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Cet article avait été publié dans le newsletter du 13 décembre 2021. Il est l'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine.
France/Israël - La manipulation de l’histoire, un danger pour la paix
Publié le 13 décembre dans La Croix
Cinq ans après deux résolutions votées par l’Unesco (15 avril et 18 octobre 2016) occultant le lien historique et religieux entre le peuple juif et le mont du Temple de Jérusalem avec son Mur occidental, c’est l’ONU cette fois qui reprend à son compte cette forme de négationnisme. Le 1er décembre 2021, l’Assemblée générale des Nations unies a voté un texte intitulé « La résolution de Jérusalem » à l’initiative de l’Autorité palestinienne et de divers États arabes. Ce texte porte une attaque contre la politique de l’État d’Israël en s’appuyant sur une réécriture de l’histoire religieuse. Ce qui est particulièrement choquant, c’est la volonté de faire de ce lieu, comme en 2016, un site uniquement islamique. Le mont du Temple est aussi le lieu le plus sacré du judaïsme, là où se trouvait le Temple construit par Hérode et détruit en 70.
Le texte de l’ONU appelle en effet à « maintenir inchangé le statu quo historique de l’esplanade des Mosquées, verbalement et en pratique » ; le texte en anglais est encore plus explicite puisqu’il utilise le nom arabe Haram Al-Charif, « le Noble Sanctuaire », qui donne une connotation clairement religieuse, ne retenant que le nom musulman du lieu. Celui-ci est de fait le troisième lieu saint de l’islam après La Mecque et Médine. Et l’on insiste, en précisant « in Word », c’est-à-dire dans l’usage du nom. Le nom donné à ce lieu par les juifs et les chrétiens, à savoir le mont du Temple, est exclu. Bizarrement, le texte en français retient le terme plus édulcoré « esplanade des Mosquées », expression très répandue en France. Cette variation dans la désignation peut faire penser à une certaine hésitation du rédacteur, mais la version anglaise est la plus importante, parce que la plus répandue.
Il s’agit bien d’une lecture négationniste de l’histoire qui entend exclure le judaïsme – mais aussi le christianisme car en ce lieu Jésus a prié et enseigné – pour le réserver au seul islam. On perçoit l’instrumentalisation de la religion par les États arabes ennemis d’Israël, et la manipulation de l’histoire avec pour objectif d’effacer de ce lieu crucial les mémoires juives et chrétiennes. C’est un mauvais coup pour la paix car, justement, ce haut lieu triplement sacré pour les trois religions monothéistes devrait être pensé comme un lieu de respect mutuel et de dialogue. C’est le seul endroit au monde où ces religions se retrouvent, où le judaïsme, le christianisme et l’islam vivent au plus près l’un de l’autre. Mais au lieu de prendre la mesure de sa complexité et la chance que celle-ci pourrait représenter pour avancer sur la voie de la paix, la résolution de l’ONU vient jeter de l’huile sur le feu, car elle est un déni de justice et d’intelligence. Elle claque comme une gifle pour le peuple juif. Car comme l’a dit Richard Prasquier, lauréat du prix de l’AJCF en 2015, « l’effacement terminologique du mont du Temple n’est pas une inoffensive querelle linguistique ». Il s’agit bien d’une manipulation de l’histoire, qui porte en elle un danger pour la paix.
C’est pourquoi l’Amitié judéo-chrétienne de France tient à exprimer son indignation face à une telle manœuvre. Cette indignation porte aussi sur le comportement de la France qui a voté cette résolution. Celle-ci a été acquise avec 129 voix en sa faveur ; 11 États ont voté contre, 31 se sont abstenus. La France fait partie des États qui ont soutenu la résolution. En visite à Vichy, le président de la République, Emmanuel Macron, a fait l’éloge de l’histoire lorsqu’elle dit le vrai, et il a condamné toute forme de manipulation et de réécriture au gré des intérêts partisans. Pourtant la France, aux Nations unies, non seulement ne s’est pas opposée à une telle manœuvre, mais elle y a contribué par son vote. C’est incompréhensible, cela s’ajoute au désarroi des Français juifs confrontés à un antisémitisme de plus en plus agressif.
Jean-Dominique Durand, Président de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF)