Le CRIF en action
|
Publié le 15 Novembre 2005

Hommage à Itzhak Rabin, « le soldat de la paix », à Paris

« Chalom Haver ». 1200 personnes étaient réunies à l’Hôtel de Ville de Paris, lundi 14 novembre 2005, pour y commémorer le dixième anniversaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre israélien, Itzhak Rabin. Cette soirée, organisée par la Mairie de Paris et la Maison Itzhak Rabin avec le soutien actif du CRIF, était animée par Ivan Levaï. Plusieurs personnalités étaient venues saluer la mémoire d’Itzhak Rabin parmi lesquelles l’ambassadrice de Jordanie à Paris mais aussi Leïla Shahid, l’ancienne représentante de l’Autorité palestinienne à Paris.



« Paris veut se grandir en puisant au plus profond de ses valeurs pour honorer Itzhak Rabin ». Bertrand Delanoë, a ouvert la cérémonie en soulignant que « le message universel dédié à la fraternité entre les peuples affirme le droit à la vie du peuple israélien et du peuple palestinien ». Le Maire de Paris, tout en rappelant sa fidélité au message de Rabin, a assuré : « Nous sommes tous des combattants de paix ».

Organisant chaque année la commémoration de l’assassinat de l’ancien premier ministre israélien, le président de la maison Itzhak Rabin, Bernard Zilberg, a indiqué que l’objectif de son association était de « suivre le chemin tracé » par Itzhak Rabin, c’est-à-dire développer les valeurs d’humanisme, de tolérance et de paix.

Ne pouvant assister à la soirée, les messages d’amitié et de respect de Shimon Peres, Mahmoud Abbas et du roi Abdallah II de Jordanie ont été retransmis. Shimon Peres, son ami de toujours et rival dans la vie politique, a raconté quelles ont été les difficultés pour Itzhak Rabin de prendre les justes décisions mais aussi de serrer la main de Yasser Arafat. Le vice-premier ministre israélien a précisé qu’ils avaient choisi de suivre « la voie de la jeunesse et du futur ». « Le courage est de commencer mais pas de s’arrêter », a-t-il ajouté. De son côté, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a déclaré : « Nous avions affaire à un homme courageux, un homme de paix, un homme qui faisait ce qu’il disait. » « Il manque à tout le Proche-Orient », a-t-il précisé. Enfin, le Roi Abdallah II s’est souvenu d’Itzhak Rabin, comme étant « l’homme qui avec son père a défendu une noble cause, la cause de la paix ». Le Roi de Jordanie a également tenu célébrer l’héritage de Rabin, « un héritage de courage et de vision ». Dans un message pacifiste et plein d’espoir, le Roi a déclaré : « Nous connaissons les buts auxquels nous aspirons. Justice pour le peuple palestinien. Sécurité pour le peuple israélien. Deux Etats vivant côté à côté, répondant au droit international. Pour la jeune génération, une nouvelle opportunité de réaliser une vie constructive, lui donnant ainsi une alternative au désespoir et à la haine. »

David Kornblutt, chargé d’affaire de l’ambassade d’Israël en France, a rendu hommage à « celui qui a consacré sa vie à la défense et au bien être d’Israël » et dont « le nom restera gravé dans l’histoire ».

Colette Avital, vice-présidente travailliste de la Knesset, a parlé de l’assassinat de Rabin comme d’un « trou noir dans l’histoire de notre peuple ». Face au climat de violence actuel, elle s’interroge sur les leçons de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, sur la nature de la démocratie en Israël mais aussi sur la liberté de parole et ses limites. Revenant sur le retrait de Gaza, elle affirme avec satisfaction que « le rêve du grand Israël est terminé » et lance un appel : « Marchons avec détermination dans le sillon » qu’a tracé « le soldat de la paix ».

Nissim Zvili, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, et Roger Cukierman, le président du CRIF, ont également rendu hommage à l’homme d’Etat devenu le Nobel de paix, qui a su prendre des décisions courageuses et dont le message de paix se transmet à travers les générations.

Le Sénateur Robert Badinter, ancien ministre et ancien président du Conseil Constitutionnel, ajouta à cette soirée pleine d’émotion une touche très personnelle en expliquant comment s’était construit Itshak Rabin, précisant non sans humour, le rôle central joué par la mère du Premier ministre. Il rappela aussi solennellement ce que représentait le meurtre du chef de gouvernement israélien par un juif extrémiste, une véritable leçon de vigilance à la lumière du passé pour ne pas occulter l’avenir.

C’est en musique que s’est achevé cet hommage. Les choristes de deux mouvements de jeunesse, Hashomer Hatsaïr et Habonim Dror accompagnaient un soliste de choix en la personne d’Enrico Macias qui interpréta deux chansons qui s’inscrivent désormais dans l’Histoire : « Chir léChalom » (Chant pour la paix) qu’Itshak Rabin chanta sur la place des Rois d’Israël à Tel Aviv quelques minutes avant d’être assassiné ; « Un berger vient de tomber » qu’Enrico Macias avait composé en hommage à Anouar El Sadate, autre leader historique assassiné du fait de son combat pour la paix au Proche-Orient.


Discours de Roger Cukierman, Président du CRIF


Chers Amis,

Merci pour votre engagement exemplaire dans ces cérémonies à la mémoire d’Itzhak Rabin.

Sous le haut patronage du Président de la République, en présence de tant de personnalités, grâce aussi à l’action de la Maison Itzhak Rabin, nous sommes réunis ce soir pour rendre hommage au visionnaire qui a engagé son pays avec courage dans la voie de la réconciliation avec les Palestiniens.

Il a tracé ce chemin sans illusion sur les difficultés à affronter mais avec la conscience profonde que c’était la seule voie d un avenir possible pour les Israéliens comme pour les Palestiniens.

Il a payé de sa vie pour avoir voulu la paix. Son sang a maculé une feuille de papier qu il tenait sur son cœur. Ce papier était un hymne à la paix. Les trois balles n’ont pas seulement atteint Itzhak Rabin, elles ont atteint tous les hommes épris de paix, elles ont renversé le frêle esquif de la réconciliation.

Né à Jérusalem, Rabin a mené tous les combats pour la survie d Israël dès 1948. Il a conduit l’armée d’Israël à la victoire spectaculaire de la guerre des six jours. Mais ce soldat a su se transformer en ouvrier de la paix.

Dix ans déjà ! Que de temps perdu ! Que de pertes humaines ! Que de vies gâchées ! Que d’attentats sanglants ! Que de haine accumulée ! Que de désespérance !

Martyr de la paix, Rabin est entré dans l’histoire. Mais l’histoire n est pas pressée. L idée de cette paix si nécessaire, si difficile, si exigeante, gagne peu à peu les esprits.

Mais pas tous les esprits ! Non, son assassin a été motivé par le fanatisme, le même fanatisme qui motive d’autres fanatiques, le même fanatisme qui guette et menace de toute part.

En Israël, la démocratie n’est pas un vain mot. Cet Israël que nous aimons c’est l’Israël du respect des valeurs morales, de la générosité, de la tolérance, du modernisme. Mais aussi du courage et de la fermeté. La paix signifie le respect mutuel, et la reconnaissance de l’autre. Jamais Rabin n’aurait sacrifié la sécurité de son pays !

Mais sa vision sera accomplie! Il peut reposer en paix ! Rabin a gagné ! Car il a ouvert un chemin irréversible. Aujourd’hui, tous les Premiers Ministres d Israël, de droite comme de gauche, suivent et suivront la voie qu il a tracée.

La courageuse décision de Sharon de se retirer de Gaza en est la démonstration. Elle ouvre à nouveau la perspective de voir un jour Israéliens et Palestiniens vivant en paix côte à côte. Car les deux peuples aspirent à la fin des violences, à une normalisation de leur vie quotidienne, en un mot à la paix.

Dix ans déjà ! Certains des acteurs d’hier se sont retirés. Shimon Pères qui, comme Rabin, avait bien mérité le prix Nobel de la Paix, quitte l’avant scène. De nouveaux leaders Israéliens ou Palestiniens apparaissent. Mais tous doivent se considérer comme les héritiers de Rabin. Ils doivent imposer à tous la volonté de vivre ensemble dans le respect de l’autre. Ils doivent faire taire les fanatiques sans aucune concession et avec la plus grande rigueur.

Shalom, comme Salam, veut dire la paix. Mais aussi et tout simplement bonjour. C’est le temps du dialogue, le temps de la paix.

Perpétuer le message de Rabin, c’est croire dans cet élan pacifique, démocratique, humaniste qu’il a voulu nous communiquer.