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En présence de nombreux élus et personnalités, Pierre Haas, délégué régional du Crif a souligné les convergences malsaines des extrêmes politiques françaises qui œuvrent à saper les fondements de la République, qui prennent pour cible en particulier les Juifs de France, que ce soit en raison de l’atavisme culturel de l’extrême droite ou de l’antisionisme qui avance de moins en moins masqué. Il a appelé à soutenir lors de la prochaine élection européenne de 2024 les partis républicains sincères dans leur adhésion à l’Europe.
Pour sa part, le rabbin Ariel Rebibo a resitué l’antisémitisme contemporain dans la longue histoire du judaïsme, notamment depuis 2000 ans, et de ses relations avec le christianisme et l’islam à qui il a tant apporté mais dans lesquels est né et a prospéré l’antisémitisme, jusqu’à son acmé de la Solution finale.
Par la voix de Madame Leheillex, sous-Préfète représentant la Préfète de la Région Grand Est, Madame Patricia Mirallès, Secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la mémoire a sans réserve rappelé la responsabilité de l’État français durant l’occupation nazie à l’égard des Juifs de France et étrangers, alors accueillis sur le sol national. Elle a également rendu hommage aux nombreux Justes parmi les Nations qui se sont portés en faux contre le zèle de l’administration et de l’occupant, au risque de leur vie.
Enfin, la cérémonie très émouvante s’est poursuivie par la prière El male rahamim et par le Kaddish déclamés par Jonathan Blum, aumônier militaire israélite de la zone de défense Est, ponctuant le dépôt de la traditionnelle gerbe devant la stèle dédiée aux victimes, la minute de silence et les salutations aux porte-drapeaux.
L’ensemble a également bénéficié de la belle prestation de la chorale Le Chant sacré qui a entonné les chants Ma tovou, le Chant des marais, repris par l’assistance, ainsi que le chant Yigdal en clôture de la cérémonie.
François Nagyos, membre du comité du Crif Alsace
Discours de Pierre Haas, Délégué du Crif Alsace, le 16 juillet 2023 :
Le 16 juillet 1942 au petit matin, deux jours après une fête nationale désormais interdite dans une France occupée au sein d’une Europe sous le joug nazi, l’administration mise en place par l’État de Vichy, veule et sans courage, va commettre une infamie de plus en organisant la rafle dite du Vél d’Hiv, se rendant ainsi complice de la machine industrielle génocidaire nazie.
13 152 Juifs soient 5 919 femmes, 4 115 enfants, et que 3 118 hommes furent arrêtés par les autorités puis regroupés du 16 au 18 juillet 1942 pour la plupart au Vélodrome d’Hiver dans des conditions abominables avant d’être convoyés vers le camp de la mort d’Auschwitz.
Par cette cérémonie nous maintenons l’hommage dû à ces victimes et plus largement à toutes les victimes de la collaboration de l’État de Vichy. Nous souhaitons aussi mettre en lumière le courage des nombreux Justes qui dans cette obscurité du mal absolu qui envahit l’Europe vont chacun allumer une petite lumière d’humanité en venant au secours de leur compatriote persécuté.
Certains resteront anonyme comme ce policier qui convainc son collègue de laisser partir les enfants et sauve ainsi le père de Sylvain Waserman, ancien député de Strasbourg. D’autres verront leurs parcours reconnus comme ces voisins qui cachent ou prennent en charge des personnes âgées ou des enfants.
Une très intéressante exposition du Fonds Social Juif Unifié (FSJU) présente les Justes alsaciens et tourne actuellement dans les lieux publics ou éducatifs pour rappeler le sens de l’engagement de ces héros pour les valeurs de la Républiques et par-delà celles des droits de l’Homme.
Nous sommes aujourd’hui à la lisière entre le souvenir du vécu qui touche encore les générations suivantes avec la disparition des derniers témoins de la Shoah et l’entrée dans l’Histoire avec un grand H à travers ses analyses et son approche raisonnée et dépassionnée.
Le traumatisme nous quitte, et le travail de l’historien nous permet de tirer les leçons de cette tragédie emblématique de l’abîme mondial de la guerre dans laquelle la folie d’un petit groupe d’homme a entraîné le monde.
Comment ne pas être frappé par l’impact encore actuel de ces évènements quand on voit Vladimir Poutine justifier son invasion de l’Ukraine par l’influence nazi du gouvernement démocratique ukrainien alors que les propres mercenaires de Poutine se dénomment Wagner en référence à la fascination de leur premier commandant pour les SS.
La guerre est ainsi de nouveau aux franges orientales de l’Europe avec un pays instable et dangereux qu’est devenue la Fédération de Russie.
Comment ne pas être frappé par le retour du bouc émissaire qui explique et justifie toutes les difficultés que rencontrent nos sociétés. Qu’il soit juif, musulman, migrant ou homosexuel, c’est le même ressort qui se tend pour faire peur à la population et cliver la société.
L’antisémitisme, le racisme, la xénophobie et l’homophobie partagent les mêmes racines de haine.
Comment ne pas être frappé par les tracts suprémacistes qui sont distribués, ici même en Alsace, à Mulhouse la semaine dernière en reprenant les théories raciales du IIIème Reich et leur symbolique.
Cette histoire résonne hélas encore dans notre actualité.
Les Baltes, les Ukrainiens voire certains Polonais pensaient que les nazis les protégeraient des Russes et ne s’en prendraient qu’aux Juifs avant de découvrir que les Slaves étaient aussi des untermensch dans la classification raciale du peuple aryen.
Aujourd’hui trop de français inquiets par les menaces et les difficultés de notre époque se laissent, de la même façon, convaincre par des théories radicales ou complotistes répétant la même dangereuse erreur.
Devons-nous accepter de voir ainsi, un parti politique qui n’a jamais fait mystère de ses nostalgies maurassiennes et pétainistes caracoler en tête des sondages, 81 ans après la rafle du Vél d’Hiv.
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Le bouc émissaire a changé, mais c’est se bercer d’illusion que de croire que derrière les migrants, il n’y aura pas les Juifs et finalement tous ceux qui n’adhèrent pas à leurs idées.
D’autant que le prurit antisémite n’est plus l’apanage de l’extrême droite.
L’antisémitisme moderne se camoufle dans l’antisionisme qui est revendiqué et assumé par une part de l’extrême gauche française jusqu’à l’outrance. Par exemple : en assimilant un Français interdit d’entrer en Israël à un déporté. Quelle ignominie pour les déportés de comparer ces deux situations et de vouloir participer au devoir de mémoire en banalisant la Shoah. Ou alors, autre exemple, en assimilant Israël, seul État juif, à l’apartheid subit par les noirs en Afrique du Sud, alors que les Israéliens sont allés sauver les Falachas d’une famine meurtrière en Ethiopie. Je ne connais pas beaucoup de pays soi-disant « blanc » dans le monde qui soient allés sauver leurs frères noirs.
C’est une falsification de l’histoire et ces commémorations nous permettent de défendre la vérité historique dans toutes ses complexités. Comme celle de rétablir la responsabilité de l’État français et de l’administration pétainiste dans la collaboration.
Mais il a fallu du temps pour en arriver là.
Aujourd’hui, les Juifs se retrouvent à nouveau menacés, mais ne nous y trompons pas, c’est la démocratie qui est en danger.
Tout ce qui a trait à nos institutions a été attaqués lors des émeutes récentes, et certains parlementaires ont jeté de l’huile sur le feu en refusant d’appeler au calme mais seulement à la justice. Comme si la justice pouvait se faire dans le chaos, sans déboucher sur une terreur révolutionnaire des Jacobins en 1792 ou celle de la milice et de la gestapo française durant la révolution nationale de l’État de Vichy en 1942.
Dans un intérêt commun au désordre, ces élus ne font qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui appelle à l’ordre par la force et c’est très inquiétant à moins d’un an des élections européennes.
En effet ces élections ne doivent pas donner lieu à un vote défouloir. C’est l’Europe qui nous a permis la paix entre nos Nations depuis 1945 alors que la Yougoslavie a sombré dans une guerre civile effroyable dans les années 1990.
C’est l’Europe qui nous a permis cette prospérité que regrettent amèrement les Anglais floués par la propagande fallacieuse du Brexit. C’est l’Europe qui nous a permis par son alliance d’être protégé des ambitions expansionnistes de la Russie.
C’est l’Europe qui impacte notre modèle de société par le compromis nécessaire des intérêts de ses composantes.
L’histoire du nazisme nous apprend que nous ne pouvons laisser l’Europe aux mains des extrémistes qui n’apportent pas de solutions mais la violence.
L’arc des partis républicains doit cesser de se rétrécir, nous avons besoins d’une gauche sociale mais non populiste, d’une droite libérale mais non liberticide, d’une écologie pragmatique mais non punitive, et d’un centre qui permette l’alternance et non hégémonique.
Tirons les leçons de l’histoire de cet État français dont nous commémorons les victimes aujourd’hui.
Que chacun d’entre nous convainque le maximum de nos compatriotes à aller voter lors des élections européennes, l’an prochain, pour des partis républicains.
L’Europe, la France et notre démocratie le méritent.
Vive la République.
Pierre Haas, Délégué régional du Crif en Alsace