Tribune
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Publié le 22 Juillet 2015

L'accord iranien et la mort du procureur Nisman

Le retrait officiel de l'Iran de « l'axe du mal » met un point d'interrogation sur l'avenir de l'enquête moribonde sur l'attentat.

Par Damian Pachter (photo), journaliste israélo-argentin, publié sur I24 News le 22 juillet 2015
 
Alors que les grandes puissances célébraient la signature de l'accord nucléaire avec l'Iran, les Argentins commémoraient l'anniversaire de l'attentat de 1994 contre un centre communautaire juif à Buenos Aires (l’AMIA), qui aurait été ordonné par des agents iraniens. L’attaque avait coûté la vie à 85 personnes. Parmi les milliers de participants à la cérémonie de vendredi se trouvait la mémoire d’Alberto Nisman, le procureur qui est mort il y a six mois dans des circonstances mystérieuses en essayant de prouver que la présidente Cristina Fernandez de Kirchner avait cherché à dissimuler le rôle de l'Iran dans l'attaque terroriste.
 
À 09h53, la foule a observé une minute de silence à l'endroit où une camionnette blanche transportant 300 kg de TNT avait explosé il y a 21 ans. Au son d'une sirène solennelle, des images des visages des victimes ont été projetées.
 
La cérémonie a battu tous les records de participation cette année, probablement en réaction à la mort de Nisman, trouvé sans vie dans son appartement avec une blessure par balle à la tête le 18 janvier.
 
« La cérémonie commémorative de cette année était différente en raison de la mort d'Alberto Nisman », a déclaré Javier Waldman, un survivant qui s’est échappé des décombres du bureau du trésorier dans le bâtiment de l'AMIA (acronyme du centre communautaire).
 
La fille de 15 ans de Nisman, Iara, a allumé une bougie en mémoire à son père et l'a placée à côté des 85 autres. Mario Averbuch, le père de l'une des victimes, a affirmé que « la balle qui a tué Nisman a aussi tué l'affaire AMIA ».
 
« Ma sœur Kala et moi vous exhortons à nous rejoindre et à nous aider à découvrir la vérité sur ce qui est arrivé à mon père », dit-elle.
 
Waldman n’a plus d’espoir. « Chaque année, il y a de moins en moins d'espoir de découvrir la vérité. C’est chaque fois encore plus d’impunité », se désole-t-il.
 
Et maintenant, il y a aussi une nouvelle dimension géopolitique.
 
Le retrait officiel de l'Iran de « l'axe du mal » met un point d'interrogation sur l'avenir de l'enquête moribonde sur l'attentat. La demande persistante pour que justice soit rendue semble plus inatteignable que jamais, non seulement parce que le procureur chargé de l'affaire AMIA est mort, mais parce que la communauté internationale a reconnu le régime des ayatollahs en tant que partenaire.
 
Cela n’avait pas été le cas en 2006 lorsque le défunt procureur avait déposé son premier acte d'accusation, arguant qu'il avait trouvé les responsables de l'attaque de 1994. « Nous montrons dans le présent rapport que la décision de procéder à l'attaque de l’AMIA et la mise en œuvre de l'attentat ont été orchestrées par les plus hauts responsables de la République islamique d'Iran à l'époque, et que ces mêmes responsables ont chargés le Hezbollah libanais de mener l'attaque », avait alors écrit Nisman. Il ajoutait qu’Ismael Husein Berro, un Libanais de 21 ans, avait été le bourreau.
 
« [La] décision a été prise par le Comité des opérations spéciales, composée du chef spirituel Ali Khamenei, le président Ali Akbar Rafsandjani, le ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Velayati et le ministre du Renseignement Ali Fallahijan", avait-il précisé.
 
Selon les conclusions de Nisman, la décision a été prise lors d'une réunion tenue le 14 août 1993 dans la ville iranienne de Mashad, « où deux individus qui sont au cœur de l'événement ont été spécialement convoqué, à savoir Mohsen Rabbani, qui était à l'époque cheikh de la mosquée At-Tawhid, et Ahmad Reza Asghari, qui était à l'époque troisième secrétaire de l'ambassade d'Iran à Buenos Aires ».
 
En 2011, l'administration Kirchner a négocié avec l’Iran l'avenir de l'enquête AMIA à huis clos. Le ministre argentin des Affaires étrangères, Héctor Timerman, a rencontré à Addis-Abeba, en Ethiopie, des représentants du président Mahmoud Ahmadinejad.
 
En janvier 2013, un « mémorandum d'accord » avec l'Iran a été accepté par le Congrès argentin lors d’un processus accéléré, mais l'opinion publique était fortement opposée à l'accord.
 
Lorsque l'administration Kirchner a réalisé que des négociations avec l'Iran sur son programme nucléaire étaient en cours à l'initiative des États-Unis, elle a trouvé l'excuse parfaite pour poursuivre la mise en œuvre de son propre accord avec l'Iran en utilisant la politique occidentale comme un bouclier protecteur contre la critique interne... Lire l'intégralité.