Lu dans la presse
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Publié le 29 Janvier 2020

France/Antisémitisme - L’antisémitisme est-il un racisme comme les autres ?

Le 75ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz est l’occasion de revenir sur la résurgence de l’antisémitisme et fait resurgir les critiques contre le traitement à part de l’antisémitisme dans la lutte contre le racisme.

Publié le 27 janvier dans La Croix

Par Marc Knobel, Historien, Directeur des Etudes au Crif

À l’occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, les interventions politiques, les initiatives associatives ou des émissions reviennent sur la mémoire de la Shoah et insistent sur la résurgence de l’antisémitisme. « L’antisémitisme est la forme la plus avancée, à chaque fois la plus radicale de la peur de l’autre » a récemment commenté le président Macron. Certains critiquent un traitement à part de l’antisémitisme et insistent sur la nécessité d’une vision universaliste de la lutte contre tous les racismes.

« Toutes les discriminations sont condamnables, il n’existe aucune exception. Quand on attente à la dignité humaine, il faut dénoncer ceux qui veulent faire du mal aux autres, qu’ils s’en prennent à la couleur de peau, à la religion, au genre. J’insiste sur ce point que le racisme, le sexisme ou l’homophobie sont condamnables, bien évidemment. Il ne faut pas faire de concurrence mémorielle ou victimaire qui consisterait à hiérarchiser des atteintes à la personne.

Reste que la haine antisémite a ceci de particulier qu’elle a une longue histoire, plus de deux mille ans, sous la forme de préjugés, de persécutions, de pogroms, un phénomène qui a conduit à la Shoah… Cette constante dans la haine est une chose abominable, qui se poursuit de nos jours. Depuis 2006, douze personnes ont été assassinées en France parce que juives. Plus de 11 000 actes antisémites ont été commis depuis l’an 2000 et leur nombre a encore bondi de 78 % au premier semestre 2019 par rapport à 2018. Des enfants ont été tués.

À l’islamisation de la judéophobie s’ajoute l’odieuse « criminalisation » des sionistes et d’Israël. Tout cela conduit aujourd’hui nombre de juifs à fuir leur lieu d’habitation parce qu’ils se sentent en danger. Certains quittent leur quartier, d’autres leur pays. C’est tout de même une situation terrifiante qu’en 2020, les juifs doivent à ce point faire attention à leur propre sécurité. Un récent sondage sur le sentiment de peur éprouvé par les juifs montre bien que ce problème n’est pas réglé.

Je le répète, il n’y a aucune hésitation à condamner toutes les formes de racisme mais l’antisémitisme peut être reconnu comme une forme poussée, hystérisée, de haine qui a provoqué depuis des millénaires des millions de morts. L’antisémitisme est une forme de racisme des plus agressives qui soient. C’est la raison pour laquelle il faut continuer de parler de la Shoah. Six millions de morts et 76 000 juifs de France ont été déportés dans les camps nazis, seuls 2 600 ont survécu. Cela ne signifie nullement qu’il ne faille pas parler du génocide des Arméniens, de celui des Tutsis ou de l’esclavage, bien au contraire.

Cette petite musique du « deux poids deux mesures », cette idée que l’on en ferait toujours plus pour les juifs me déconcerte totalement. Ce qui est condamnable doit être condamné. Lorsque des tombes chrétiennes sont profanées, il faut le dénoncer. Quand un prêtre est injurié, il faut le défendre. Le racisme dont sont victimes les musulmans n’est pas acceptable. Les dispositions pénales en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (provocation à la haine, contestation des crimes contre l’humanité…) sont les mêmes pour tout le monde.

L’antisémitisme comme le racisme doivent être la préoccupation de la Nation et non des seules personnes qui en sont les victimes. Au fond, ce dont nous avons tous besoin c’est de fraternité. »