Vichy et les Juifs est votre second livre sur cette période, publié pour la première fois en 1981. Pourquoi cette réédition ?
Car la question n’a pas disparu du débat public. J’ai d’ailleurs eu un débat avec Jacques Semelin (ndlr : historien français, auteur de Persécutions et entraides dans la France occupée ) qui arrivait à des conclusions un peu moins négatives sur l’attitude des Français. Je me suis rendu compte qu’énormément de travaux sur cette période ont été réalisés ces dernières années. Mais nous n’avons pas renié nos conclusions : Vichy a agi en toute indépendance, du moins au début, et sa politique de discrimination contre les juifs découle du choc de la défaite et des crises des années 30. Nous avons nuancé notre propos et analysé plus clairement le rôle de l’administration.
C’était une convergence d’intérêts...
On a tendance à croire que ce sont les idéologues des années 30 qui ont créé cette politique antisémite. Mais c’est l’administration française qui l’a mise en place. Le tort de Vichy a été de vouloir préserver sa souveraineté en faisant le travail des Allemands. Ça arrangeait Hitler qui voulait que la France soit gérée par les Français afin d’économiser ses forces pour envahir l’Angleterre. C’était une convergence d’intérêts.
Donc la théorie selon laquelle Pétain collaborait a minima afin de limiter les dégâts et protéger les juifs de nationalité française ne tient pas ?
On ne voit rien de tel dans les premières années de l’Occupation. Au contraire : les premières mesures de discrimination adoptées par Vichy sont dirigées contre tous les juifs, français comme étrangers. L’idée de Vichy est de se faire une place dans l’ordre nouveau. Le premier train de déportés part de France en mars 1942. Vichy est ravi car depuis 1940 il essayait de persuader Berlin de reprendre les juifs étrangers réfugiés en zone non-occupée. Vichy a livré aux Allemands des juifs de cette zone où il n’y avait aucun soldat allemand ! En Hongrie ou Roumanie où l’antisémitisme était beaucoup plus virulent, on n’a pas vu de telles actions...
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