Jean-Pierre Allali
La petite communauté juive du Guatemala est d’installation relativement récente. La plupart des Juifs de ce pays d’Amérique Centrale, situé au sud du Mexique et qui compte quelque 17 millions d’habitants, sont arrivés au milieu du 19ème siècle. Nombre d’entre eux, d’ailleurs, étaient des Marranes ou des Crypto-Juifs.
Essentiellement de culture ashkénaze, ces Juifs sont venus d’Allemagne et d’Europe de l’Est. Les premières familles juives débarquées au Guatemala, venaient des villes de Kempen et de Posen, en Prusse. En réalité, transitant par Cuba, ils ne comptaient pas rester au Guatemala car leur objectif ultime était les États-Unis. Mais, n’obtenant pas les visas escomptés, nombre d’entre eux finirent par se lasser et décidèrent de demeurer sur place. Ils seront rejoints, par la suite, par des Juifs sépharades, essentiellement des Turcs.
Malgré des mesures gouvernementales visant à limiter l’arrivée des Juifs dans le pays dans les années 1930, la communauté juive s’est peu à peu organisée. Il a fallu cependant attendre 1981 pour voir émerger officiellement une Communidad Judia Guatemala. De nos jours, compte-tenu de la situation économique préoccupante du pays, des Juifs guatémaltèques ont choisi d’aller vivre aux États-Unis, au Mexique, au Panama, au Costa Rica et, bien sûr, en Israël.
En 2000, environ 1000 Juifs vivaient au Guatemala, pour l’essentiel dans la capitale, Guatemala City. 60% sont ashkénazes et 40% sépharades. La plupart des grandes organisations juives et sionistes sont représentées : L’OSM, le KKL, la Wizo, le B’naï B’rith, le Keren Hayessod, le Maccabi. Il y a une école hébraïque, Tarbut, un jardin d’enfants, un club sportif et une Union des Étudiants Juifs du Guatemala. Certains magasins proposent des rayons « cacher ». La capitale compte 3 synagogues, la plus ancienne : « Maguen David », « Sharei Biniamin et une synagogue Habad. Il existe également une petite communauté réformée.
En 2008, un incident a opposé un groupe de 230 Juifs orthodoxes appartenant aux mouvements « Lev Tahor » et « Toiras Jesed », dont 110 enfants, venus des États-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada et d’Israël, à des Indiens Mayas. Sans crier gare, ces Juifs portant redingotes et chapeaux noirs malgré la chaleur parfois étouffante et dont les femmes revêtent des tenues très proches du tchador musulman, se sont installés à San Juan La Laguna sur les bords du lac Atitlan à 150 km de la capitale. Face aux frictions qui se sont multipliées, cette communauté, qui n’est pas affiliée à la Comunidad Judia, a préféré rebrousser chemin.
Dans un tout autre domaine, on note qu’en décembre 2016, sous l’impulsion du père Patrick Desbois, un premier Musée de l’Holocauste d’Amérique Centrale a été inauguré.
Les relations du Guatemala avec Israël sont excellentes et remontent à la veille de la création de l’État juif.
En 1947, lors du fameux vote de partage aux Nations unies, le représentant du Guatemala, le docteur Jorge Garcia-Granado, réussit à convaincre les pays d’Amérique Latine, de voter en faveur du plan. Cela permit à Israël de voir le jour. Pour l’actuel président de la Knesset, le parlement israélien, Yuli Edelstein, « les relations entre Israël et le Guatemala sont profondes et historiques ».
En Israël, plusieurs villes ont donné à des rues le nom de « Guatemala ». De son côté, le Guatemala a décidé de donner le nom de « Jérusalem » à plusieurs artères dans les principales villes du pays. Dans la capitale même, une énorme « Maguen David » dorée trône littéralement sur la place d’Israël, au début du boulevard de…Jérusalem ! En décembre 2013, le président Otto Perez Molina, accomplit une visite d’État en Israël et, en 2015, son successeur, Jimmy Morales, a choisi Israël pour sa première visite à l’étranger.
La coopération entre les deux pays est très étroite, notamment dans les domaines du développement, de l’agriculture, du commerce, de la science, des questions militaires et de sécurité.
En juin 2018, lors de la tragédie du réveil du volcan Fuego qui fit 62 morts au Guatemala, Israël, outre une aide financière, a envoyé sur place ses équipes de secours IsraAID.
Enfin, last but not least, en attendant la réalisation de la promesse des dirigeants du Kosovo, le Guatemala est le deuxième pays, après les États-Unis, à avoir, le 24 décembre 2017, reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël. Le 16 mai 2018, il y a installé son ambassade. Cette décision a été réaffirmée le 14 janvier 2020 par le nouveau président du pays, Alejandro Giammattei qui a même précisé, lors d’une rencontre avec le ministre israélien des Sciences, de la technologie et de l’Espace, Ofir Akunis, que son pays considère le Hezbollah comme un mouvement terroriste.
Jean-Pierre Allali
Illustration : Fidèles en prières à la synagogue principale de Guatemala City