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Publié le 21 Janvier 2016

Décès de la romancière et ancienne résistante Edmonde Charles-Roux

Celle qui présida l'Académie Goncourt après en avoir reçu le prix pour "Oublier Palerme" s'est éteinte hier soir à l'âge de 95 ans.

Publié dans le Figaro le 21 janvier 2015
 
Elle ne voulait pas écrire ses mémoires, ni raconter sa vie. Parce que parler d'elle, c'était d'abord parler de sa famille. C'était l'assumer, en épouser le renom et les causes. Car avant d'être «Edmonde», la présidente du prix Goncourt fut mademoiselle Charles-Roux, fille d'une lignée de Marseillais illustres: des huiles, si l'on ose écrire. Jules-Charles Roux, descendant du premier savonnier de la ville avait été député de Marseille et président de la Compagnie du Canal de Suez. Il fut autorisé en 1909 à porter le nom de Charles-Roux. Son fils François Charles-Roux (1879-1961) fut ambassadeur de France à Prague et au Vatican, et grand ami de Pie XII. Il était le père d'Edmonde. Sa mère s'habillait chez Madeleine Vionnet et Schiaparelli. Elle était belle et froide et laissait ses enfants sous la responsabilité des nurses. La petite fille en souffrira.
 
La littérature baigna son enfance, comme la Méditerranée. Son grand-père, membre du Félibrige, avait usé de son prestige pour faire obtenir le prix Nobel à Mistral. Ses parents la prénommèrent Edmonde, en hommage à l'illustre voisin Rostand, ami de sa grand mère. Chez les Charles-Roux, diplomatie, politique et belles lettres faisaient bon ménage.
 
La guerre comme ambulancière
 
François et Sabine Charles-Roux eurent trois enfants. Née en 1920, Edmonde est la dernière. Les aînés se nomment Jean-Marie et Cyprienne. Le premier se fera prêtre exerçant son ministère à Londres, à Sainte-Etheldreda au cœur de la City. Ce royaliste, portant soutane, sera toute sa vie l'avocat de la cause en béatification de Marie-Antoinette et de madame Elisabeth. Cyprienne épousera le prince Marcello Del Drago, chef de cabinet du comte Ciano, le ministre des Affaires étrangères de Mussolini. C'est donc peu dire que Edmonde Charles-Roux vécut - sinon contre (elle voyait très fréquemment les siens) - du moins en rupture avec son milieu familial. Mais à sa manière, Edmonde, c'était aussi le clan des Charles-Roux.
 
En mai 1940, son père est nommé secrétaire général du Quai d'Orsay par Paul Reynaud. Il passe quelques mois à Vichy, soupçonné de gaullisme, s'attirant les railleries de Drieu dans son Journal. Il démissionnera au lendemain de Montoire préférant «se retirer sous sa tente». En l'occurrence pour occuper le fauteuil paternel à la (très gaulliste) Compagnie du canal de Suez.
 
Quelque temps plus tôt, Edmonde a quitté sa famille installée à Rome pour gagner Marseille. Elle commence des études d'infirmière et, plutôt que la bonne société de Marseille, fréquente les artistes réfugiés dans le Sud. Chez la comtesse Pastré, qui sera la fondatrice du festival d'Aix, elle croise le décorateur Christian Bérard, Louis Jouvet, Pablo Casals, le danseur Serge Lifar. Un monde se révèle à elle. Ni celui de la bourgeoisie marseillaise, ni celui de la diplomatie. Un milieu qui ne doit rien à ses parents. Le sien en propre. Elle fait la guerre comme ambulancière, soignant des légionnaires italiens et tchèques, dont elle connaît la langue, elle qui a grandi à Prague et fait ses études au lycée Chateaubriand de Rome. Elle est elle-même blessée, décorée de la Croix de Guerre et citée à l'ordre du Corps d'armée. Elle fait la Une de Paris Soir et, racontera-t-elle plus tard à Match, s'attire de son grand-père cette remarque: «C'est bien, mais gagner la guerre c'est mieux». Elle passera l'Occupation à Marseille affectée dans la clinique clandestine de la Résistance... Lire l'intégralité