soient les dangers écrivait :

« Ce qui ruine le pessimisme fondamental des adeptes de la banalisation, c'est à la fois le spectacle de leur propre lâcheté, mais aussi, en contrepoint, l'ampleur des risques pris par les Justes, ces hommes qui n'attendaient rien, qui ne savaient pas ce qui allait se passer, mais qui n'en ont pas moins couru tous les dangers pour sauver des juifs que, le plus souvent, ils ne connaissaient pas. Leurs actes prouvent que la banalité du mal n'existe pas. Leur mérite est immense, tout autant que notre dette à leur égard. En sauvant tel ou tel individu, ils ont témoigné de la grandeur de l'humanité. »

 

Fabienne Bendayan, Présidente du Crif Marseille-Provence

 

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