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Publié le 21 décembre dans Le Figaro
Quelques jours décisifs après quatre décennies d’une incroyable affaire. Le procès de l’attentat contre la synagogue parisienne de la rue Copernic, à Paris, le 3 octobre 1980, s’ouvrira le 3 avril 2023 pour une durée estimée de 14 jours. La cour d’assises spécialement composée décidera de l’innocence ou de la culpabilité du Canadien d’origine libanaise Hassan Diab, soupçonné d’avoir posé la bombe.
Âgé de 68 ans, l’homme, ancien professeur de sociologie, est le seul accusé. Les autres suspects, dont le chef du groupe terroriste palestinien impliqué, ont échappé à la justice. Encore faut-il souligner que l’affaire serait depuis longtemps oubliée sans la volonté d’une poignée de policiers et de magistrats, dont les juges Jean-Louis Bruguière et Marc Trévidic, de poursuivre l’enquête.
Un cas rarissime, sinon unique
Le procès à venir s’annonce des plus singuliers. D’abord parce que le temps a fait son œuvre. Le souvenir des morts sera présent aux assises. Celui, bien sûr, des quatre personnes fauchées dans la rue: Aliza Shagrir, journaliste israélienne âgée de 42 ans, Philippe Bouissou, motard de 22 ans, Jean-Michel Barbé, chauffeur de maître de 41 ans, et Hilario Lopes-Fernandes, concierge blessé mortellement au côté de son fils de 5 ans. Mais sera aussi présent le souvenir de ceux qui sont partis depuis, sans connaître la fin de l’histoire. Ainsi des parents de Philippe Bouissou ou de l’époux d’Aliza Shagrir. Sans parler des policiers, magistrats, avocats ou chroniqueurs disparus. Seul le dieu des assises sait d’ailleurs si la mort frappera encore d’ici à avril 2023.
En dépit des ravages du temps, le banc des parties civiles ne sera pas vide, avec des fidèles présents dans la synagogue, des commerçants de la rue Copernic, de nombreuses associations comme la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) ou l’Association française des victimes du terrorisme (AfVT), ou encore un policier, défendu par Me Éric Morain, en faction devant le lieu de culte. Les victimes seront donc présentes.
Mais l’accusé, qui vit au Canada, sera peut-être absent. Me William Bourdon, qui défend Hassan Diab avec Mes Apolline Cagnat et Amélie Lefebvre, confirme que «le procès se tiendra au printemps 2023» et ajoute: «Quant à la présence (de notre client), on n’en sait rien et on verra.» De source judiciaire, on précise que l’accusé est libre et ne fait pas l’objet d’un mandat à ce stade de la procédure. Il devrait donc être convoqué. En cas de refus, il serait jugé par défaut.
Une situation qui s’explique par deux décisions opposées, cas rarissime, sinon unique, en matière antiterroriste. En 2018, Hassan Diab, incarcéré en France depuis 2014, a en effet bénéficié d’un non-lieu d’un juge antiterroriste invalidant l’enquête de ses prédécesseurs. Libéré, Diab a regagné le Canada. Le parquet ayant fait appel, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a, en janvier 2021, annulé le non-lieu et renvoyé le Canadien devant une cour d’assises.
Place donc, dans plus de seize mois, au débat contradictoire. La défense se dit «confiante dans le fait que l’innocence de Hassan Diab sera reconnue». Avocat de l’AfVT et de Corinne Adler, présente dans la synagogue le jour de l’attentat, Me David Père, du cabinet Addleshaw Goddard, souligne que «les parties civiles se réjouissent de la fixation d’une date d’audience». Mais il ajoute: «Nous espérons, en revanche, que M. Diab assiste à son procès.» Avocat historique de la synagogue et de victimes, présent au dossier depuis le premier jour, Me Bernard Cahen se dit pour sa part «satisfait que l’affaire vienne enfin devant la cour d’assises, ce qui, sans les errements d’un juge d’instruction, aurait dû être le cas depuis des années. Mais il est plus que probable que M. Diab ne vienne pas et continue de bénéficier de la liberté qui est la sienne depuis 2018».