Lu dans la presse
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Publié le 15 Décembre 2020

France - Trois mois après, le procès des attentats de janvier 2015 se termine, le verdict rendu mercredi

C’est un procès inédit, marquant et chaotique qui vient de s’achever. Trois mois et demi après son ouverture, le procès des attentats de janvier 2015 a pris fin lundi 14 décembre avec les ultimes plaidoiries de la défense et les derniers mots des accusés, juste avant que la cour ne se retire pour délibérer pendant deux jours.

Publié le 14 décembre dans Le Monde

Le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Régis de Jorna, a déclaré « terminés » les cinquante-quatre jours de débats lundi 14 décembre et annoncé le verdict pour mercredi à 16 heures.

Dans la salle d’audience, des parties civiles s’attardent. Et deux d’entre elles, Sigolène Vinson, l’une des survivantes de l’attentat contre Charlie Hebdo, et Hélène Honoré, fille du dessinateur assassiné, vont assurer certains des accusés qu’elles ne veulent pas d’une justice « vengeresse ».


Pendant cinq jours, la défense s’est élevée contre le risque d’une « exemplarité » pour pallier l’absence des frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, abattus par les forces de sécurité après leurs attaques qui ont fait 17 morts pendant trois jours de terreur en janvier 2015.


Mardi dernier, le Parquet national antiterroriste a requis de lourdes peines, de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité, contre les 14 accusés soupçonnés de soutien logistique aux auteurs des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher et pour deux d’entre eux de « complicité ».


« J’ai vraiment pas fait tout ce que vous dites », a assuré une dernière fois Ali Riza Polat, contre lequel la perpétuité a été requise. Accusé d’être le complice des frères Kouachi et de Coulibaly, il aura marqué les trois mois d’audience par ses invectives et ses coups de colère.


Ses coaccusés se sont eux aussi à nouveau défendus d’être des « terroristes » et ont nié tout « lien » avec les attaques. Pour les avocats généraux, ils étaient la « cheville ouvrière » et la « base arrière » des attentats. Sans eux, le « trio » formé par les frères Kouachi et Coulibaly « n’était rien », avaient appuyé les magistrats.

En réponse aux « peines de malade » requises – selon les mots d’une avocate –, la défense a dénoncé un dossier « friable » et « vide » de preuves, et s’est engouffrée dans les zones d’ombre de l’instruction.


Ces zones d’ombre ont été « assumées » par le parquet, qui en a rejeté la faute sur l’attitude et les déclarations contradictoires des accusés, pour la plupart jugés pour avoir recherché ou fourni des armes au trio djihadiste.


La façon dont cet arsenal a transité puis atterri entre les mains des terroristes reste peu claire et les longs débats n’auront pas permis d’obtenir toutes les réponses. Les enquêteurs ont identifié deux « filières » d’acheminement des armes retrouvées en possession de Coulibaly : l’une « belgo-ardennaise », l’autre « lilloise ».

Plusieurs déplacements entre Paris, Lille et la Belgique ont ainsi été mis au jour à l’aide de la téléphonie, clé de voûte de l’accusation. Quelques traces ADN ont également été découvertes, notamment sur deux armes d’Amedy Coulibaly, celles de son ancien codétenu Nezar Mickaël Pastor Alwatik.

Plaidant lundi, les avocats de ce dernier ont tancé des accusations reposant sur des « hypothèses ». Après les débats, « le flou et le doute persistent et on ne peut pas être condamné sur du flou, des doutes et des supputations », a fait valoir Me Delphine Malapert.

« Ce n’est pas le procès du terrorisme, ni des auteurs des attentats de janvier 2015 », avait insisté dans la matinée Me Safya Akorri. En désignant son client Mohamed Fares et ses voisins de box, elle avait ajouté : « C’est le procès de ces hommes-là. » « Vous êtes juges, vous ne devez pas céder à la peur », a-t-elle imploré.

Quelque 200 personnes se sont constituées parties civiles au procès, intégralement filmé pour les archives historiques, une première en matière de terrorisme. Aussi marquant que chaotique, le procès, qui devait initialement s’achever le 10 novembre, a été suspendu plus d’un mois après que le principal accusé, Ali Riza Polat, a été testé positif au Covid-19 puis victime de complications médicales.