Actualités
|
Publié le 25 Février 2016

Hommage a Pierrot Kauffmann et émouvante critique du "gardien de nos frères"

Pierre Kauffmann, dit Pierrot, fut l’un des chefs des EI et de la résistance juive et, au sortir de la guerre, dirigea la maison d’orphelins juifs à Jouy-en-Josas.

Par Serge Hartmann, publié dans les Dernières Nouvelles d'Alsace, partagé par Francois Heilbronn sur sa page Facebook le 24 février 2016
 
Le journaliste des Dernières Nouvelles d’Alsace, Serge Hartmann, rend un bel hommage à Pierrot Kauffmann au travers de sa belle critique du « Gardien ». Il a souhaité rendre hommage à Pierrot, celui qui dirige la maison de Jouy dans le roman. Pierre Kauffmann, dit Pierrot, mon ami et celui d’Ariane. L’un des chefs des EI et de la résistance juive qui au sortir de la guerre va diriger cette maison d’orphelins juifs à Jouy-en-Josas. Pierrot guida Ariane dans cette recherche jusqu’à la veille de sa mort, où il lui donnait les contacts de ses orphelins qu’il a élevé et qu’Ariane a rencontré pour son roman. En photo, Pierrot avec qui je siégeais pendant plus de 15 ans au Conseil du Mémorial, les remerciements d’Ariane à Pierrot dans le gardien et ci-dessous la critique des Dernières Nouvelles d’Alsace.
Ariane bois - Roman Les « dépisteurs » d’enfants juifs
"Ils eurent pour tâche, après-guerre, de retrouver les enfants juifs dispersés par la tourmente nazie : Ariane Bois éclaire un aspect méconnu de la Libération. « Le gardien de nos frères » éditions Belfond, 400 pages.
 
Il s’appelait Pierre Kauffmann mais au sein des Éclaireurs israélites de France, dont il fut l’un des chefs historiques, on l’appelait simplement Pierrot. Originaire de Strasbourg, décédé en 2013 à 93 ans, il est l’un de ceux qui dans la France tout juste libérée s’activèrent pour accueillir les enfants juifs placés dans l’urgence de l’Occupation chez des particuliers ou au sein d’organisations chrétiennes.
 
La mission que Kauffmann s’était fixée avec d’autres figures de la communauté juive de France : remettre tous ces gamins à leurs parents ou, lorsque ceux-ci avaient disparu dans les camps, à un oncle ou une tante.
 
Et quand, cela arriva tant de fois, toute une famille avait été décimée, il s’agissait de leur assurer, dans un foyer près de Paris, de quoi se reconstruire dans une ambiance familiale respectueuse de leurs racines juives.
 
Encore fallait-il retrouver ces enfants ! Cachés durant la guerre, beaucoup le restèrent la paix venue, leurs familles ou structures d’accueil, pour diverses raisons, des plus louables aux plus intéressées, s’accommodant de les conserver auprès d’elles.
 
S’il n’est pas le personnage central du roman d’Ariane Bois, Le gardien de nos frères , Pierrot y apparaît tout naturellement au regard du thème que l’auteure développe : celui de la recherche de ces enfants juifs éparpillés à travers le territoire durant la guerre – leur nombre était évalué à 10 000. Une recherche confiée à de jeunes « dépisteurs », l’opération ayant été financée grâce à des dons provenant des États-Unis.
 
Chercher ou ne pas chercher ?
 
Évoluant entre Paris et Toulouse, Simon Mandel est l’un de ces dépisteurs autour duquel se construit le récit. Issu d’une famille juive décimée, parallèlement à ses missions, il mène sa propre quête : retrouver son frère cadet, Elie. Celui-ci, alors âgé de 10 ans, avait été confié à une nounou originaire du Sud-Ouest, brutalement décédée au printemps 1944 sans qu’on sache ce que l’enfant est devenu.
 
Certes Ariane Bois restitue avec justesse ce que furent les interrogations de nombreuses familles juives françaises confrontées à la déferlante de l’armée allemande. Fallait-il rester en France ? Se déclarer à la police comme l’exigèrent les premières mesures antijuives de l’État vichyste ? Accepter de porter l’étoile jaune ? Croire en la protection de la France ? Mais si le gouffre qui bientôt s’ouvre sous les pieds de la famille Mandel illustre une page tragique de notre histoire, c’est bien plus ce qu’Ariane Bois révèle de l’immédiat après-guerre qui apporte une consistance inattendue au récit.
 
Ce fut une période où, passée la première émotion liée à la découverte de l’existence des camps, l’opinion publique n’attacha plus guère d’importance à la Shoah et se réfugia derrière la doxa gaulliste d’une France totalement habitée par la Résistance. Une époque où, dans la presse française, on déconseillait de chercher à retrouver les enfants juifs supposés « assimilés » dans leurs familles d’accueil…
 
Hommage à l’OSE
 
Si la tonalité se complaît parfois dans le romanesque, Ariane Bois signe un texte émouvant sur les thèmes de la perte, de l’absence, de la difficulté à se reconstruire par-delà le poids de la mémoire.
 
Elle rend hommage à ceux qui, au sein de l’OSE (L’Œuvre de Secours aux Enfants) ou des Éclaireurs Israélites de France, ont tenté de rendre un foyer à ces garçons et filles dispersés dans les campagnes de France."