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Publié le 7 mars dans Le Parisien
Chaque année, au mois de mars, vient le temps des carnavals. Des moments festifs qui s’accompagnent parfois de dérapages. L’un des plus célèbres de Belgique, celui de la ville flamande d’Alost, a été le théâtre dimanche de deux animations jugées antisémites et racistes par plusieurs associations.
Un char caricaturant des juifs orthodoxes assis sur des sacs remplis d’argent a ainsi suscité l’indignation de la Commission européenne et de l’Unesco. « L’esprit de satire du carnaval d’Alost (dans le nord néerlandophone de la Belgique, ndlr) et la liberté d’expression ne sauraient servir de paravent à de telles manifestations de haine », a fustigé dans un communiqué l’agence des Nations unies pour l’éducation et la culture. L’Unesco rappelle que ce carnaval a été inscrit en 2010 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, comme l’est également la culture de la bière en Belgique depuis 2017.
Des images diffusées à la télévision montrent que de nombreux enfants s’amusent sur le char, déguisés en juifs orthodoxes, avec chapeau noir et papillotes sur les tempes. Associer des juifs en tenue orthodoxe à l’argent et au pouvoir, « c’est la banalisation d’un vieux cliché, un vieux mythe de l’antisémitisme », a déclaré Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme. Et « confronter de jeunes enfants à cette image, c’est quelque chose d’extrêmement violent ». Le responsable associatif a dit envisager la possibilité d’un dépôt de plainte.
Un carnaval déjà décrié en 2013
La polémique s’est aussi tournée sur plusieurs personnes grimées en membre du Ku Klux Klan, ce groupuscule suprémaciste blanc et violent. Selon la version belge de Paris Match, il s’agissait de se moquer du maire nationaliste du coin, Guy D’Haeseleer, auteur notamment en 2017 d’une publication raciste sur des enfants noirs. Seulement, ce dernier a tout sauf pris la mouche et même pris des photos tout sourire autour de ce char. « Il est évident que l’extrême droite ne se sent en aucun cas menacée par ces “moqueries” ce qui enlève encore plus de crédibilité à l’argumentaire des personnes “déguisées” », a souligné l’association Nouvelle Voie Anticoloniale.
En 2013, un char ressemblant à un wagon de chemin de fer nazi utilisé pour transporter des Juifs vers des camps de la mort avait déjà terni l’image du carnaval d’Alost. Une affiche sur le wagon représentait des politiciens flamands habillés en tenue nazie et tenant des pots de Zyklon B, le poison utilisé durant l’Holocauste.
« Tout est possible, et c’est une bonne chose »
Interrogé sur le char jugé antisémite, le maire d’Alost, issu de la N-VA (nationalistes flamands) a dénoncé « une forme de censure ». « Des piques innocentes aux provocations directes : à Alost, tout est possible, et c’est une bonne chose », a ajouté Christoph D’Haese dans une tribune au journal flamand Het Laatste Nieuws.
L’élu nationaliste affirme que « l’establishment (inter) national » ferait mieux de s’intéresser à cette « vérité inconfortable » qu’est selon lui le développement des idées antisémites « chez les jeunes musulmans ».
Les carnavals semblent tout cas le prétexte à tous types de festivités en Belgique, comme en France. En 2015, un ministre belge a été critiqué pour s’être grimé en « Noiraud », un personnage du folklore bruxellois censé représenter un roi africain. En décembre 2018 à Dunkerque, « Les Noirs », historique groupe de copains piliers du carnaval de la cité portuaire nordiste, ont eux aussi été accusés de racisme pour leur pratique du « blackface ».