Jean-Pierre Allali
Cachée. Les souvenirs d’enfance d’un des derniers témoins de la Shoah, par Sylvie Benilouz (*)
Sylvie Benilouz est née le 30 août 1934 à Paris. Ses parents, Simon Zalamansky et Rosalie Milkoff étaient tous deux issus de familles juives de Russie. C’est au club de sport juif Maccabi de Paris que Simon et Rosalie, tous deux joueurs de tennis, se sont rencontrés. Ils se sont mariés en 1931 à l’hôtel Lutétia. Ils habitent rue Perceval dans le 14ème arrondissement et tiennent un magasin de chaussures, rue l’Ouest, dans le même quartier. La vie des Zalamansky aurait pu se dérouler paisiblement. Très jeune, la petite Sylvie est placée dans une école privée catholique, se promenait volontiers au Jardin des Plantes et faisait de la trottinette.
Une famille comme on dit traditionaliste où l’on célébrait les grandes fêtes juives, où l’on ne mangeait pas de porc mais où l’on travaillait quand même le shabbat.
Joséphine Baker et Pablo Picasso faisaient la une de l’actualité et, en hiver, la famille se retrouvait au ski à Chamonix.
Et puis, patatras. 1939. Hitler envahit la Pologne. Sylvie a cinq ans et s’apprête à entrer en grande section de maternelle. Bien que Rosalie soit enceinte, Simon choisit de quitter Paris devenue trop dangereuse pour les Juifs. La famille se retrouve à Toulouse où naîtra Henri, le 26 octobre 1939. Avec la promulgation du second statut des Juifs, nouvel exode, vers la Drôme, cette fois. Les Zalamansky s’installent à Portes-en-Valdaine. Ils seront protégés et aidés par l’abbé Georges Magnet. Mais les Allemands, hélas, rôdent dans les environs. Une extrême prudence est de mise. En fonction des dangers, la famille se déplacera à La Touche d’abord puis à Beauvallon.
Après avoir réussi à échapper une première fois à l’hydre nazie et à ses sbires français, Simon est finalement arrêté le 20 décembre 1943 par la Feldgendarmerie. Il est d’abord interné au camp de Miramas à Marseille puis à Drancy. Déporté le 20 mai 1944 par le convoi n°74, il se retrouve à Auschwitz-Birkenau comme numéro A5326. Le 25 janvier 1945, il est conduit à Dachau où il meurt le 19 mars suivant.
À la Libération, c’est l’attente vaine devant l’hôtel Lutétia. La vie d’après la barbarie commence. Sylvie épousera Jacques dit Chito Benilouz en 1964. Chito est mort en 2017.
L’accent est mis dans cet ouvrage à l’action protectrice et salvatrice des Éclaireurs Israélites, de l’OSE, de la Cimade, des protestants et de l’Église catholique. Nombreux furent les habitants à participer au sauvetage et à la préservation des Juifs en détresse : Jeanne Barnier, Pol et Marguerite Arcens, Marguerite Soubeyran, Catherine Krafft, Simone Monnier, la famille Arsac, les Garde, Pierre Pizot, Samuel Cesmat, l’abbé Glasberg... Comme le dit Serge Klarsfeld, « c’est le peuple français, nourri de la charité chrétienne et des valeurs républicaines, qui a favorisé le sauvetage des Juifs ».
Un abondant cahier iconographique agrémente ce livre très émouvant. À découvrir !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions du Rocher. Janvier 2022. Préface de Iannis Roder. 138 pages. 14 €.