Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur l’ancien Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Maire de Paris,
Madame la Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah,
Messieurs les Représentants des cultes,
Messieurs les Présidents, et ils sont nombreux ce soir
Chers Amis, et peut-être futurs présidents
Monsieur le Premier Ministre, c’est la première fois que le CRIF a le très grand honneur de vous recevoir au titre de cette fonction.
Mais c’est la 5ème fois que je m’adresse, depuis cette tribune, au Premier ministre. Une fois de plus, je parlerai des actes antisémites commis dans notre pays. Cependant, et j’en suis très heureux, ce sera pour évoquer un recul significatif de ces actes en 2005, de l’ordre de la moitié.
C’est une bonne nouvelle qui nous fait du bien après les années que nous venons de vivre. Et nous avons tenu à le faire savoir en Europe comme en Amérique.
C’est une bonne nouvelle qui est le fruit d’une mobilisation très large.
Mobilisation en tout premier lieu du Président de la République, du Premier ministre, du Gouvernement, de tous les partis politiques démocratiques de gauche comme de droite.
Mobilisation de la société civile et mobilisation des médias.
Monsieur le Premier ministre, nous avons pu apprécier votre engagement personnel dans ce combat. Nous avons été sensibles à votre émotion, ce 17 Juillet 2005, square des Martyrs Juifs du Vel d’Hiv, lorsque vous avez lu un texte écrit par un enfant, mort en pleine jeunesse, parce que juif, victime des nazis, avec la complicité d’hommes portant des uniformes français.
L’amélioration constatée en 2005 est due notamment à l’action des forces de police qui sous l’impulsion énergique du Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy, font preuve d’une efficacité dont je tiens à les remercier. Les Ministres de la justice, de l’éducation nationale, et les autres membres du comité interministériel contre le racisme et l’antisémitisme ont également droit à notre gratitude.
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Cette évolution ne signifie pas que les racines du mal ont disparu. Les actes antisémites se situent encore à un niveau sept fois supérieur à celui d’il y a 6 ans. Un immense effort éducatif reste à mettre en oeuvre. La célébration du centième anniversaire de la réhabilitation du Capitaine Dreyfus, que le CRIF compte organiser, y contribuera sans doute.
Aucun enfant ne naît raciste ou antisémite. Il faut enseigner à nos enfants, qui sont notre avenir, des règles de respect, des principes de civilité, qui sont à l’opposé du climat de la société actuelle. Une société marquée par ses problèmes sociaux, par ses replis identitaires, et par ses conflits. Et aussi par la violence, cette violence que le cinéma, la télévision, y compris satellitaire, et Internet nous assènent quotidiennement.
J’ai assisté vendredi à l’enterrement bouleversant d’un garçon de 23 ans Ilan Halimi, sauvagement torturé et assassiné par une bande nombreuse et organisée, une bande de monstres. Le Crif a appelé au calme et au sang froid. Mais une question s’impose à nous de manière pressante. Ilan est-il mort parce que juif ? Monsieur le Premier Ministre, vous devez la vérité à notre pays. Je demande à votre gouvernement de nous fournir la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, sur cette affaire et notamment sur les motivations des assassins.
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Aucun être humain ne doit être attaqué en raison de son identité, de son origine, de sa religion ou de la couleur de sa peau. Violer la dignité, l’essence d’un être humain, l’agresser en raison de ce qu’il est, ou, plus encore, de ce qu’il paraît être, ce n’est pas exprimer une opinion, c’est commettre un crime, un crime contre l’intégrité morale d’un individu.
Il appartient certes aux juges de dire ce qui est un crime et ce qui n’en n’est pas un, de même qu’il appartient aux juges de protéger la liberté d’expression et la liberté de la presse. Nous avons heureusement constaté que les décisions de justice semblaient prendre davantage en compte la gravité particulière des délits racistes et antisémites. Il n’en demeure pas moins que les crimes doivent relever du droit commun- et non pas du droit sur la presse comme c’est le cas aujourd’hui pour les délits racistes et antisémites. L’acharnement de quelques juges spécialisés, dans le droit sur la presse, à toujours relaxer le prétendu comique qui déclare « les juifs c’est une secte, une escroquerie » est choquant. Nous renouvelons notre demande de réintégrer les délits racistes et antisémites dans le droit commun.
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J’espère, comme vous, Monsieur le Premier Ministre, que le recul des actes antisémites se poursuivra.
Mais la société française est confrontée, en ce début du 3ème millénaire, à d’autres maux.
Notre pays connaît aujourd’hui une situation paradoxale. La France est un des pays les plus riches du monde. Mais, en même temps, bien des Français s’angoissent pour leur vie de tous les jours.
Les mutations économiques, les drames sociaux – le premier d’entre eux étant le chômage, sont porteurs de crises et mettent à jour les défaillances de notre société. Mais les tensions sont devenues aussi identitaires.
Aujourd’hui, notre société française a besoin de s’apaiser dans son cadre républicain. Il faut redonner aux Français de l’espoir, mais aussi le respect des symboles de l’Etat, mais aussi la fierté d’appartenir au pays des droits de l’homme et de la laïcité.
Dans cette perspective, la lutte contre les discriminations est une priorité. Personne ne doit se voir refuser un logement ou un emploi en raison de ses origines. Il en va du principe de fraternité auquel nous adhérons tous.
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D’autres maux minent encore la société française, en mettant en cause ses valeurs fondamentales.
Je redoute pour la France une pensée unique, nourrie des clichés de la bonne conscience populiste, et démagogique. Cette pensée est présente dans les forums internationaux. Elle fait entendre dans notre pays la voix du dénigrement et de l’auto flagellation.
Cet état d’esprit est trop souvent intolérant. Il incite certains au lynchage médiatique et à la diabolisation d’un Alain Finkielkraut, ce philosophe qui a combattu l’intolérance toute sa vie.
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Je n’aime pas la concurrence des mémoires. Une victime est toujours une victime, et un bourreau reste un bourreau. Mais cette universalité ne signifie pas que les événements qui se sont déroulés en différents lieux et à différentes époques puissent être étalonnés, ou comparés.
Dans ce contexte, la loi Gayssot, qui lutte contre le négationnisme, est un élément essentiel du cadre moral et juridique dans lequel nous vivons. Comme l’a écrit Claude Lanzmann, « la loi Gayssot n’est pas une limitation de la liberté de l’historien. Elle n’est rien d’autre que le rappel de l’obligation de vérité ».
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L’histoire est importante. L’avenir ne l’est pas moins. Le dialogue est précieux pour préparer notre avenir commun. C’est pourquoi le CRIF a une longue tradition de dialogue. Dialogue avec les responsables politiques démocratiques, avec les médias, avec la société civile.
Nous avons rencontré presque tous les syndicats et notamment les syndicats des enseignants et des magistrats. Sur notre demande l’Ecole de la Magistrature a introduit une formation sur l’antisémitisme.
Nous avons participé à la fondation d’une association de l’amitié entre Juifs et Afro antillais. Cette association promeut le dialogue là où certains, précisément, souhaitent créer un fossé de haine.
Nous avons renforcé une relation fructueuse avec l’Eglise catholique, marquée par notre présence à Rome, aux obsèques de Jean Paul II et à la commémoration de Nostra Aetate.
Avec la Fédération Protestante de France nous avons organisé un colloque commun ainsi qu’un voyage au Proche Orient.
Dans le même souci de dialogue, nous avons créé conjointement avec le Consistoire de Paris et la Mosquée de Paris une association de l’amitié judéo musulmane. Cette association a fait circuler, avec l’appui des délégations régionales du CRIF, et sans aucun incident, un bus de l’amitié dans trente villes de France pendant l’été 2005.
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Au moment d’aborder la politique étrangère, je voudrais partager avec vous notre émotion devant la sortie de la scène publique d’Ariel Sharon. Lui qui a affronté les périls de la guerre, le voilà terrassé par un accident de santé à un moment crucial pour l’avenir du Proche Orient. Au-delà de l’homme hors du commun, c’est son patriotisme, son sens des responsabilités, qui nous inspirent le respect. Cet homme qui avait mené tous les combats pour la survie d’Israël, qui avait même réussi à réduire la vague terroriste, a eu le courage d’amener son pays, contre la volonté de son propre parti, à se retirer de Gaza, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux espoirs de paix.
Nous aimerions tant avoir le moyen de lui faire savoir notre reconnaissance pour le courage de son action en direction de la paix. A cet instant, toutes nos pensées vont vers lui, vers son lit d’hôpital, pour lui adresser depuis cette terre de France, tous nos vœux dans cet ultime combat, et aussi pour souhaiter la réalisation de son projet d’une paix durable entre Israéliens et Palestiniens.
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Vous avez dit, Monsieur le Premier Ministre, que l’histoire de France est faite de quête de l’universel, plutôt que de la gloire des armes. L’universel, c’est le droit qui doit prévaloir sur la force, et la morale sur le calcul politique.
Il fut un temps où Yasser Arafat et la famille Assad jouissaient à Paris d’une grande considération. Il fut un temps où on ne parlait guère au Premier Ministre de l’Etat d’Israël.
Il fut un temps où une visite officielle en France d’Ariel Sharon n’allait pas de soi.
Il fut un temps où il était impossible à un Président du Crif, soucieux de sincérité, de ne pas critiquer les déséquilibres de la politique de la France au Proche Orient, au risque de susciter de l’irritation.
Mais quand de plus en plus d’événements ont une portée planétaire, comment penser que la politique étrangère puisse être absente du débat public ?
J’ai le plaisir de constater un changement appréciable. L’invitation faite à M. Sharon de venir à Paris, après quatre années sans rencontre au sommet, a été un acte politique important. Et c’est un accueil chaleureux que le Président de la République et vous-même avez réservé au Premier Ministre d’Israël fin juillet 2005.
Certains évènements ont joué un rôle dans cette évolution :
-----Le remplacement de Yasser Arafat par un homme de dialogue Mahmoud Abbas.
-----La décision prise par le Premier Ministre d’Israël du retrait de Gaza
-----L’assassinat, par qui nous savons, de l’ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri, avec le refroidissement subséquent des relations entre la France et la Syrie. Chacun sait que la Syrie sert de base arrière aux organisations terroristes, et n’est pas étrangère à l’élimination des patriotes libanais opposés à la domination syrienne.
Le temps du désamour d’Israël semble révolu. Je suis particulièrement heureux de cette harmonie retrouvée entre la France et Israël. J’en sais gré au Président de la République, à vous-même, Monsieur le Premier Ministre, ainsi qu’au Ministre des Affaires Etrangères. Il serait injuste d’omettre le rôle joué par le gouvernement de M. Jean Pierre Raffarin dans le début de cette inflexion.
Une nouvelle page semble en train de s’écrire entre la France et Israël, matérialisée par la création d’une Fondation France Israël. Elle est destinée à promouvoir une meilleure compréhension entre Français et Israéliens.
Désormais la France est à nouveau l’amie de tous les dirigeants de raison de la région, qu’ils soient arabes ou israéliens.
J’en profite pour dire combien nous sommes heureux de la présence hautement significative parmi nous ce soir des ambassadeurs d’Algérie, d’Egypte, de Jordanie, du Maroc, de Mauritanie, du Pakistan, et de Tunisie.
Le CRIF a constamment manifesté sa conviction que la solution du conflit du Proche Orient passait par l’existence d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël. La petite flamme de l’espoir de paix semblait à nouveau briller. La victoire du Hamas aux dernières élections palestiniennes nous replonge dans l’inquiétude.
Ce mouvement figure sur la liste européenne des organisations terroristes. Le Hamas prône dans sa charte la destruction de l’Etat d’Israël. Le Hamas est responsable de la mort violente de centaines de civils israéliens, hommes, femmes et enfants, victimes d’attentats terroristes aveugles. Il est responsable de plusieurs milliers de blessés. Rien ne sera possible si le Hamas ne renonce pas définitivement à sa charte et à l’action terroriste.
En revanche tout deviendrait possible si le Hamas, cédant aux réalités du pouvoir, prenait conscience des intérêts véritables du peuple palestinien. La communauté internationale a un rôle crucial à jouer. Elle doit refuser que le gouvernement d’un Etat ait pour projet la destruction d’un autre Etat.
Ses pressions pour être efficaces doivent s’appliquer de façon unanime et sans tergiversation. Je crains que l’initiative russe d’inviter à Moscou les dirigeants du Hamas ne soit un premier pas dangereux dans la voie du renoncement aux principes de fermeté affichés par la communauté internationale. Et j’avoue ne pas comprendre la précipitation de notre diplomatie à approuver cette initiative russe.
La France est aujourd’hui en position de jouer le rôle du médiateur qui inspire confiance à toutes les parties. Elle est en position d’être entendue.
Lorsque la France s’est jointe aux Etats-Unis pour exiger de la Syrie qu’elle se retire du Liban, cette demande a été immédiatement satisfaite. De même, l’Europe, pour la première fois, a été appelée conjointement par les Israéliens et par les Palestiniens à surveiller la frontière entre Gaza et l’Egypte. La paix au Proche-Orient passe par l’implication conjointe et ferme, et de l’Europe, et de l’Amérique.
Dans le climat de rapprochement entre la France et Israël, permettez-moi, Monsieur le Premier Ministre, de rêver,
de rêver à l’entrée tant attendue, et si légitime, d’Israël dans l’Organisation Internationale de la Francophonie. A l’occasion par exemple de la prochaine réunion, à l’automne, en Roumanie. Le maintien de l’exclusion serait choquant, serait incohérent.
de rêver aussi à la célébration du 14 juillet dans ce bel édifice qui abrite, en plein quartier juif, le Consulat de France à Jérusalem. Mais Israéliens et Arabes y seraient invités cette fois ensemble, en une fête unique, au lieu des deux cérémonies séparées de ces dernières années,
de rêver enfin au transfert de Tel-Aviv vers Jérusalem, de l’Ambassade de France en Israël. La France serait ainsi la première grande puissance à reconnaître un fait simple, un fait réel. Jérusalem est la capitale de l’Etat d’Israël.
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Utopique tout cela ? Non, le mot utopie n’a pas de sens en Israël, car Israël est la terre des miracles !
Mais revenons aux réalités immédiates ! Il y a dans cette région du monde une cause nouvelle d’immense inquiétude.
Monsieur le Premier Ministre, l’histoire nous a appris qu’il fallait toujours prendre au sérieux les menaces. Il y a plus de 70 ans, en Europe, un petit homme moustachu, et vociférateur avait déjà écrit son projet de suprématie raciale. Pour ne l’avoir pas cru, l’Europe a payé le prix fort.
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Aujourd’hui un autre petit homme tient un langage aussi inquiétant. Il vient d’Iran.
Les déclarations du président iranien n’ont rien à envier au Mein Kampf de Hitler. Hitler l’a écrit. Hitler l’a dit. Hitler l’a fait. Et Hitler n’avait pas la bombe atomique.
Va-t-on s’accoutumer à ces délires ?
Les projets de ce président iranien constituent un danger pour tous les musulmans qui ont une vision modérée de l’Islam, ainsi que pour les droits des femmes musulmanes.
Ils sont aussi un danger pour les pays occidentaux.
Ils sont évidemment un danger pour Israël.
Ses propos ont été immédiatement accueillis par de fortes déclarations de rejet par toutes les chancelleries occidentales. L’opinion publique française les condamne sévèrement à 85% selon un sondage que le CRIF a commandé à la Sofres. On doit s’en féliciter ! Mais après ? Que fait-on ? Où va-t-on ?
Comment faire comprendre au grand peuple iranien que son Président fait courir des risques à la terre entière, et pour commencer au peuple iranien lui-même ?
Faut-il rappeler que l’Afrique du Sud, du temps de l’Apartheid, subissait des sanctions économiques, et ne pouvait participer à la plupart des compétitions sportives internationales ? Cette pression fut efficace et l’Afrique du Sud s’inclina devant l’opprobre international.
Va-t-on appliquer à l’Iran des sanctions économiques ?
Va-t-on exclure l’Iran des compétitions sportives internationales ? Et notamment de la phase finale de la Coupe du Monde de football ? Une telle décision aurait un impact considérable sur le peuple iranien, très fier, et à juste titre, de son accession à cette phase finale.
Va-t-on réagir après l’agression contre notre ambassade à Téhéran ?
Va-t-on rompre les relations diplomatiques ?
Va-t-on exclure l’Iran de l’ONU ?
Il y a danger et le temps presse.
Il y a danger car nous savons, d’expérience, que les dictatures n’ont que mépris pour les démocraties. Il y a danger car l’Iran entend mener à terme son programme nucléaire.
Il y a danger car les menaces du Président iranien sont incompatibles avec la détention de l’arme nucléaire. Certes il n’existe pas de solution indolore. C’est peut-être ce que pensaient les représentants de la France et du Royaume-Uni à Munich en 1938.
Aujourd’hui, il est essentiel que l’Iran acquière la conviction qu’il fait face aux descendants de De Gaulle, et de Churchill, et non à ceux de Daladier et de Chamberlain.
La France, seule, ne peut rien dans cette affaire. Mais elle peut tout, si elle agit en union complète avec l’Europe et les Etats-Unis.
Monsieur le Premier Ministre, nous souhaitons que la France joue un rôle moteur dans l’union des grandes puissances occidentales. L’Europe et les Etats-Unis doivent imposer aux Iraniens, par tout moyen, de renoncer à l’arme nucléaire alors qu’il est encore temps. Et le temps presse.
Monsieur le Premier Ministre, nous sommes heureux du chemin parcouru par la France dans la lutte contre les actes antisémites, et dans une politique lucide et équilibrée au Proche-Orient. Nous voulons espérer que vous saurez jouer un rôle déterminant dans cette affaire iranienne, si dangereuse, si complexe.
Parce que nous savons votre volonté de contribuer à tous les efforts de paix,
Parce que nous savons ce que nous devons à notre République,
Parce que nous croyons aux valeurs éternelles de la France,
Nous avons confiance dans l’avenir.
Vive la République !
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DISCOURS DE DOMMINIQUE DE VILLEPIN, PREMIER MINISTRE
Monsieur le président du Conseil représentatif des institutions juives de France,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Messieurs les représentants des cultes,
Madame la Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah,
Chers amis,
Avant toute chose, permettez-moi d’adresser un message à la famille d’Ilan HALIMI, qui pleure son fils assassiné dans des circonstances dramatiques. Je veux dire à chacun d’entre eux combien je m’associe à leur douleur. Je veux leur dire que mes pensées vont vers eux. Je veux qu’ils sachent que nous ferons tout pour que les auteurs de ce crime barbare soient arrêtés et traduits devant la justice. J’ai demandé au Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et au Garde des Sceaux que toute la lumière soit faite sur cette affaire, y compris bien sûr, sur les motivations de cet acte odieux. Je tiens d’ailleurs à vous dire, comme je viens d’en avoir confirmation, que le juge d’instruction a retenu, dans cette affaire, la circonstance aggravante de crime commis à raison de l’appartenance à une religion. Nous devons la vérité à la famille l’Ilan. Nous vous devons la vérité. Nous devons la vérité à tous les Français.
C’est un grand honneur pour moi de prendre la parole devant vous ce soir.
Et c’est avec une grande émotion que je vous retrouve cette année. Comme Ministre des Affaires Etrangères et comme Ministre de l’Intérieur, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion d’aborder avec vous des questions importantes.
Je connais votre attachement à la France, à la République et à ses valeurs, je connais la franchise et la passion avec laquelle vous abordez les grandes questions qui concernent nos concitoyens juifs et la République : et je vous remercie M. le Président d’avoir, une fois encore, parlé avec votre cœur.
* * *
I. Moi aussi, je veux parler avec mon cœur et vous dire avec force, avec conviction : la lutte contre l’antisémitisme est pour moi une priorité absolue. Parce que je me sens responsable de votre sécurité à tous. Et parce que l’antisémitisme est la négation de l’esprit républicain.
- Je me souviens, lorsque j’étais Ministre de l’Intérieur, de l’émotion et de l’indignation partagée par toute la communauté nationale après la profanation du cimetière d’Herrlisheim en avril 2004. Je me souviens aussi de la solidarité de tous ceux qui étaient venus apporter leur soutien lors de la cérémonie interreligieuse à laquelle ont assisté plus de 500 personnes.
- Nous ne pouvons accepter que des lieux de culte ou des écoles soient dégradés sur notre territoire. Nous ne pouvons tolérer que des enfants soient menacés, des citoyens agressés en raison de leurs croyances. Je veux le redire aujourd’hui avec force : rien ne saurait excuser de telles violences. Rien, aucune raison politique ou historique ne saurait les justifier. Nous irons jusqu’au bout de chaque enquête. Nous ferons tout pour que la Justice puisse faire son travail.
- En 2005 les actes antisémites ont diminué de 47% par rapport à l’année précédente. C’est le résultat de la mobilisation de tous.
Le Ministère de l’Intérieur et les forces de sécurité d’abord : et je veux saluer la détermination de Nicolas Sarkozy, dont je sais qu’il est particulièrement attaché à ce combat :
- Lorsque j’étais Place Beauvau, j’ai tenu à mettre en place, sous l’autorité des préfets, des structures de veille et de coordination de services de l’Etat : elle sont opérationnelles depuis 2004.
- J’ai souhaité également améliorer le suivi statistique des faits antisémites ainsi que des poursuites pénales. Par ailleurs nous avons amélioré la coopération entre la police nationale et les bénévoles du Service de protection de la communauté juive, qui assurent un travail remarquable, afin de mieux prendre en compte les questions de sécurité.
- Je voudrais également saluer l’action de la Chancellerie, qui, sous l’impulsion de Pascal Clément, travaille sans relâche au renforcement de l’arsenal législatif. La loi permet désormais d’aggraver les peines et de punir les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.
L’information et la concertation avec les communautés religieuses et les associations ont été renforcées.
Comme vous l’avez rappelé, M. le Président, la formation des magistrats à l’Ecole Nationale de la Magistrature intègre désormais une meilleure préparation aux questions de lutte contre l’antisémitisme.
Grâce à la mobilisation des parquets, la Justice est aujourd’hui plus sévère face aux actes d’antisémitisme : désormais les poursuites sont systématiques lorsque l’auteur est identifié. La comparution immédiate et les peines d’emprisonnement ferme sont possibles dans les cas les plus graves, mais aussi pour des délits d’atteintes aux biens.
- De son côté, Gilles de Robien s’est engagé pour mieux préparer les enseignants confrontés à ce fléau : le Ministère de l’Education nationale mettra en place dès cette année un dossier de référence pour les enseignants et les responsables d’établissements, qui sera également disponible sur Internet.
- Enfin, avec Philippe Douste-Blazy, le Ministère des Affaires étrangères mène une action d’information sur les efforts que nous mettons en place dans la lutte contre l’antisémitisme. Notre mobilisation ainsi que les bons résultats obtenus ont d’ailleurs été salués aussi bien en Israël que par les représentants de la communauté juive aux Etats-Unis et dans le monde entier. Par ailleurs, la France est engagée dans la lutte contre l’antisémitisme au sein de l’Union Européenne ainsi que dans les grandes enceintes internationales.
- Depuis un an, nous avons ciblé nos efforts sur les nouveaux supports pouvant véhiculer des messages antisémites :
Un guide actualisé sur la cybercriminalité sera prochainement publié par le Ministère de la Justice : il contient des instructions spécifiques pour lutter contre la propagande antisémite.
Nous voulons également être plus vigilants avec les programmes de la télévision satellitaire : c’est ce que nous avons fait en juillet 2004 en demandant à la société satellitaire Eutelsat d’interrompre la diffusion de la chaîne Al Manar, qui avait diffusé des programmes antisémites.
Cette année, les nouvelles dispositions de janvier 2006 donnent le pouvoir au CSA de refuser de conventionner une chaîne qui transmettrait des messages inacceptables.
- Enfin, lors du dernier Comité Interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme que j’ai présidé, nous avons décidé de nouvelles mesures :
Le développement de la vidéo-surveillance aux abords des zones les plus sensibles, notamment les écoles et les lieux de culte ; le programme de mise en sécurité des établissements scolaires, des locaux communautaires et des lieux de culte sera poursuivi. Une nouvelle subvention sera versée au Fonds social juif unifié, qui est l’interlocuteur de l’Etat en la matière.
Nous avons également décidé la mise en place d’un point de signalement Internet qui devra recueillir et traiter les signalements portant sur les messages ou les comportements illicites sur la toile, au premier rang desquels les contenus antisémites ou racistes.
II. La lutte contre l’antisémitisme est un devoir moral. Elle doit aussi nous aider à construire une société de la République et non des communautarismes :
L’histoire des Juifs français est intimement liée à celle de la République. Depuis l’émancipation inspirée des valeurs de 1789, vous avez toujours été les défenseurs les plus ardents de l’esprit républicain et de ses principes universels.
Vous avez rappelé, Monsieur le Président, l’importance de la commémoration de l’affaire Dreyfus. Vous avez raison, car elle marque le lien indéfectible qui unit les Juifs de France et le destin de la République.
Car l’histoire de l’affaire Dreyfus, c’est l’histoire d’une vérité : une vérité que d’abord personne ne veut entendre ; une vérité qui s’insinue peu à peu sous la forme d’un simple doute, un simple soupçon, qu’exprime Bernard Lazare à l’automne 1896 : « Il est encore temps de se ressaisir. Qu’il ne soit pas dit que, ayant devant soi un Juif, on a oublié la justice. » Avec l’acquittement et la réhabilitation de Dreyfus, la République impose la vérité contre la rumeur publique, la justice individuelle contre la Raison d’Etat.
Et je veux rappeler ici les paroles de Théodore Reinach, qui malgré la campagne d’antisémitisme qui accompagna cette affaire, affirme sa confiance dans la République : « Ne confondez jamais la France avec l’écume qui s’agite impunément, mais passagèrement à sa surface. Continuez à l’aimer de toutes vos forces, de toute votre âme comme on aime une mère, même injuste, même égarée, parce qu’elle est votre mère et parce que vous êtes ses enfants ». Voilà le message qu’il adressait alors aux élèves des écoles consistoriales en juillet 1898.
- Aujourd’hui plus que jamais c’est cet esprit que nous devons défendre face aux tentations du repli et du communautarisme : car la cohésion nationale n’est pas une chose acquise. La crise des banlieues nous a rappelé il y a quelques mois seulement que vivre ensemble est plus que jamais un défi quotidien :
Cela implique d’abord que nous luttions contre toutes les formes de racisme et de discriminations. Nous le savons : les chances ne sont pas les mêmes pour tous les enfants de la République. Cette injustice, le président Jacques Chirac l’a dit, c’est un véritable poison pour notre société. C’est pourquoi j’attache tant d’importance au projet de loi sur l’égalité des chances, qui permettra de revitaliser les quartiers défavorisés et donnera de nouvelles opportunités à tous ceux qui rencontrent aujourd’hui des difficultés.
La cohésion, c’est donner les mêmes chances à chacun. Mais c’est aussi faire en sorte que chacun respecte les mêmes devoirs. Je pense en particulier à la laïcité : nous venons de célébrer le centenaire de la loi de 1905. Ce texte constitue aujourd’hui encore le meilleur garant pour l’égalité entre les cultes et pour la liberté de conscience. Je pense aussi au respect et à la tolérance, qui sont au cœur de l’esprit républicain. Oui, la liberté d’expression doit être défendue envers et contre tout, parce qu’elle est un fondement de l’Etat de droit. Mais elle s’arrête là où commencent l’insulte, la diffamation, la xénophobie. Prenons garde à tout ce qui peut blesser les consciences et les convictions.
- Car pour faire vivre la diversité française, nous avons besoin de respect et d’ouverture. Tout en restant fidèle à son idéal universel, la République doit aujourd’hui mieux reconnaître l’identité de chacun :
A Jérusalem, un jeune rabbin m’expliquait que la France, en hébreu, se dit « Tsarfat ». Et « tsarfat », c’est aussi le creuset de l’orfèvre. Dans ce creuset les métaux apportent chacun leur qualité, leur beauté. Chacun est indispensable à l’équilibre de l’ensemble. Le secret de l’orfèvre, c’est de faire que l’alliage final reflète chacun des différents métaux qui le composent. Et bien, me disait ce rabbin, le secret de l’orfèvre, c’est le génie de la France.
Vous êtes la meilleure preuve que l’unité de la France, ne signifie pas l’uniformité : c’est ce que disait le grand rabbin Kaplan. C’est encore ce qui a permis à Emmanuel Lévinas, originaire de Lituanie, de devenir juif de France, une nation à laquelle, disait-il « on peut s’attacher par l’esprit et par le cœur aussi fortement que par les racines ».
La force de la France, c’est sa diversité. Cela implique que nous soyons capables de faire de la place à l’histoire de chacun, aux mémoires de tous. Nous avons vu combien certaines pages de notre histoire sont encore douloureuses et difficiles à évoquer. C’est pourquoi il est essentiel de laisser les historiens faire leur travail dans un climat de sérénité et d’apaisement. C’est pourquoi le président de la République a demandé la modification de l’article 4 de la loi de février 2005 : je sais, Monsieur le Président, que vous y étiez vous-mêmes favorable.
Notre pays ne doit pas avoir peur de regarder son passé avec lucidité. Le choix d’une journée de commémoration de l’esclavage permettra à tous les Français de se rassembler autour du souvenir d’un épisode constitutif de notre histoire nationale, mais aussi d’affirmer notre attachement à la liberté et à la dignité de l’homme.
III. Ces valeurs, nous devons également les affirmer à l’échelle internationale :
- Vous avez posé, M. Le Président, la question de la politique étrangère de la France. Cette politique repose sur des principes :
Premier principe, le respect de la règle de droit : parce que c’est le droit international qui garantit la paix et la stabilité.
Deuxième principe, la reconnaissance des identités nationales : parce que le respect de ces identités est le seul moyen d’éviter le sentiment d’injustice, qui fait le terreau de tous les extrémismes.
Troisième principe, le rassemblement de la communauté internationale : parce que nous savons que nous ne répondrons aux grands défis d’aujourd’hui qu’en rassemblant nos forces et nos ambitions.
- C’est vrai en particulier pour l’Iran.
L’Iran est une grande nation, héritière d’une civilisation millénaire : c’est une réalité historique et culturelle que nous devons prendre en compte.
C’est aussi pour l’Iran une exigence qui doit le conduire à davantage de responsabilité : de ce point de vue, les propos tenus par M. Ahmadinejad sont indignes. La France les a condamnés sans réserve et avec détermination. Nous ne pouvons pas accepter que le dialogue entre les Etats soit détourné par des provocations inacceptables qui blessent Israël, le peuple juif et l’honneur de toute la communauté internationale.
L’Iran a par ailleurs décidé de reprendre ses activités d’enrichissement d’uranium, et de rompre ainsi avec ses engagements internationaux. Vous le savez, c’est une question majeure, qui nous mobilise tous aujourd’hui, en particulier avec les Britanniques et les Allemands. Nous avons également affiché avec le Président Poutine notre objectif commun d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.
Le Conseil de sécurité et l’Agence Internationale de l’Energie Atomique vont travailler au cours des prochaines semaines avec une exigence de résultat. Des solutions existent : les Russes ont ouvert une première voie en proposant d’accueillir chez eux les activités d’enrichissement d’uranium. Des inspections renforcées sur place pourraient constituer une autre solution. Entre l’escalade non maîtrisée et la passivité, il existe une voie exigeante de responsabilité que nous devons tracer.
- Vous avez aussi exprimé, M. le Président, votre inquiétude au sujet du Hamas. Je veux le redire avec force : la France ne transigera jamais avec la sécurité d’Israël. La France sera toujours aux côtés d’Israël, pour réaffirmer notre refus absolu du terrorisme, du fanatisme, de la violence. Notre conviction, c’est que cette sécurité ne pourra être pleinement assurée que par une paix durable dans la région, fondée sur la justice. C’est pour cela qu’une solution politique est indispensable. C’est tout le sens de l’engagement constant de la France au Proche-Orient.
Par sa décision d’évacuer Gaza, le gouvernement israélien a tracé une perspective qui correspond, j’en suis convaincu, à une attente véritable du peuple israélien. Celle d’ouvrir le chemin de la paix, tout en garantissant la sécurité d’Israël. Le Premier Ministre par intérim Ehud OLMERT saura, j’en suis sûr, trouver le bon équilibre entre une vigilance renforcée et la nécessité d’une relation pragmatique avec le peuple palestinien.
La France a été l’une des premières à tirer les conséquences de la victoire aux élections palestiniennes du Hamas. Le jour même de l’annonce de ces résultats, j’ai marqué mon inquiétude. Nous avons posé trois principes clairs pour un dialogue avec tout gouvernement palestinien, quel qu’il soit :
La renonciation à la violence,
La reconnaissance de l’Etat d’Israël,
La reconnaissance des accords signés par le passé entre Israël et l’OLP.
Ces principes constituent un préalable indispensable à un dialogue des autorités françaises avec le futur gouvernement palestinien issu des dernières élections.
La France continuera d’œuvrer pour la recherche d’une solution juste et durable au conflit, permettant d’assurer l’existence de deux Etats, l’un israélien, l’autre palestinien, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.
- Face à ces défis, nous serons aux côtés d’Israël.
-
En disant cela je pense bien sûr à Ariel Sharon. Mon émotion est d’autant plus forte que notre rencontre l’été dernier, ici à Paris, avait été un moment particulièrement marquant : je me souviens de ce qu’il m’avait dit ce soir là : vous savez Monsieur de Villepin, voilà plus de 4000 ans que mon peuple attend la paix. Il me reste peu de temps à vivre. Et croyez-moi, je souhaite voir cette paix de mon vivant. Quelques jours plus tard, nous nous étions revus lors de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. Je me souviens de son discours : « Moi, avait-il dit, que le cours de la vie a amené à être combattant, commandant et officier supérieur dans toutes les guerres d’Israël, je tends aujourd’hui la main à nos voisins palestiniens pour les inviter à la réconciliation. »
Ce soir nos pensées vont vers lui.
- Car les liens entre la France et Israël sont étroits :
Les juifs de France constituent la deuxième communauté juive au monde, en dehors d’Israël : ces liens humains sont un atout. Le partage d’une même langue avec la communauté francophone d’Israël, constitue également un lien de cœur et de culture essentiel.
Nos sociétés dialoguent toujours davantage, que ce soit à travers les livres ou le cinéma. Mais notre coopération progresse également au niveau scientifique, universitaire et économique, grâce au Groupe de Haut Niveau qui travaille depuis 2003 sous l’impulsion du professeur David Khayat et de l’ambassadeur Yehouda Lancry.
Ces liens, j’avais voulu, lorsque j’étais Ministre des Affaires Etrangères, les réaffirmer. J’ai été touché par ces étudiants qui se pressaient nombreux à l’Université hébraïque du Mont Scopus, autour de Jacques Derrida, avec cette soif de connaissance et de partage aiguisée par les textes du grand philosophe.
La France et le peuple juif, ce sont deux histoires qui se croisent et se répondent. D’un côté, le premier grand monothéisme, fondant les règles d’une morale universelle. De l’autre, le pays des droits de l’homme et des Lumières. Ces deux pensées universelles sont aujourd’hui indissociables, tant elles se doivent l’une à l’autre.
Pour renforcer cette relation nous disposons désormais d’un outil précieux : la Fondation France-Israël, décidée par le Président de la République et Ariel Sharon et qui a vu le jour cette année.
Dans le domaine économique, scientifique, culturel et artistique, elle a pour objectif de fédérer la société civile, les entreprises et les Etats, en encourageant, soutenant ou en assurant elle-même la promotion de projets communs.
La Fondation fêtera du 15 au 18 mai 2006 l’amitié franco-israélienne, à travers un programme d’activités multiples. Une semaine de l’amitié franco-israélienne sera également programmée en Israël à l’automne 2006.
Ce dialogue renouvelé entre Israël et la France, nous l’avons fondé sur la confiance. Il n’y a eu, de part ou d’autre, ni reniement ni silence complaisant mais bien une volonté partagée : la volonté de se mettre à la place de l’autre pour comprendre ce qu’il ressent, la volonté de le respecter et de l’aider à surmonter les difficultés, dans un esprit d’amitié et de respect.
IV. Dans un monde plus fragile que jamais, l’amitié franco-israélienne est essentielle.
- Vous avez évoqué, M. le Président, la violence et les crises auxquelles nous sommes confrontés à travers le monde. Cette année encore sera, nous le savons, une année difficile. De nombreuses régions sont en proie à l’instabilité. La menace terroriste est toujours aussi inquiétante. Les réactions de certains pays musulmans aux caricatures parues dans un certain nombre de journaux européens nous montrent que l’incompréhension et l’amalgame peuvent à tout moment briser le dialogue entre les peuples.
Pour sortir de ce cercle de la violence, nos meilleures armes sont la connaissance et l’éducation. Ce sont elles qui permettent à chacun de savoir qui il est, d’où il vient mais aussi de comprendre qui est l’autre, quelle est son histoire, quelles sont ses blessures.
Le peuple juif a toujours été un peuple du livre, du dialogue et de la transmission. De Rachi à Emmanuel Lévinas, les grands exégètes du Talmud n’ont cessé de nourrir une pensée qui conjugue la fidélité aux Ecritures et l’audace de l’interprétation. Cette sagesse, elle ne s’adresse pas seulement au peuple juif : ce que le judaïsme apporte à toutes les nations et à tous les peuples c’est, nous dit Lévinas, « cette persévérance longue comme l’éternité, que seul peut porter quelqu’un d’aussi vieux que le monde ».
- En retour, nous avons le devoir de ne jamais oublier. Ne jamais oublier ces heures où l’Europe s’est trahie en livrant aux bourreaux nazis un peuple qui détenait une part de son identité. Ne jamais oublier ce dont l’homme est capable lorsqu’il se renie et bafoue ses valeurs, en appliquant des ordres ou tout simplement en baissant les yeux. Ne jamais oublier la responsabilité de la France, qui n’a pas su protéger ses enfants de la barbarie. Ne jamais oublier non plus les Justes de France, qui par leur courage et leur humanité, ont sauvé l’âme de notre pays. La France leur doit un hommage digne de leur geste.
- C’est pourquoi je voudrais réaffirmer aujourd’hui ce que j’avais dit lors de la commémoration de la rafle du Vélodrome d’Hiver en juillet dernier : cette mémoire, elle ne s’éteindra pas. Et je salue ici l’action courageuse de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et de sa Présidente Simone VEIL.
- La France ne manquera pas à son devoir. A cet égard, permettez-moi d’évoquer l’indemnisation des spoliations intervenues pendant la période de la Shoah.
Aujourd’hui, nous sommes à la veille de la conclusion d’un accord franco-américain constatant l’accomplissement de tous les engagements pris dans le cadre de l’accord de Washington à l’égard des victimes spoliées de leurs comptes bancaires. En cinq ans tous les engagements pris ont été tenus. Demain, le 21 février les délégations française et américaine adopteront un texte qui se félicitera de l’accomplissement plein et entier de l’accord signé il y a cinq ans.
La France adoptera des mesures supplémentaires en faveur de certaines victimes spoliées. La dignité due aux survivants, derniers acteurs et derniers témoins directs de cette période de honte et de tragédie, exige cette reconnaissance.
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Mesdames, Messieurs
Chers amis,
La République sait ce qu’elle doit à ses citoyens juifs, qui lui ont si souvent ouvert les yeux et qui l’ont défendue, parfois au prix de leur vie. La France a donc une responsabilité particulière dans la lutte contre l’antisémitisme, ainsi que toute forme de racisme sur son territoire et à travers le monde. Vous pouvez compter sur moi et sur mon gouvernement pour affirmer ce message et le traduire en actes.
Plus que jamais nous devons affirmer nos principes républicains, ces principes auxquels vous êtes si attachés. Ma conviction, c’est qu’ils sont les repères dont notre pays a besoin pour faire face aux nouveaux défis du monde, tout en restant fidèle à son histoire.
A nous de montrer que la laïcité constitue le meilleur moyen de garantir le respect des cultes et le dialogue entre les religions.
A nous d’affirmer la richesse de la diversité française : notre voie c’est celle de la République une et indivisible, où chaque citoyen trouve sa place, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Tous ensemble, soyons fiers de cet esprit républicain et de son idéal d’universel, qui sont la meilleure réponse à la haine et à la violence.