Mars 2012, la France est sous le choc des attaques de Toulouse et Montauban. Hier, le procès en appel du frère et du complice présumé du terroriste s’est ouvert. L’occasion de nous entretenir avec Alain Bauer, Professeur de criminologie au Conservatoire national des Arts et Métiers, sur l’évolution de la société française face au terrorisme depuis 2012.
Entretien mené par Sophie Taïeb
Le Crif - Mars 2012/Mars 2019 : la France, depuis les attaques de Toulouse et Montauban, a connu sur son sol de nombreux attentats terroristes. Pensez-vous que si ces attaques avaient eu lieu aujourd’hui, les Français auraient réagi différemment ?
Alain Bauer - Il y a évidemment une force de résilience et de vigilance qui s’est installée. Parfois même de la résistance. Mais on ne sait jamais, entre la peur et le sursaut, ce que peut être la réaction d’un peuple. Disons que les citoyens ont été beaucoup plus forts que ce qui était attendu et espéré par les terroristes.
Le Crif - Quels sont les enseignements qu’a tiré le pays de ces différentes attaques ?
Alain Bauer - Qu’il n’était pas immunisé. Que l’attentat pouvait survenir sous des formes multiples et qu’il fallait aussi dépasser l’événement traumatique pour montrer sa détermination à vivre, malgré tout. Et que la résistance citoyenne, sous toutes ses formes, était possible.
Le Crif - Est-ce que la société française a développé comme on peut le lire parfois la résilience nécessaire pour affronter ces traumatismes ?
Alain Bauer - En tout cas bien davantage qu'attendu avant les attentats, et craint juste après. La société française, dans sa diversité, n’a pas sombré.
Le Crif - Qu’est-ce qui a changé dans les institutions, qu’est ce qui devrait changer au plus vite ?
Alain Bauer - Les institutions ont réagi. Elles sont peu proactives. Elles ont essayé de rattraper leur retard et prennent des mesures visant à pallier aux insuffisances constatées. Elles ont du mal à anticiper mais l’Etat a montré qu’il était encore capable de fonctionner, plus souvent à la base qu’au sommet, mais tout de même. Et des figures se sont imposées : Manuel Valls, Bernard Cazneuve, Jean Yves Le Drian. Pour le reste, l’investissement dans le descellement précoce et l’action préventive doit se poursuivre et d’intensifier.
Le Crif - De quels exemples d’autres pays pourrions nous nous inspirer ?
Alain Bauer - Il faut se méfier du copier-coller. La France dispose d’une culture toute particulière et l’inspiration doit servir à créer des outils sur mesure en évitant le prêt à porter notamment idéologique. Mais de nombreuses idées apparaissent un peu partout et il faut juste regarder ce qui peut s’adapter.
-> L’ouvrage Comment vivre au temps du terrorisme, d’Alain Bauer, François Freynet et Christophe Soullez est disponible aux éditions First