Le CRIF en action
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Publié le 20 Novembre 2006

Les conclusions de la première convention du CRIF

Dimanche 19 novembre s’est tenue à Port-Marly la première convention du CRIF sur le thème « Etre juif en France en 2007, les nouveaux enjeux ». Les participants ont participé à des ateliers consacrés à des thèmes aussi divers que l’école républicaine ou les medias et la guerre du Liban.


Tour à tour, les six rapporteurs ont résumé les travaux des différents ateliers.
Haïm Musicant, rapporteur de l’atelier « Israël et Palestine : y a-t-il encore des perspectives ? », animé par Paule-Henriette Lévy, a noté que deux analyses différentes ont été proposées. Pour Christophe Boltanski, de Libération, il y a trois niveaux d’appréciation de la situation : 1/ La grave crise au sein de l’armée comme à l’échelon politique, la corruption, la droitisation de l’électorat israélien, notamment avec l’émergence d’Avigdor Lieberman, d’Israël Beïténou 2/ le terrorisme palestinien et le risque d’effondrement de l’Autorité palestinienne 3/ La dégradation de la situation internationale. Olivier Rafowicz, ancien porte-parole de Tsahal, après avoir évoqué le choc qu’a provoqué en Israël la déclaration de Michèle Alliot-Marie sur ce qu’elle considère comme des actions belliqueuses d’Israël à l’égard de la France, a estimé quant à lui, que la problématique Israël-Palestine doit être envisagée sur le long terme car tout repose sur le refus persistant de l’existence d’un État juif. Dès lors, c’est l’impasse car Israël est le seul pays au monde menacé de destruction. « Arafat pouvait faire la paix, mais ne la voulait pas et Mahmoud Abbas voudrait faire la paix, mais il ne le peut pas ». C’est la quadrature du cercle, mais rien ne presse. Entre-temps, les Israéliens doivent se ressourcer, se conforter, faire face, car il vaut mieux être mal aimés et vivants que populaires et faibles.
Deux sociologues, Erik Cohen et Sonia Lipsyc se sont succédés dans l’atelier « Quels enjeux pour la communauté juive ? », dont le modérateur était Méïr Weintrater, et le rapporteur Roger Benarrosh . Erik Cohen a brossé un tableau des composantes de la communauté juive de France. Un rapport très fort à Israël transparaît. 77% des personnes interrogées lors d’une enquête déclarent avoir des liens familiaux en Israël et 1 famille sur 2 déclare avoir des enfants effectuant des études partielles ou totales en Israël. Une répartition de la population juive en fonction du degré de religiosité a été faite et, comme on pouvait le subodorer, l’implication des hommes dans l’étude religieuse est beaucoup plus forte que chez les femmes. Sonia Lipsyc a abordé, pour sa part, un sujet gravissime et douloureux : l’obtention du guet par les femmes divorcées, sans lequel les futurs enfants sont déclarés adultérins. Elle estime qu'à Marseille, 30 % des femmes attendent leur guet et 10 % à Paris. Autre thème délicat, celui de la violence conjugale. Une femme sur dix en est la victime. La parité « hommes-femmes » dans les institutions juives et, d’une manière générale, la mixité au sein de la communauté, ont été autant de sujets difficiles conduisant à des débats pour le moins animés.
C’est à Élisabeth Cohen-Tannoudji qu’il revenait de rapporter l’atelier « Quel avenir pour l’école républicaine ? » modéré par Cécilia Gabison, du Figaro. Iannis Roder, enseignant dans un collège du 9-3, auteur de la dernière livraison des Études du CRIF, a mis l’accent sur une nouvelle génération d’élèves complètement déconnectés, qui ne maîtrisent pas la langue française, abreuvés de télévision et qui se trouvent dans l’incapacité de se situer dans le temps et l’espace, des élèves, qui, de surcroît, véhiculent un antisémitisme inversé. Dans leur esprit, les Juifs sont les racistes et la violence remplace le dialogue. André Kaspi, qui a travaillé sur Paris, a une expérience différente. Elle fait apparaître néanmoins une crise de l’école, une crise des savoirs, une crise des communautarismes. Le désintérêt des parents est un reflet de la crise générale de la société. Il propose de définir des priorités par quartiers. Une longue discussion avec le public, au cours de laquelle on a relevé l’exemple modèle de l’immigration asiatique, évoqué le rapport Obin, l’action des clubs « Convergence » ou de « Coexist », a permis de dégager différentes pistes de solutions.
Gérard Unger, rapporteur de l’atelier : Les médias et la guerre du Liban qu’il animait avec Didier Epelbaum de France 2 et Pierre Weill, de France Inter, a reconnu qu’en estimant que la presse française avait été équilibrée dans sa relation du conflit entre Israël et le Hezbollah, il avait pris la salle à rebrousse poil. Cela dit, c’est un fait que le rôle des images télévisées a joué contre Israël. Des excès ont été relevés comme l’article de John Le Carré du Monde, avec une accroche en une. Pour Didier Epelbaum, la sensation de déséquilibre vient du fait qu’en de nombreuses occasions, la presse a été tentée de donner une image du type « David contre Goliath », le rôle de ce dernier étant dévolu à Israël. Ou encore du combat des riches contre les pauvres. Toutefois, on note moins de présupposés idéologiques des journalistes à l’occasion de ce conflit qu’auparavant. Journaliste de terrain, Pierre Weill estime qu’il rapporte des faits. Quand aux analyses, elles sont faites dans les rédactions centrales. La fameuse photo truquée de l’agence Reuters, véritable brebis galeuse du métier, a été évoquée. Les intervenants estiment dans l’ensemble que les journalistes font correctement leur travail, ce qui n’est pas l’avis de la salle qui accuse les médias de manquer d’objectivité. C’est un fait, estime Didier Epelbaum, que ce conflit est surexposé par rapport aux autres.
Modéré par la journaliste Hélène Keller Lind, avec la participation du chercheur Marc Knobel et du rabbin Michel Serfaty, l’atelier : « Comment vit-on aujourd’hui en banlieue quand on est juif ? » est rapporté par Ariel Goldmann.
Grâce aux chiffres publiés depuis plusieurs années par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et par le SPCJ, un tableau très précis de la situation des Juifs dans les banlieues peut être dressé. Il met en évidence que les Juifs subissent une « double peine ». On brûle leurs voitures et l’on dénie leur liberté au culte et à l’école. Établissant une distinction entre les différentes communautés en fonction de leur localisation et de leur importance numérique, le rabbin Serfaty a mis l’accent sur l’action, sous son impulsion, de l’Amitié Judéo-Musulmane de France.
Enfin, Jacques Tarnero, rapporteur de l’atelier : Les échéances électorales françaises modéré par Jean-Claude Lescure, avec Brice Teinturier, en posant la question : « Qu’est-on en droit d’attendre du futur président de la République ? », a fait remarquer que 13% des électeurs français ne souhaitent pas avoir un président juif, ce qui répond en partie à une autre question : « Qu’est-ce qu’on voudrait que le président ne soit pas ? ». Très applaudi, Jacques Tarnero.a estimé qu’il faut en finir avec les incantations du type « Plus jamais ça », car, hélas, « ça est en marche ».
Ancien ministre de la Défense, François Léotard a prononcé le discours de clôture, étonnant et enthousiasmant l’assemblée par sa fine connaissance du judaïsme et d’Israël. Mêlant anecdotes savoureuses et citations judicieuses, François Léotard, par son bouquet final d’une très grande hauteur a couronné une journée remarquable qu’à conclue le président du CRIF, Roger Cukierman.